(priarlie) why are you mad ?

La journée tirait à sa fin et tu étais posé dans ton lit en train de relire quelques pages de ta thèse, histoire de la peaufiner peu à peu. Elle était presque prête, mais comme tu avais le soucis du détail, tu ne voulais rien laisser au hasard. Tu voulais la relire deux, même trois fois s'il le fallait, mais elle devait être parfaite, impeccable. Jasper était sorti et Priape n'était pas encore rentré, ce qui voulait dire que tu avais au moins quelques minutes de calme devant toi. Vivre à trois dans une chambre, ça avait de nombreux avantages et tu n'allais pas t'en plaindre, mais parfois c'était bien d'avoir un petit moment pour soi. Alors que tu achevais la quatrième page, tu entendis la porte s'ouvrir et leva les yeux pour voir lequel de tes colocs c'était. « Bonsoir ! » dis-tu à Priape qui referma la porte derrière lui sans dire un mot. « Tu vas bien ? » demandas-tu en posant ton manuscrit. Il avait l'air un peu... absent. Il me semble que ce n'était pas dans ses habitudes de t'ignorer... Bon. Peut-être avait-il passé une mauvaise journée ? Ça aussi c'était possible. Après tout, tout ne tournait pas autour de toi et tu le savais très bien. Tu reprit donc ta lecture avec un peu moins de concentration que précédemment. « Tu peux me parler, tu sais... Je ne te mangerai pas ! » dis-tu en riant, n'ayant toujours pas entendu aucun son sortir de sa bouche. Ça devenait inquiétant. Autant mieux prendre la chose en riant que de tout de suite penser au pire... ~

Depuis ma discussion avec Emrys, je n’avais pas recroisé Charlie, du moins on avait pas eu de moments en tête à tête et j’avouerais que ça m’arrangeait autant. Je n’avais aucune envie d’affronter mon coloc, ex beau frère, ou futur beau frère, ou futur ex beau frère… Oui, je ne voyais pas d’un très bon œil leur récente réconciliation, tout simplement parce que je me rappelais trop bien le désastre qu’avait été leur précédent essai de relation de couple. Peut être aussi parce que d’un côté eux se rapprochaient alors que mon frère et moi, nous nous éloignions l’un de l’autre. Alors, quand je rentrais des cours ce soir, et qu’en poussant la porte je tombais nez à nez avec Charlie, je fus certainement très froid. Trop tard pour reculer néanmoins, Charlie me saluait déjà. Ignorant sa question, je posais quelques unes de mes affaires sur mon bureau avant d’aller me laisser tomber dans l’un des fauteuils de notre chambre, un bouquin dans la main. Si je feignais réviser j’allais peut être échapper à une discussion avec le jeune homme… Mais mon silence l’intrigua, d’ailleurs il en fit la remarque en riant. «Désolé… Journée chargée… Suis complètement naz… » J’ouvris mon livre, espérant que cette excuse bidon composée de phrases même pas complètes suffirait à convaincre mon coloc de me laisser dans mon coin.

Tu ne t'étais visiblement pas trompé vis à vis Priape et le tout se confirma que lorsqu'il prit la parole. « Désolé… Journée chargée… Suis complètement naz… » Tu fronças les sourcils en l'observant se poser dans un fauteuil. C'était plutôt louche. Tu posas ton manuscrit sur le lit avant de t'asseoir en tailleur, toujours en le regardant. « Priape. » dis-tu doucement, mais avec un ton plutôt insistant, histoire qu'il daigne lever les yeux vers toi. « J'ai un master en psychologie et je sais très bien décoder le langage non-verbal... » lanças-tu, un peu embêté par son comportement. « Soit on jout aux devinettes pendant dix heures ou alors tu me dis ce qui ne va pas. Ça fait des semaines qu'on n'a pas eu de vrai conversation et même si je vois que t'es super occupé, ce n'est pas une raison. Ça n'a jamais été une raison valable depuis qu'on est coloc' alors ça n'en sera sûrement pas une maintenant. » dis-tu d'un ton ferme, toujours en le fixant. « Allez. Raconte. » insistas-tu avant de te lever pour aller t'asseoir dans le fauteuil libre près de lui. La conversation s'annonçait longue, valait mieux être bien installé. ~

Ma tentative de fuite devant la discussion qui s’imposait pourtant entre Charlie et moi fut un terrible échec, Charlie insista, brandissant ses connaissances comme arme… J’avais tendance à oublier que mentir à Charlie n’avait rien de simple. Je relevais les yeux vers lui, lâchant mon livre qui de toute façon ne m’intéressait pas et je croisais les bras instinctivement, le regardant avec un air fermé en l’écoutant me pousser au dialogue. Il se leva alors pour s’installer à côté de moi… « Ecoute Charlie, je voulais pas t’en parler parce que je sais déjà ce que tu vas me dire : que ça me regarde pas. Et le pire c’est que t’auras raison : ça me regarde pas. » Je n’aimais pas être celui qui s’immisçait dans la vie des autres, qui imposait son avis et qui foutait la zone. Mais là, en l’occurrence, c’était lui qui voulait en parler alors… « Puisque t’insistes voilà : j’ai parlé avec Emrys et… Je comprends à quoi vous jouez tous les deux… » Voilà le pavé était lancé, j'attendais de voir la réaction de mon coloc, conscient pourtant que ce sujet allait accentuer le malaise entre nous.

Ton coloc osa finalement lâcher son livre et te regarder. Tu voyais toutefois qu'il était complètement fermé à la conversation. Tu continuas tout de même ton récit sur le fait qu'il devait te parler de ce qui le tracassait. Après t'être levé pour venir t'asseoir près de lui, des mots - et des phrases complètes - finirent par sortir de sa bouche. « Ecoute Charlie, je voulais pas t’en parler parce que je sais déjà ce que tu vas me dire : que ça me regarde pas. Et le pire c’est que t’auras raison : ça me regarde pas. » Oh. Tu le voyais venir à cent milles à l'heure, là. « Puisque t’insistes voilà : j’ai parlé avec Emrys et… Je comprends à quoi vous jouez tous les deux… » Tu croisas les bras contre ton torse et te cala dans le fauteuil. Tu ne détournas toutefois pas ton regard de Priape. Tu pris quelques secondes pour digérer l'information. « C'est compliqué, Priape. » dis-tu simplement. Parce que ça oui, c'était compliqué ! « Et pourquoi ça te met dans un tel état, aussi ? » dis-tu sur un ton un peu plus ferme que désiré. Oui, pourquoi semblait-il si... contrarié par les retrouvailles d'Emrys et toi ? Et qu'est-ce qu'Emrys avait bien pu lui dire ? Il avait vraiment parlé de toi à son frère ? Décidément, la version 2.0 de ce cher Zacharias était surprenante. ~

En balançant ce que j'avais sur le coeur de but en blanc, je me disais que peut être Charlie allait se raviser et stopper ici notre discussion. Mais son regard ne cilla pas. Après quelques secondes de silence, mon coloc reprit la parole d’abord pour m’indiquer que c’était compliqué. « Ca, c’est rarement simple entre vous… » grommellai-je. J’avais pas oublié leur première histoire, et surtout son dénouement. Je voyais même pas pourquoi ils avaient envie de remettre ça. Il me demanda pourquoi ça m'affectait. « Je sais pas pourquoi Charlie… » répondis-je dans un premier temps avant de chercher au fond de moi ce qui me dérangeait vraiment dans leur couple. Ce n’était pas de l’homophobie. Charlie, mon coloc depuis plusieurs années maintenant était homo, son orientation sexuelle ne m’avait jamais posé soucis. Non, c’était clairement autre chose : un mélange entre inquiétude et vague jalousie. « Peut être parce que j’ai pas envie de te retrouver encore inanimé dans ta voiture au prochain bal de fin d’année. Parce que j’ai pas envie qu'Emrys parte de nouveau en live et se barre sans un mot… Peut être aussi parce que depuis qu’il est revenu il passe plus de temps avec toi qu’avec son propre frère ! »  

« Ca, c’est rarement simple entre vous… » Bon. Tu ne t'attendais sûrement pas à autant de franchise venant de sa part, mais voilà... Tu voulais savoir ce qui clochait, maintenant tu savais ! Tu lui demandas ensuite pourquoi ça le mettait dans un tel état et sa réaction fut électrisante. « Je sais pas pourquoi Charlie… » commença-t-il. « Peut être parce que j’ai pas envie de te retrouver encore inanimé dans ta voiture au prochain bal de fin d’année. Parce que j’ai pas envie qu'Emrys parte de nouveau en live et se barre sans un mot… Peut être aussi parce que depuis qu’il est revenu il passe plus de temps avec toi qu’avec son propre frère ! » Tu soupiras longuement, croisant les bras contre ton torse. « La... tentative de suicide n'avait rien à voir avec Emrys. C'était entièrement moi le responsable. » commenças-tu. C'était bien la première fois que tu affirmais qu'il s'agissait d'une réelle tentative de suicide. « Pour le reste, j'ai pas le contrôle. Je ne commande pas Emrys à ne plus parler à telle ou telle personne ou ne plus voir telle ou telle personne. Il fait ce qu'il veut et si c'est que ça le problème, t'as qu'à aller le voir toi ! » rouspétas-tu avant de soupirer. « Tu penses que j'ai pas peur de me faire avoir une nouvelle fois, moi ? On a tous peur qu'il reparte aussi vite qu'il est revenu ! » ajoutas-tu finalement. ~