BORN TO BE WILD.
I. Un plus un égale quatre.
« Willow jouait tranquillement dans son coin. Je me souviens que je la surveillais quelque peu plus distraitement que sa sœur qui avait plus la bougeotte et qui était plus aventureuse. Mais, pendant un instant j’ai observé Willow construire gentiment un gâteau de terre et de boue où elle avait placé des petits bâtons afin de faire croire qu’il s’agissait d’un gâteau d’anniversaire surmonté de bougie. Un petit garçon est alors arrivé et a mit un grand coup de pied dans le faux gâteau de Willow. Il n’en a pas fallu plus à Joanna pour arriver tel un ouragan. Avant même que je n’ai eu le temps de réagir elle avait violemment poussé le petit garçon et lui avait sauté dessus tel une catcheuse. Mais, lorsque sa sœur s’était mise à pleurer, elle avait arrêté sa petite entreprise de torture pour directement aller lui tenir la main et lui faire un bisou. Joanna était la plus courageuse – ou du moins la plus téméraire. Elle n’avait pas froid aux yeux. Un peu trop peut-être. Mais bizarrement, dès qu’elle tenait la main de sa sœur, elle était plus douce. Plus calme. Plus détendus. Comme si sa jumelle avait eut un effet apaisant sur sa personne. » Baby-sister des jumelles.
« Elles échangeaient leur identité comme elles échangeaient leurs doudous. Elles auraient hurlé à la face du monde être deux personnes bien distinctes. Mais nous savions tous que ce n’était pas le cas. Semblable en tout point. Différente sur tous les plans. Tour à tour Willow, tour à tour Joanna. Et ce sourire espiègle sur leur visage. Celui qui voulait dire que quoi qu’il arrive, elles savaient que l’on ne saurait affirmer être sûr à cent pour cent de savoir laquelle était Willow, laquelle était Joanna. Un ADN. Deux corps. Un cœur. Deux fois plus de bêtises. Une âme. Liées à jamais. Liées pour toujours. Liées dès le début. Liées jusqu’à la fin. Promesse tacite. Mots d’amour chuchoté à l’oreille le soir dans le noir. Main l’une dans l’autre. Parfaite osmose. » Maîtresse des jumelles.
TOUJOURS DANS MON COEUR.
II. Quatre moins un égale trois.
Je n’ai jamais pleuré devant personne. Sauf devant Willow. Alors que ma sœur pleurait à chaude larme sur mon épaule durant l’enterrement de maman, je suis restée impassible et stoïque, le visage fermé et la tête haute. Elle était belle ma maman, même blanche, même froide. Elle était belle dans sa mort. Belle dans notre malheur. Emportée par son cancer du sein après une bataille rude et difficile contre celui-ci. Nous n'avions rien fait pour mériter cela. Rien du tout. Mais quelle famille mérite cela de toute façon ? Pourtant, j’avais l’infime conviction que nous encore moins. Nous n’avions jamais rien fait de mal et nous étions contentés de vivre heureux et soudé. Nous étions une famille unis. La mort nous a brisé. Nous étions le stéréotype de la famille anglaise banale qui n'a rien pour se démarquer. Juste une famille, où nous nous aimions les un les autres. Puis est venu cette offre d'emploi pour mon père qui a changé quelque peu notre statut social. De la classe moyenne, nous passions à la classe aisée. Mais sans jamais en abusé et avec la générosité dont nous avions toujours fait preuve. Alors pourquoi ? Est-ce Dieu qui décider tout à coup de nous reprendre quelque chose puisqu'il nous en avait donné une autre ? J'aurais échangé tout l'argent du monde pour retrouver ma maman. Pour la serrer tendrement contre moi et m'imprégner de son odeur. Même pour quelques secondes. J’aurais tout donné pour que Willow et moi ne perdions pas notre modèle sur terre. Pour ne pas perdre la perfection de sa tendresse, la perfection de son amour, la perfection de sa personne. J’aurais aimé pouvoir être si douce, si belle, si gentille. J’aurais aimé être ma mère. A l’époque c’était ce que je souhaitais le plus au monde. Pour avoir la force de soutenir Willow dans sa tristesse. Pour avoir la force de soutenir mon père, perdant l’amour de sa vie. Nous n’avions pas eu assez de temps avec elle. Aucun de nous. J’aurais voulu plus de temps, plus de tendresse, plus de baiser. Plus, juste plus de tout.
La main fine de ma sœur dans la mienne et sa tête secouée de gros sanglot sur mon épaule, la tête vide, je n’écoutais qu’à moitié la cérémonie. Ma fragile sœur s’accrochant à moi, je ne pouvais me laisser aller à la peine moi aussi. Nous n’étions plus que trois. Trois contre le monde. Mais avant tout, deux contre le monde. Willow était déjà ma priorité dans la vie avant le décès de ma mère. Mais après, ce fut pire. L’idée même qu’elle puisse souffrir, avoir mal, ou aller mal me tordait l’estomac à en avoir envie de vomir parfois. Et lorsqu’elle l’était réellement, je l’accueillais dans mon lit, caressant ses cheveux d’or, ses épaules et son cou, comme le faisait notre mère lorsque nous étions enfant. Je savais que mon amour ne remplacerait jamais celui de ma mère, jamais. Mais j’osais espérer lui suffire. J’osais parce que le contraire m’aurait anéanti.
Et mon père. Mon pauvre papa. Je n’étais pas assez forte pour lui. Pas assez, je le savais. Parce qu’à l’âge que j’avais, je ne pouvais connaitre l’amour comme lui l’avait connu avec ma mère. Je ne pouvais comprendre. Je ne voulais pas comprendre non plus. Ma peine était déjà trop grande, et celle de Willow aussi. Je ne pouvais être forte pour tous. Mais j’ai souhaité cent fois, mille deux et plus encore être assez forte pour être le pilier de ma famille brisé par le chagrin.
NA NA NA.
III. Tire et fait tourner. Apprend et soit la meilleure.
« Après la mort de leur mère, quelque chose à changé chez elles. La perfection incarné qu’elles étaient, s’est doucement fissuré pour faire de la place à deux petits bouts de femmes brisé et ayant besoin de soutien. Elles auraient accepté celui de n’importe qui. Elles ont eut celui de n’importe quoi. Simon et Joanna ont commencé à sortir ensemble environ deux mois après le décès de la mère des jumelles. Et très vite, le visage de la jeune fille s’est modifié. Affiné, le corps maigre. Les blancs des yeux un peu trop rouge. Et puis un peu trop souvent aussi. La spirale infernale. L’amour. La drogue. La fête. L’alcool. Cette perfection s’est effrité aussi facilement qu’on effrite un morceau de shit. Ô elle n’aurait pas été fière sa mère. Elle n’aurait pas été fière que sa petite princesse devienne une reine de la nuit plutôt qu’une reine dans ses études. Sa relation avec Simon, a duré un an. Un an à n’être qu’une loque. Pourtant, on voyait aussi qu’elle était un soutien sans faille pour sa sœur. Joanna était deux. Elle était le soutien de sa sœur et Jojo la junkie. Elle n’était pas encore au point de se piquer mais, alors qu’elle n’avait jamais bu de sa vie ou fumer ne serait-ce qu’une cigarette, elle avait tout à coup besoin de tout ce qui lui permettait de se sortir d’elle-même, de se morfondre dans sa tristesse. Et surtout d’à côté, de pouvoir être un soutien pour sa sœur. Avec Simon, elle était victime. Avec sa sœur, elle était soutien. Joanna et Jojo. Deux personnes complètement différentes dans un même corps.
Mais comme je le disais sa relation avec Simon a prit fin au bout d'un an. Lorsque quelqu’un a tiré la sonnette d’alarme pour elle. Elle ne pouvait gâcher sa vie sous prétexte qu’elle avait de temps en temps besoin de souffler. Oh non, elle ne pouvait le faire et a donc mit fin à sa relation. Pourtant, elle l’aimait Simon, on le voyait tous. Mais, elle a préféré une vie belle et longue, qu’une histoire d’amour nocive. » Camarade de classe
« Le droit. C’est devenu tout ce qui l’intéressait. Depuis ses dix huit ans elle savait. Et tout à coup, elle redevenait l’élève studieuse et attentive que l’on connaissait. Sa période de deuil était finie. Nous étions tous ravie de retrouver la vraie Joanna, celle qui ne nous avait jamais déçus et dont nous ne tarissions pas les éloges. Elle était à nouveau saine. Et prête à tout pour réussir. Sa conviction, son déterminisme sont devenu sa force. Elle pouvait soutenir sa sœur, souffler un peu et pourtant être parfaitement brillante. Le genre de fille à qui tout réussit. Sans aucun doute, elle se fera des ennemis sur sa route si jamais tout lui réussit aussi bien qu’on ne le croit tous. Il suffit qu’elle ne rechute pas dans ses démons et l’avenir s’offre à elle sur un plateau d’argent. Elle est intelligente et travailleuse. C’est une bosseuse, une fonceuse. Une force de la nature. Un pilier pour sa famille et ses camarades. C’est une femme forte qui fera une grande carrière, je n’en ai aucun doute. Et elle sera redoutable à la barre, un vrai requin. C’est certains. » Professeur
CANCER.
IV. Il y a des gênes héréditaires dont on se passeraient sans problème.
J’imagine très souvent la conversation que je pourrais avoir avec Willow à ce sujet. Je la ferais s’assoir sur une chaise et prendrait sa main doucement dans la sienne. Je tracerais des ronds sur le dos de celle-ci avant de l’attirer contre moi avec force, m’excusant de ne pas lui avoir dit plus tôt. Et puis j’avouerais. J’avouerais enfin mon seul et terrible secret. Le seul que je garde pour moi et ne révèle à personne. Cette part d’hérédité qui pourrait me tuer moi aussi. Si tôt.
Et puis je me rappelle que ma sœur est trop fragile pour supporter cette nouvelle. Pour supporter l’idée que je vais peut-être mourir moi aussi. Qu’elle est trop fragile pour que je puisse lui infliger ça à nouveau. Comment pourrais-je faire du mal à cet être si tendre ? Si doux ? Comment le pourrais-je alors qu’elle ne m’a jamais apporté que du bonheur, de la tendresse et de l’amour. Jamais Willow et moi n’avons élevé la voix l’une contre l’autre. J’acceptais tous ses choix, comme elle acceptait tous les miens. Et puis, nous avions toujours tout fait ensemble. Et si certaines premières expériences n’avaient pas été faites ensemble, elles avaient été sensiblement faite à peu de temps de différence.
Comment pouvais-je briser ses espoirs ? Je ne pouvais être le bourreau de ma sœur alors que j’avais toujours été son soutien et sa plus grande défenseuse. Je ne pouvais pas, et surtout, je ne voulais pas. Je ne pouvais briser ses espoirs d’une longue vie à deux, ensemble, à vieillir ensemble et à toujours tout nous raconter. Mais je ne pouvais pas non plus lui mentir. Une impasse. J’étais tout à fait et parfaitement dans une impasse.
Comment avouer à ma sœur que j’ai moi aussi, comme notre mère, un cancer du sein ? Comment ? Comment lui dire que je vais peut-être mourir.
Je ne peux pas.