(Opale-Luz) ☼ I've got thick skin and an elastic heart

La lueur diurne s'éternisait chaque soir un peu plus depuis quelques temps. Lorsque Norrington se dirigea vers le parking du campus, il se fit intérieurement la remarque que ce surplus de lumière était salvateur. Tout semblait plus intéressant lorsque le jour le caressait, et le peintre affectionnait plus que tout ces moments de transition entre clair et obscur. Déformation professionnelle dirons-nous. Les prunelles bleutées divaguent, observent, scrutent et s'évadent sur ces petits détails de ci de là qui nourriront la précision de son pinceau. Son manteau sur le dos et une grosse écharpe autour de son cou, il se sent  presque invincible contre le froid mordant de février. Bientôt le soleil de la Nouvelle-Zélande et la frénésie du spring-break, c'était presque comme si il assistait au calme avant la tempête. Ou pas. Une silhouette menue se découpe au milieu des étudiants pressés de rentrer chez eux ou d'aller en soirée. Elle est repliée comme terrée à l'ombre d'une voiture. Machinalement, Aidan laisse ses yeux s'égarer et ce qu'il découvre le stoppe instantanément. Opale. Ce seul prénom et un regret taillade l'intérieur de ses poumons. Par défaut d'honnêteté envers lui-même, mais surtout envers elle, il a détruit cette relation. De la pureté, il a insinué sa crasse et en porte le fardeau chaque jour un peu plus. Bien entendu, il a souvent pensé à se faire pardonner, à retrouver ce qu'ils avaient avant, mais comment réparer une plaie béante alors qu'on est la cause même de l'infection ? Et le voilà désormais confronté à ses propres faiblesses alors qu'il contemple le visage de la Cabot. « Besoin d'aide ? » lance-t-il naturellement, presque machinalement en observant la jeune femme embêtée face à son pneu crevé. Peu importe combien elle lui en veut, il ne peut tout simplement pas passer son chemin comme si de rien n'était. Il peut bien s'abîmer les mains en remplaçant la pièce endommagée, réparer la caisse, à défaut de réparer sa faute.

 

Les retrouvailles avec Opale, il les avait imaginé mille et une fois, mais jamais il n'était arrivé à un scénario concluant. La fin restait toujours la même, il avait merdé, avec une fille à laquelle il tenait sincèrement et rien n'effacerait cela. Forcé de porter sa culpabilté, et de se draper d'un orgueil désormais en lambeaux, il gardait toutefois contenance face au refus de la Cabot. Il n'y avait là rien d'étonnant. Ce n'était pas le genre de fille à pardonner dès le premier sourire gentil qu'on offrirait en guise d'excuses. Non, il allait ramer et il le savait, mais il voulait essayer. Il s'accroupit à côté de la jeune femme et la regarda faire quelques minutes. « T'es plutôt douée. » Force est de constater qu'elle n'avait pas vraiment besoin de lui, et l'effronté répondait à son rejet par une indifférence feinte, comme si il n'avait pas entendu les mots qu'elle avait prononcé quelque instants plus tôt. « Mais si tu serres pas plus les écrous de la roue, elle va se barrer au premier virage. » Ses prunelles océanes se rivaient sur la chevelure de la jeune femme dans l'espoir qu'elle se retourne pour lui faire face. En vrai, il n'en savait rien, mais autant prétendre qu'il savait de quoi il parlait en mentant sciemment, après tout il avait plus rien à perdre, quelques mensonges de plus ne changeraient plus rien. Norrington pour se raccrocher aux branches, il était particulièrement tenace.

“ i've got thick skin and an elastic heart. ”

Qu'elle le rejette lui donnait encore plus envie de rester, de s'accrocher, de ne rien lâcher. Quiconque connaissait un minimum Aidan, était également au courant de son penchant masochiste. Il adopte un sourire en coin, tout en continuant d'observer Opale, petite femme bourrée d'énergie malgré ses failles qu'elle s'entête à porter, comme des bagages trop lourds pour ses mains trop frêles. Un peu comme la roue qu'elle est entrain de changer. « T'as l'air en forme. » reprit-il tout en continuant de l'observer sans ciller. C'était certain qu'elle fulminait à le voir toujours dans les parages ce crétin. Mais c'était un crétin ouais, et il n'avait rien à perdre. Avec elle, il avait déjà tout perdu alors peu importe. « T'es toujours aussi belle. » lâche-t-il en se mordant la lèvre inférieure. C'était vrai, et il disait vraiment pas ça pour la séduire, juste parce qu'il trouvait qu'elle méritait qu'on lui dise. « J'espère que t'as trouvé quelqu'un à ta hauteur, pas un crétin comme ce maudit Norrington. » Il se rapprocha d'elle, si bien qu'il pouvait presque sentir son dos contre son torse, il l'entourait presque comme un étau duquel elle serait prisonnière. Elle devait être un minimum décontenancée pour l'avoir laissé approcher de la sorte. Les doigts masculins se refermèrent doucement autour du poignet gracile de la Cabot et de l'autre main, il se saisit de la pince qu'elle tenait entre ses doigts fins. « Laisse-moi faire, je te dois bien ça, promis Opale, après je disparais, mais je veux être certain que ta roue tient bien. » Il était déjà responsable de lui avoir brisé le cœur, il voulait pas qu'en plus, elle se foute dans le fossé alors qu'il l'aurait regardé sans rien faire. Tant pis si elle le laminait, qu'elle lui crachait au visage ou le bourrait de coups de poing, il resterait là.