16 décembre 1983, Melbourne, Australie. Alexander et Anycia accueillent leur premier enfant. Et il se trouve que cet enfant, c'est moi : Clay Matthias Cooper. Des parents juste pour moi, quelle chance. Toutes les petites attentions, tous les bisous, tous les câlins, ils étaient pour moi. Bon, il se trouve aussi que tout cela n'avait pas duré bien longtemps. Deux ans et demi plus tard, voilà que des cris et des pleurs venaient envahir mes nuits. Je devais partager mes parents que cela me plaise ou non mais soyons honnêtes : elle était mignonne ma petite sœur. Clea était là et je devais jouer mon rôle de grand frère même si à trois ans, je ne pouvais pas faire grand chose si ce n'était lui tenir le biberon avec l'aide de maman. Mais les années passaient et j'étais toujours là pour elle. J'aimais bien qu'on joue ensemble et qu'on fasse des bêtises à deux. Évidemment, il y avait des hauts et des bas mais ça restait ma petite sœur et je l'aimais plus que tout.
Mon enfance était belle, je ne manquais de rien même si papa et maman étaient prit par leur travail. Rien de spécial ne se passait à cette époque et tant mieux, ça nous permettait un peu de répit... Le destin avait su se rattraper.
À quinze ans, je déménageais. Je quittais mon Australie natale, celle qui m'avait vu naître et grandir, le seul pays que j'ai connu et aimé mais à l'adolescence, on n'a pas trop le choix, il faut suivre nos parents alors direction Littleton dans le Colorado. C'est en Amérique. Il paraît que c'est beau l'Amérique. Tout le monde en parle, c'est légendaire, mythique. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'on s'y sentirait bien. Notre lycée s'appelait Colombine High School. Avec un peu de temps, je m'étais intégré aux Etats-Unis. J'avais su me faire des amis et trouver des repères tout comme Clea, de qui je restais proche. Je n'aimais pas quand des personnes lui cherchaient des problèmes et j'étais toujours là pour la défendre. C'était ma petite sœur et je tenais énormément à elle. De toute façon, elle avait l'avantage de s'entendre avec tout le monde. Elle n'était pas du genre à créer des histoires.
20 avril 1999, la première grande étape de ma vie. Je mangeais à la cafétéria du lycée avec quelques amis et Clea. Même si on avait chacun nos copains, copines, on aimait se retrouver parfois en milieu de journée. Le repas se passait plutôt bien jusqu'à ce qu'un bruit assourdissant se faisait entendre. Comment savoir ce qui se passait ? C'était la première fois que ça arrivait. Le silence régnait dans la salle et la peur se faisait ressentir. Au bout de quelques instants qui semblaient être une éternité, on comprenait... Une fusillade. On était prit de panique, ne sachant comment réagir, quoi faire, ou se rendre. On a tellement peur qu'on ne réfléchit pas. Notre esprit est vide, on attend, on se déplace mais sans se rendre compte de ce qui se passe. Sans quitter Clea. Ce genre d'événement est très vite médiatisé, on sait très rapidement ce qu'il se passe et nos parents étaient venus nous chercher. À cet instant, on se sentait en sécurité. Nous n'avons pas été touchés mais c'était uniquement de la chance. Chance que tous nos camarades n'avaient pas eu. Par la suite, on apprenait que des élèves étaient grièvement blessés, d'autres étaient morts tout comme un enseignant. En rentrant à la maison, toutes ces images défilaient. On ne pouvait pas penser à autre chose, c'était le choc. Le lycée avait été fermé un bon moment. Chaque personne devait se reconstruire, accepter ce qui s'était passé et apprendre à tourner la page même si c'était plus facile à dire qu'à faire. Cependant, le temps fait les choses. On peut enfin retourner à l'école mais revoir chaque lieu était si difficile. On s'imagine chaque endroit qui a vu s'écrouler des lycéens. Dès qu'un bruit se fait entendre, la peur nous envahit. Et pourtant, il faut ré-apprendre à vivre. C'est ce qu'on fait.
À la fin du lycée, j'intégrais l'université d'Harvard. Toujours accompagné de Clea, vous l'avez bien compris. On ne se quittait pas et plus je la voyais grandir, plus j'avais peur. Elle devenait une vraie jeune femme et elle était si belle. J'étais de plus en plus protecteur, je ne voulais pas que quelqu'un puisse lui faire du mal. Et pour être tout à fait honnête, je ne supportais pas qu'un homme l'approche de trop près. Pourtant, elle devait faire sa vie et je n'avais pas le droit de lui empêcher quoi que ce soit. Elle devait se faire sa propre expérience. Mais que voulez-vous, je suis un grand frère... Et étant un homme, je savais de quoi on était capable. Voilà pourquoi, je n'appréciais pas qu'ils s'approchent de Clea. Une nouvelle fois, nous avions su nous intégrer. Le campus était agréable, nos études intéressantes. Tout se passait pour le mieux. On avait enfin réussi à se reconstruire, à tourner la page de ce jour monstrueux et à continuer notre vie d'étudiant. Même si au fond, il reste encore des traces.
Il faut croire qu'un malheur n'arrive jamais seul. Sauf que quand c'est deux fois le même, il y a de quoi se poser des questions. Avril 1999, janvier 2013, la même musique. Sauf que cette fois-ci, la fin n'était pas la même. Il ne s'agissait pas d'une fusillade mais bien d'un attentat. Ça semblait encore plus grave. Tout s'est passé si vite. Je m'apprêtais à aller en cours avec Clea lorsqu'un bruit assourdissant se faisait entendre. Encore une fois. Ce bruit, c'était le début de tout. Je ne peux pas tout vous raconter, mais c'était si bizarre, si rapide. Cet attentat avait permit une chose : me faire réquisitionner pour démanteler un réseau de dealers très important. Depuis quelques temps, je faisais partie des renseignements criminels. J'avais toujours aimé ce genre de choses, enquêter sur des faits graves, avoir des missions. Que voulez-vous, il faut bien des policiers. Et c'est à travers ce travail secret que j'avais été convoqué vers New-York.
Depuis ce fameux bruit assourdissant, je n'avais pas revu Clea. Ni ma famille, ni mes amis d'ailleurs. Je m'étais envolé vers cette mission, vers cette ville que je ne connaissais pas vraiment. Tout ce que je savais, c'est que je ne devais plus contacter personne pour le bien de la mission. On devait se faire tout petit, invisible. Le réseau de dealers était très important et dangereux et on ne devait plus exister aux yeux de la société. Je ne devais plus exister aux yeux de mes proches. C'est d'ailleurs ce qu'ils croyaient tous : j'étais mort. Je n'aimais pas trop cette façon d'agir, ni le fait de leur faire croire ça mais je n'avais pas le choix. Je ne pouvais pas non plus retourner en arrière. Ils comptaient sur moi pour cette mission. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe à Harvard. Comment Clea a-t-elle vécue ma pseudo disparition ? Et mes parents ? Et mes amis ? Au cours de cette mission, j'ai perdu toute vie sociale. Toute vie tout court, en fait. Je ne vivais que pour ça. On ne dormait que peu mais chaque action, chaque décision était primordiale. On n'avait pas le droit à l'erreur. Cette situation a durée deux ans. Deux ans de suspens, deux ans d'action. Deux ans à vivre seul avec mon équipe. Ce qui me faisait plaisir, c'est que je n'avais pas fais tout ça pour rien. Après deux ans de travail intense, le réseau était démantelé. Les coupables étaient arrêtés. On avait réussi notre mission et on était fier de nous. À ça, oui. La mission était réussie. Après nous avoir félicité encore et encore et bien... On n'a plus besoin de nous.
Chacun peut retourner à sa vie. Sauf que maintenant, me voilà lieutenant de police. Ces deux années ne m'ont pas servies à rien. J'ai évolué dans ma vie professionnelle, dans ma façon d'être aussi. J'ai à présent trente et un an, j'ai un travail stable mais évidemment, je suis toujours célibataire. Et maintenant que je peux reprendre ma vie normale (même si je ne sais plus vraiment à quoi elle ressemblait), je ne compte pas rester dans cette immense ville qu'est New York. Je retourne à Cambridge. Fais-je bien ? Je ne sais pas. Mais après tout, j'ai laissé ma vie là-bas. C'est MA ville. Je vais réapparaître et j'ai peur de la réaction de chacun. Le choc va régner dans cette ville et je pense que personne ne me pardonnera. Comment Clea, ma petite sœur, pourrait me pardonner de lui avoir laisser croire que j'étais mort ? Après toutes les épreuves que nous avons vécus ensemble... Comment me retrouver face à mes parents qui ont crus perdre leur fils dans un attentat ? J'ai si peur de leur réaction et pourtant, je vais devoir l'affronter. Me justifier. M'excuser. Encore et encore. Peut-être qu'un jour, ils me pardonneront. Peut-être qu'ils auront juste besoin de temps. Ou bien m'ont-ils exclus à jamais de leur vie... Je ne pourrais pas leur en vouloir. Je n'ai pas eu le choix que de disparaître mais ce n'est pas facile à comprendre. Et puis, ce n'est pas comme s'il n'y avait que mes parents et Clea. Ce serait trop simple. En plus, je vais devoir me retrouver face à mes cousins, notamment Warren. Et puis Paige, la meilleure amie d'enfance de Clea que je considérais presque comme ma sœur. Je l'ai toujours protégé comme j'ai toujours protégé Clea. Leonora aussi, comment l'oublier. La cousine de Paige et la dernière à former le trio avec Clea. Je la connais bien aussi. Un sacré bout de femme et plutôt jolie, je m'en souviens bien. Je vais m'en prendre plein la figure et je le mérite bien.
Ils ont tous crus que j'étais mort alors que je respirais aussi bien qu'eux. Ils ont tous fait le deuil et je les ai laissés faire. Et bientôt, je vais me retrouver devant eux. Je crains ce jour et pourtant, il approche à grand pas.