Invité
est en ligne
Invité
Jade et Jacey ne se comprenaient plus. Exit la relation idyllique, fusionnelle. Tout ça n’existait plus le soir des révélations. Tout ça avait été réduit à néant par la vérité même. Ils croyaient pourtant être faits l’un pour l’autre. Les agissements de Jacey avaient tout gâché. D’ailleurs, le fils adoptif des Brooks s’enfermait dans sa paranoïa chronique, développée depuis la Thaïlande. Tout ce que Jade faisait, c’était pour le faire souffrir. Pourtant, la jeune femme tentait de rester digne, de discuter avec lui malgré son chagrin et tout ce qui lui tombait dessus. Mais Jacey était aveuglé par sa jalousie, par les remords et le mal qu’il avait causé et qui lui revenait tel un boomerang en plein visage. Il ne pouvait pas comprendre qu’elle avorte pour d’autres raisons que pour le blesser parce qu’il venait de lui dire qu’il voulait cet enfant, qu’il voulait l’élever avec elle. Mais il lui avait pourtant avoué la tromper, et ça ne lui venait même pas à l’idée que ce n’était plus le moment de parler du bébé. « Pourquoi t’avorterais alors ? T’étais contente de m’annoncer que t’étais enceinte, et tu veux avorter maintenant parce que je t'ai trompée. Donc oui c’est pour me faire du mal. Pour me faire comprendre que t’as surtout pas envie d’avoir un enfant de moi ! » Il ne voyait que son chagrin à lui, celui de la perdre pour de bon. Il se victimisait alors qu’il était le seul responsable de leur déchéance. Jade lui reprochait pourtant de ne pas la connaitre. Après deux ans de relation, ça serait un comble. Mais Jacey n’était plus lui-même, il ne pouvait pas faire la part des choses et par conséquent des remontrances et des pensées parasites venaient s’inviter à la fête, achevant de séparer le couple pour de bon. Jacey avait lui aussi son lot de reproches à formuler, et il crut bon de se lancer dans des déclarations stupides qui n’arrangeraient rien. « Et non je te connais pas. La Jade que je connais elle ne se serait pas droguée. La Jade que je connais elle m’aurait dit ce qui n’allait pas. » Pourtant, il savait qu’elle n’était pas du genre à se confier, et pas même à lui. Que pour avouer les choses, il fallait lui tirer les vers du nez, et c’était pour cela qu’il avait instauré cette discussion à la base. Sauf qu’il savait que ce qu’il avait à dire conduirait à la rupture et qu’il aurait dû lui faire part de ses inquiétudes aussi bien que ce qu’elle aurait dû lui dire ce qui n’allait pas avant d’en venir à la tromperie, avant d’en venir à se droguer. Ils étaient tous les deux à cran, les nerfs à vif, et plutôt que d’essayer d’arranger les choses, ils s’échangeaient une bombe, se rendant coup pour coup, c’était à qui ferait le plus de mal à l’autre. Autant dire que cette soirée laisserait des traces indélébiles chez l’un comme chez l’autre. Ils étaient loin d’en avoir fini parce que Jacey ne tolérait pas qu’elle puisse s’adonner à des jeux potentiellement sexuels avec son soi-disant meilleur ami. La pilule ne passait pas. « Donc pour toi, un meilleur ami c’est quelqu’un avec qui tu fricotes jusqu’à fourrer ta langue dans sa gorge et presque baiser avec lui ? Tu ressens suffisamment de choses pour regretter de pas t’être envoyée en l’air avec lui. Et en plus tu me dis que c’est pas la même chose, c’est bien que tu ressens quelque chose. » Il avait volontairement occulté la fin de sa phrase. Elle s’était corrigée et avait transformé ses sentiments au passé. Il ne voulait pas voir l’évidence. Et une évidence, il y en avait une autre. Il condamnait l’acte de sa petite-amie, alors qu’il avait fait bien pire. Avant d’être l’amant de Silvia, Jacey avait été l’ami de Silvia. Ils s’entendaient bien, ils avaient beaucoup discuté, il l’appréciait véritablement. C’était une amie comme tout ce qu’il y avait de plus normal. Pourquoi avaient-ils dérapé ? Qu’est-ce qui avait fait qu’il avait fini par succomber aux charmes généreux de Silvia ? Il n’en avait aucune idée. Au fond, il ne voyait en elle qu’une amie, et ça ne l’avait pas empêché de coucher avec. Sauf qu’à entretenir cette pseudo relation en parallèle de celle qu’il avait avec Jade pendant quelques semaines, il avait mis leur amitié entre parenthèses. Ils n’étaient pas des sex friends. Il ne savait même pas ce qu’il avait trouvé dans cette relation avec Silvia. C’était peut-être l’interdit qui l’avait tenté. Le fait de se dire que le manque de sérieux retirait l’importance de la responsabilité dans une relation sérieuse. En fait, à y réfléchir il avait trouvé son compte dans le néant. D’autant plus qu’il n’était pas frustré avec Jade, elle le comblait à tous les niveaux. C’était juste cette peur d’être l’homme de toute une vie, celui qui est irréprochable, celui qui vous accordera le bonheur, celui avec qui vous vous installez et fondez une famille. Et il avait eu peur, il avait craint de grandir trop vite tel Peter Pan. Il avait tout gâché, tout ça pour ça. Quel imbécile. Jade le quittait. Elle s’en allait. Quand elle redescendit le voir, il se tenait fermement la main, ses phalanges douloureuses atténuaient légèrement sa peine. Elles étaient probablement déplacées, voire disloquées, mais ça ne supprimait pas son désarroi, sa douleur. Elle se demandait ce qui avait bien pu faire tant de bruit, et il battit en retraite, il n’y avait pas besoin de s’inquiéter pour ses doigts, il avait l’habitude avec la boxe. « C’est rien. » Jade se tourna vers lui, et comme un ultime adieu, elle lui posa une dernière question. Est-ce qu’il éprouvait quelque chose pour Silvia ? Il aurait voulu lui ricaner au visage, lui dire que c’était là l’aberration de son geste, que l’amitié qu’il avait pour Silvia n’avait jamais développé le moindre sentiment de plus. Son acte n’avait donc aucune portée pour lui, si ce n’est qu’il avait tout foutu en l’air. Il n’avait donc aucune justification autre que le dédouanement de toute relation sérieuse et de sa peur. Honnête, il soupira, la regardant bien dans les yeux. « La seule chose que j’ai pu ressentir en couchant avec elle c’est que c’était pas sérieux. Que j’avais pas à m’engager. Que je pouvais profiter sans me dire que je lui devais quoi que ce soit. Mais ça ne m’a rien apporté au final. Je suis désolé. » Si ce n’est une déchéance à venir par la perte de l’être cher. A trop vouloir discréditer ses propres sentiments, à trop craindre la portée de son amour, Jacey s’était condamné à souffrir, sans oublier la peine tyrannique qu’il infligeait à Jade qui ne comprendrait décidément pas pourquoi il était allé voir ailleurs.
(Invité)