SCARLETT ❈ wrong moments to be

Franchement pour tout vous dire, je crois bien que j'ai l'air d'un alcoolique là. Tout seul, au comptoir d'un bar, à m'enfiler mon deuxième verre de whisky. Mais franchement ? Je m'en fou. Je suis pas un mec très sociable et je le serais probablement jamais. Alors sincèrement, être seul à cette place là, c'est le cadet de mes soucis. Sauf que ça donne des idées à certaines, comme à cette petite rousse qui sentait l'alcool à plein nez qui était venu me parler. Une autre nana superficielle jusqu'au bout des ongles qui tient pas l'alcool et qui se sent attiré par les bad boy mystérieux. Je l'avais gentiment remballé, enfin gentiment à ma manière et ça avait marché. Enfin ça c'était jusqu'à ce que j'entende du bruit pas loin de moi, où j'aperçu justement cette fille en train de se faire emmerder par un mec qui avait l'air plutôt bien amoché de sa soirée. Je détournais mon regard, je suis pas le sauveur de tout le monde, elle avait qu'à pas boire autant si elle était pas capable de se débrouiller toute seule après. Seulement, le ton commençait a vraiment monté et ça, ça me saoulait. Je jetais à nouveau un coup d'oeil là bas, voyant que cette fois la rousse tentait de se débattre tant bien que mal. En soupirant, je me levais, abandonnant mon verre. Arrivé à leur hauteur, je chopais le gars par l'épaule pour le faire reculer. « C'est bon lâche l'affaire, tu vois pas que tu fais chier tout le monde là ? » dis-je, à l'intention du gars. Sauf qu'il eu la superbe idée d'essayer de m'en décoller une, mauvaise idée. Je lui rendis son coup, histoire de le voir par terre, incapable de se relever, tellement il était saoul. Je lançais un regard noir à la jeune femme qui me fixait, d'un air complètement paumé et flippé. 

Scarlett essaye. Parce que ça l'amuse, que ça fait partie du rôle de s'attaquer aux bad boy. Elle s'en fout de se faire recaler, elle-même se recalerait ainsi accoutrée. Tant pis, elle trouverait une autre occupation. Comme boire un autre verre. Et repousser un mec qui pense que sa tenue signifie qu'elle écarte les cuisses rapidement. T'es vraiment mal tombé. Parle au début, puis refuse, et ensuite, lui demande avec toute la diplomatie dont elle peut faire preuve -c'est à dire peu-, de dégager car c'est un porc. Voilà. Mais comme c'est un porc, ça ne lui suffit pas, et il insiste d'avantage. Lui saisit les poignets, Scarlett se débat, de façon un peu hystérique. Elle ne supporte pas qu'on la maintienne, ce n'est pas nouveau. Le jeu devenant moins marrant. Puis on la libère. Le mec qui l'a repoussé débarque.  « C'est bon lâche l'affaire, tu vois pas que tu fais chier tout le monde là ? » Pas faux. Ca aurait pu suffire. Mais non, ça serait trop simple. Un coup, puis deux. Le relou à terre, l'autre debout. J'sais pas, je crois qu'elle a du mal à respirer. Comme une panique qui s'amuse à lui serrer la gorge, l’étrangle doucement en s'amusant de la voir se débattre avec ses démons. Le regard noir n'aide en rien. Ses paupières surchargées de mascara s'ouvrent en grand, les yeux exorbités qui fixent ce regard perturbant. « J'peux.. j'peux pas.. » Recule, percute un mec qui râle, elle a de la bière sur les bras, la robe. Princesse qui se casse la gueule de son trône. Elle a peur, de lui, du mec parterre, du bruit de la douleur, des coups. Continue de reculer, suffoque, porte ses doigts à sa gorge. Un profond malaise la prend. L'impression que son cœur bat fort, secoue son être au rythme des battements. Sa main libre s'agrippe à une table, puis la lâche en la faisant chanceler. C'est l'alcool diront-ils. Mais ça ne l'est pas. J'crois même que certains rient en la voyant, cette pauvre cruche qui titube, qui a peur d'un coup de poing. Sort de chez toi la rousse, descend de ton arc-en-ciel.

Je soupirais longuement. J'avais pas prévu de jouer les héros ce soir et je n'en avais absolument pas l'envie. Absolument pas. C'est pas tellement dans mes habitudes non plus, de voler au secours d'une nana qui se faisait emmerder par un mec parce que de une elle avait trop bu, résultat c'était sa faute si elle pouvait plus se défendre et de deux, j'ai horreur du genre de fille qu'est la fille que je viens d'aider. Tout ce que je déteste, tellement superficielle qu'elle en est ridicule, ça me dégoûte. Je jetais un oeil au mec que je venais de frapper, il était à terre, le nez en sang. Les gens nous jetait des regards paniqués, la plus part me n'osait pas me regarder, de peur peut être que je leur en décolle une à eux aussi. On aurait pu penser que je défendais une amie proche, ou même ma copine, mais non je venais de défendre une inconnue aux extensions que j'avais remballée une vingtaine de minutes auparavant. Je la regardais d'ailleurs, elle semblait complètement paumée, apeurée. « J'peux.. j'peux pas.. » Et je voyais tous ces gens autour d'elle, qui la regardait comme une moins que rien, sans essayer de la rassurer, ni rien. J'avais déjà assisté à ce genre de scène, et les gens se ruent toujours sur la fille pour la réconforter. Mais non, la personne ne se bougeait pour lui demander si ça allait, ni rien. En somme, c'était pas non plus mon rôle mais pour une raison que je ne connais pas, je me retournais vers le bar pour choper ma veste qui était resté sur le tabouret et m'approchais d'elle. « C'est bon. Ça va. » Elle titube, elle a l'air complètement traumatisé. Je soupire, tirant une chaise plus loin en lui faisant signe de s'asseoir. Je m'étonnais moi même à me demander pourquoi elle agissait aussi bizarrement. « Euh. Ça va aller ? » demandais-je, gêné. Ouais, c'est pas mon genre de demander ça habituellement.

Franchement, si Scarlett n'était pas dans cet état de panique, qu'elle était encore capable de voir l'ironie de la situation, elle se marrerait sûrement. Pauvre garçon qui en est venu à devoir sauver cette fille tellement fausse qu'aucun Disney ne la voudrait dans ses princesses. Que personne ne la voudrait tout court, en fait. Pas même ces bedeaux qui la regarde chancelante, sans bouger, sans l'aider ou même se montrer compatissant. Regarde la misère avec froideur. C'est vrai alors, les gens ne connaissent plus la solidarité ? Surtout pas avec toi Scar. T'en as pas besoin de toute façon, non ? Tu te rappelles, tu te moques de tout le monde. Même de lui, le mec avec son air rebelle qui frappe tout ce qui bouge. Qui t'as sauvé, mais t'en prends pas encore conscience. « C'est bon. Ça va. » Vraiment, tu crois que ça va là ? Ca va pas du tout ouais. Il tire une chaise, où elle s'assoit sagement. Docilement. Parce qu'elle n'a pas le choix, qu'elle ne sait pas quoi faire d'autre.  « Euh. Ça va aller ? » Prend sa tête maquillée entre ses mains, s'écartant légèrement de lui en bougeant sa chaise. Pas trop près. « Mais oui ça va, c'est bon.. » Me regardez pas comme ça, comme une espèce de cinglée. J'suis pas une victime. « C'est ce connard là, qui sait pas ce que veut dire 'non'. ». Scar essaye de se concentrer sur l'homme qui se relève difficilement, plutôt que sur celui qui l'a frappé. Ne tournant pas même ses billes sur lui quand elle glisse du bout des lèvres : « T'étais pas obligé d'intervenir. » On dirait presque un reproche. Mais c'est la violence là, ça trouble son jugement.

La situation allait vite me blaser. Je ne sais pour quelle raison je m'étais presque inquiété pour cette fille alors que juste avant je l'avais remballé, et en plus de ça maintenant que je l'avais en quelque sorte sortie de la merde, elle m'ignorait presque. « Mais oui ça va, c'est bon.. » Loin de me vexer, mais ça me saoulait assez comme situation franchement. Si ça donne ça quand j'aide les gens, je le referais certainement pas. « C'est ce connard là, qui sait pas ce que veut dire 'non'. » Je m'autorisais un petit ricanement au fond de moi, c'était drôle qu'elle dise ça étant donné que c'est bien un "Non" que je lui avais balancé plus tôt. Bref, je décidais de pas trop l'enfoncer, trop gentil putain. « Ouais fallait pas autant boire si tu voulais être capable de lui faire comprendre comme il faut. » Elle me regardait même pas, elle était plus fixer sur le mec que j'avais coucher. Il se relevait à peine et certains mecs étaient venu l'aider. En me voyant il me lançait un regard noir que je lui rendis et il tournait la tête. Qu'il me cherche pas celui là. « T'étais pas obligé d'intervenir. » Je suppose que ça veut dire Merci, non ? Je sais pas je m'en fou qu'elle me remercie ou pas après tout je l'avais pas non plus fait avec grande bonté d'âme. « Mais de rien, y a pas de quoi ! » Je décidais de jouer le mec indigné, probablement parce qu'elle m'avait un peu énervé avec son comportement.

« Ouais fallait pas autant boire si tu voulais être capable de lui faire comprendre comme il faut. »  Serre les dents gamine, ça va passer. Oui oui, il t'accuse presque de ces maux qui te frappent, mais tu dois encaisser, le regard qui le fuit. Concentre-toi sur ta respiration qui se stabilise voilà, calme-toi. Tu peux compter que sur toi-même, comme d'habitude. Et il veut un merci, en plus ? Scarlett ressent bien cette attente quand il balance : « Mais de rien, y a pas de quoi ! » Alors qu'elle le libérait, tout simplement. « MERCI. » Qu'elle articule trop en déviant son regard foncé, qui se fait presque sévère, furieux, sur lui. « Mais c'est de ma faute c'est ça ? Je mérite car j'ai osé boire deux-trois verres. » Con. Espèce de con. J'mérite rien de tout ça. Mais t'es juste aveuglé par ce que tu détestes. S'énerver l'aide, au fonds, elle en oublie sa fébrilité, retrouve qu'elle peut être forte. Pas une victime. Cesse de frissonner, croise les bras contre son ventre, légèrement courbée en avant, dans une espèce de position de défense. Elle a légèrement froid, alors elle se frotte la peau. La bière renversée plus tôt diluant le fonds de teint tartiné sur sa chair, dévoilant les cicatrices multiples. Vas-y, enlève ton déguisement Scarlett. « C'est bon, je doute qu'il revienne vu ce que tu lui as mis. » J'vois bien que t'as aucune envie de rester à mes côtés, j'suis pas stupide, j'en ai juste l'air.

« MERCI. » Son ton est dur et sévère, elle est pas très contente. Certes je l'ai envoyé boulé tout à l'heure mais je l'ai quand même sortie de sa merde il y a quelques minutes, vive la reconnaissance quand même ! Je lève les yeux au ciel, blasé par cette attitude. « Mais c'est de ma faute c'est ça ? Je mérite car j'ai osé boire deux-trois verres. » J'étais partagé entre l'envie de la remballer ou de juste ignorer sa remarque. Je pars du principe où si tu sais que tu seras pas capable de te débrouiller après, tu bois pas point barre. Faut pas s'étonner après que des gars viennent faire chier hein. « Pas que tu mérites mais que t'avais qu'à faire attention » Hardin le donneur de leçon, j'étais tellement mal placé pour parler. Elle se frottait les bras, elle semblait avoir froid. Je la fixais, quand mon regard s'arrêta sur un de ses bras. Il laissait apparaître des traces, qui semblaient être des cicatrices, cachés par un produit. « C'est bon, je doute qu'il revienne vu ce que tu lui as mis. » J'écoutais pas ce qu'elle me disait, j'étais juste trop intrigué par ce que je venais de voir. « Comment t'as eu ça ? » demandais-je montrant d'un mouvement de la tête ses bras. Pas de tact, j'abordais le sujet.

« Pas que tu mérites mais que t'avais qu'à faire attention » En plus d'être le genre de type qui frappe les gens, il est aussi de ceux qui donnent des leçons. Merveilleux. La gamine s'entête, elle n'a pas envie de parler, de remercier, de s'expliquer. Scarlett a juste envie qu'on la laisse tranquille, qu'on l'oublie. C'est ça de jouer à la provocation constante, après, tu t'mets les gens à dos, tu t'embarques dans les emmerdes, et tu payes le prix à la fin du chemin. Elle relève ses billes brièvement vers celles masculines, pour les défier de son air effronté. « J'ai l'air d'une fille qui fait attention ? » Comme toi, t'as pas l'air d'un mec qui soit très prudent. Puis voilà, barre-toi, j'te libère. Puis je suis tellement perturbée que je fais pas gaffe à mes gestes. A mes mains qui se frottent contre mes bras, qui me déshabillent de mon maquillage. Qui me foutent à nue. « Comment t'as eu ça ? » Du coup ça lui jaillit à la gueule. Elle a un léger mouvement de recul, son regard se posant sur sa propre peau. Entre-ouvrant les lèvres en voyant le désastre. Vite, pose ses doigts sur les marques. Essaye d'en cacher le maximum, comme si ça servait à quelque-chose. « C'est.. c'est rien du tout. Je me suis cognée. Je suis super maladroite. » C'est dingue comme on sort toujours les mêmes excuses, même des années après. Du coup, ses prunelles se font moins rebelles, plus douces.