We own the night | Selena

Il était bien tard et ça faisait bien trente minutes que Selena et Ashton marchaient sans but. Ils s’étaient rencontrés à une fête organisée loin du campus, de l’autre côté de Cambridge, et tous deux venus en compagnie d’autres personnes qui avaient levé les voiles depuis bien longtemps, ils avaient décidé de faire du stop sans succès, en pleine nuit, et bouteille à la main, ils avaient fini par marcher pour essayer de rallier le campus d’Harvard, mais la route était encore longue, s’ils ne mettaient pas la main sur un automobiliste, ils allaient probablement passer la nuit dehors. Pour autant, Ashton n’avait pas froid, et ne s’inquiétait de rien. Il était bien trop joyeux, bien trop saoul pour se rendre compte de quoi que ce soit. Selena et lui étaient dans un état avancé, il fallait dire. La bouteille de vodka qu’il tenait dans la main n’était pas encore vide, mais elle était loin d’être la première de la soirée. Marchant toujours en plein milieu de la route vide, il se tourna vers Selena en lui demandant : « Sérieusement, pourquoi on est pas restés là-bas ? On se fait chier à marcher là ! Y a rien à faire ! » Mais si, il y avait un tas de choses à faire, Ashton commençait à en prendre conscience. La nuit leur appartenait, ils avaient tout le loisir de faire en sorte qu’ils s’en souviendraient. « Oh j’ai une idée ! » Dit-il en apercevant une poubelle à couvercle non loin de là. Se saisissant du couvercle, il commença à frapper dedans comme s’il s’agissait d’une cymbale pour réveiller toute la galerie, ricanant comme un enfant. Et puis, quand il en eut marre, il envoya le couvercle il ne sait où tel un frisbee. Il posa alors une nouvelle question à Serena, buvant à grosses gorgées dans la bouteille de vodka avant de la lui passer : « T’as une idée de ce qu’on pourrait faire ? T’as l’air d’être une fille qui regorge d’idées ! » Au fond, il ne la connaissait pas plus que ça, mais elle était son compagnon de soirée au féminin ce soir, elle devrait honorer ce statut et faire en sorte qu’ils se souviennent tous les deux de cette soirée mémorable pour faire en sorte qu’elle soit véritablement inoubliable. Et puis, à l’heure actuelle, il n’était pas difficile de contenter Ashton, il fallait juste le faire rire, lui lancer des défis improbables.

Ashton se plaisait à se lâcher de temps à autres. S’il était très sérieux dans le basket et qu’il ne négligeait aucun détail, la seule règle à laquelle il dérogeait, c’était l’alcool. De temps en temps. Juste pour faire un peu la fête, juste pour ne pas s’isoler complètement et vivre tant qu’il en est encore temps. Parce qu’Ashton le sait, après pendant quinze ans au moins, il devra être irréprochable. Et une fois sa carrière terminée, il devrait faire attention à ne pas sombrer dans l’alcool et les conneries, alors c’était maintenant qu’il pouvait se lâcher. Sinon, il passerait sa vie à faire des sacrifices. Naomi l’avait autorisé à sortir, il lui avait promis qu’il resterait sage et qu’il ne rentrerait pas trop tard, même si elle dormirait quand il rentrerait. Mais finalement la soirée ne s’était pas déroulée comme il se l’était imaginée. Il avait bu comme un trou pour finir sur la voie publique avec Selena. Et il ne préférait pas alarmer Naomi en l’appelant pour lui demander de venir le chercher. Il ne voulait pas non plus la réveiller en pleine nuit surtout avec le boulot qu’elle avait. D’autant plus qu’il avait encore envie de prolonger la fête avec Serena, et elle avait l’air du même avis. D’ailleurs, Ashton semblait dénigrer leurs amis en lâchant : « Ouais, drôles d’amis, je pense que je vais les rayer de ma liste ! » Comme s’il tenait une liste d’amis. C’était aussi débile que son rire qui fendit l’air frais de la nuit. Selena était une fille très joviale. Il la regardait danser au rythme de ses percussions sur le couvercle de la poubelle et éclater de rire tout en buvant dans la bouteille qu’Ashton avait récupérée. Il n’y en avait bientôt plus d’ailleurs, mais avec ce qu’il avait bu, il serait encore saoul demain après-midi. Et alors qu’il lui demandait de trouver quelque chose à faire, Ashton entendit sa proposition et l’accueillit avec joie. Un cap ou pas cap. Ca pouvait être marrant. Aussi, il posa le regard sur la bouteille de vodka qu’elle tenait encore dans ses mains, et il lui dit : « Ca me va ! Puisque c’est toi qui as la bouteille dans les mains, c’est toi qui commences à trouver un défi ! » Honneur aux femmes, c’était un gentleman après tout, le gars de Detroit. Il avait beau être saoul et à ne pas marcher très droit, il gardait quand même ses bonnes manières.