(elisa) LA PRINCESSE QUI N'AVAIT PAS DE ROYAUME

« Il est souvent difficile pour moi d'expliquer aux gens que je suis une princesse sans royaume, que je ne serais jamais appelée à régner sur quoi que ce soit et que cela m'arrange même grandement. Je ne me vois pas comme une princesse sur un trône, saluant gentiment son peuple d'un geste élégant de la main. »

C'est par un hiver de 1991 à Monaco que la princesse Elisabeth Charlotte Marie de Polignac vit le jour, fille du prince Charles-Henri de Polignac, homme politique, et Annika Gravilovic, chercheuse universitaire en Littérature française. Au chevet de la princesse, les membres de la famille Grimaldi, lointains cousins. C'est à leur côté que la petite Elisa grandit, dans l'opulence et l'amour, servit comme la princesse qu'elle était. Si elle vivait dans un appartement à l'extérieur du château, elle y passait beaucoup de temps pour jouer et y être éduquée. Car même non appelée à régner, elle se devait d'avoir les manières et les connaissances d'une personne qui devrait côtoyer les grands de ce monde régulièrement.


Elisabeth était une très bonne élève et elle connaissait déjà trois langues (français, italien et serbe) lorsqu'elle partit pour Londres sans savoir un mot de cette nouvelle langue qu'elle allait pourtant devoir appréhender très rapidement. Au pays de James Bond et de la grande Queen Elisabeth II, elle continue de côtoyer les éminents, la famille Windsor et l'aristocratie anglaise des ladies et lords. La demoiselle continue de se construire et découvre le théâtre dans les plus grands théâtres de Londres. Elle joue Shakespeare avec la troupe de son école. Sa passion se développe, aux regards très négatifs de ses parents.


Le seul attrait de Paris : la Comédie Française. Elisabeth ne se plait pas à Paris, elle ne s'y sent pas vraiment chez elle. Son père n'est jamais là, élu au Parlement européen, et sa mère est très souvent à la Sorbonne pour ses recherches. Seule, laissée à elle-même, elle écume les théâtres et les bibliothèques. Toujours aussi bonne élève, elle ressent dans cette grande ville ce qu'elle a toujours ressenti : elle n'est rien, qu'une petite chose insignifiante au milieu du monde, au milieu des familles royales qu'elle a toujours fréquentée. Si l'on a toujours voulu la considérer comme une princesse, elle sait qu'elle n'en a que le titre, et qu'il n'a aucune valeur. L'adolescence n'est pas un passage facile, il l'est encore moins pour Elisa qui doit revoir sa vie sous un nouvel angle. Si elle veut être reconnue, ce ne sera que pour elle-même et un supposé talent qu'elle pourrait avoir.


Contre l'avis de son père, qui voudrait la voir suivre des études de droit ou de sciences politiques, Elisa décide de quitter la France pour passer un an autour du monde, à la recherche de ces racines dont on lui a très peu parlées, celle de sa mère, mais aussi d'un nouvel élan. L'année sabbatique accordée par son père, après de longues discussions avec sa femme, aux frais du patriarche, se transforme rapidement en deux ans. La jeune fille y découvre un monde autrement different de la vie qu'elle pouvait avoir en France, un monde joyeux dans une certaine misère, loin de l'opulence mais auprès d'artistes de tout genre et de toutes nationalités.


Lors de son retour à Paris, et pour se faire pardonner, elle annonce à son père vouloir poursuivre des études à Harvard, en Littérature anglaise et Théâtre. Celui accepte, plus pour la discipline majeure que la mineure, mais sous la pression de la mère, ne fait jurer à sa fille qu'une seule chose : garder le standing de la famille et ne jouer que des textes à la hauteur de ses ancêtres, de grands textes sur de grandes scènes. Elisa, acceptant à contre coeur, embarque pour les USA et pose ses valises à Cambridge où elle suit à la lettre les attentes du patriarche (« ton grand-père en mourrait »), par peur de ne plus recevoir le lourd cachet de la soumission aux lois familiales.

« Combien de temps un artiste peut-il brider sa créativité avant d'envoyer valser les chandeliers ? »