Suzy × we're all fucked up

vant d'entrer à Harvard, ma vie n'a pas toujours été rose. Issue d'un milieu aisé, mais avec des parents particulièrement radins, je n'étais cependant pas enfant unique. J'avais une soeur de huit ans mon aînée, Cassandra. Je la voyais peu car elle était toujours à l'étude, ou à la bibliothèque. Bien que j'étais obligée d'étudier moi aussi, je n'avais pas l'occasion de parler à ma propre soeur, et cela n'était pas pour mon plus grand plaisir; après tout, je n'avais que six ans quand elle est morte. Je n'ai même pas eu l'occasion de la connaître, même pas eu l'occasion de l'aimer. Ce fût sûrement l'évènement le plus choquant de ma vie. Je n'ai pas seulement apprit sa mort, je l'ai vue mourir devant mes yeux. Nous nous trouvions au mauvais endroit au mauvais moment, c'était sûrement le pire jour pour se trouver ici, alors que des personnes malintentionnées s'en prenaient aux riches bourgeois; sûrement de pauvres personnes, par jalousie, par justice, qui sait. Mais ils m'ont prit Cassandra. Ce jour-là, d'une balle dans la tête, elle s'est effondrée devant moi. Imaginez-cela, devant les yeux d'une fille de six ans. En réalité, je ne sais plus ce qui s'est passé après, car je me suis évanouie, et réveillée à l'hôpital. Mais dire que cela ne m'a pas laissé de séquelles serait mentir; je n'ai jamais eu plus peur des armes qu'aujourd'hui, plus peur de la mort, de laisser tant de choses derrière moi, je ne suis pas devenue paranoïaque grâce à une thérapie intensive, et finalement, mes inquiétudes se sont reportées sur autre chose, mais je pense que c'est sûrement le pire des souvenirs qui puisse se graver dans la tête d'une petite fille. Si j'avais pu ne pas être présente, peut-être aurait-ce été mieux. Mais nous ne pouvons pas tout obtenir, n'est-ce-pas? Et ce qui est fait est fait. Cassandra, ma grande-soeur bien aimée, sache que si j'avais pu, je t'aurais dit que je t'aimais, ce jour-là, l'un des seuls où j'ai eu l'occasion de passer du temps avec toi, pour trop peu de temps malheureusement.

a seconde chose qui a marqué ma vie, c'était l'école. J'étais dans une école d'un quartier modeste, pour ne pas dire pauvre, car mes parents ne voulaient pas payer pour une école privée. Je pensais m'y faire, comme n'importe quelle enfant, mais cela n'a pas marché. Être riche chez les pauvres, ça ne marche jamais. J'étais détestée, j'étais insultée, parce que j'étais l'enfant des beaux-quartiers quand eux vivaient dans des hlm. Là encore, j'ai du être suivie par un psychologue, ce qui exaspérait mes parents pour le coût que j'avais. Mais cette peur d'être haïe, détestée, est restée, réellement. C'est également pour ça que j'ai développé la pluri-personnalité, l'adaptation à la personne pour ne pas être haïe par quiconque, pour que l'on m'apprécie, pour ne pas revivre ça, tout simplement. Je pense avoir assez donné de ma personne durant mon enfance pour revivre ça désormais.

uis, il y eut le lycée, période bien meilleure qu'auparavant bien qu'elle ne fût pas parfaite non plus. Car durant le lycée, il y eut un fou, un homme un peu étrange, qui commençait à me suivre après les cours, jusque chez moi, jusqu'à ma voiture, sans me parler, juste en m'observant de loin. Quand je sortais le soir, je pensais qu'il ne serait pas là, mais des amies m'ont fait remarquer que si. Cet homme ne m'a jamais parlé, il me suivait juste d'un peu plus près chaque jour, et je n'osais en parler à personne, appréhendant ce qu'il me ferait si seulement il arrivait à me toucher, s'il m'enlevait, et bien d'autres choses que je n'ose imaginer. Heureusement, cette histoire a vite cessé; ce n'est pas moi, mais quelqu'un d'autre qui a appelé la police, et l'homme fut tout simplement arrêté, et la vie reprit son court comme si rien ne s'était passé. Mais pour moi, quelque chose s'était passé, et désormais, je ne sors plus seule la nuit, car je me sais faible malgré les cours d'autodéfense et je préfère ne pas prendre plus de risques que ça.

nsuite, j'eus du répit jusqu'à l'épisode de la bombe, alors que je me trouvais à Harvard. C'est le genre d'évènement auquel on ne s'attend pas et qu'on voudrait ne jamais avoir vécu, mais que l'on vit quand même. J'étais seule au moment de l'explosion, et j'ai été blessée à la jambe, ce qui m'a valu une attelle durant deux mois, mais rien de plus, à part quelques autres bleus mais ce n'est rien, rien d'important contrairement à ce qui a pu arriver aux autres. Certains sont morts, d'autres juste blessés, et cette douleur, elle, s'ancre dans les coeurs, les esprits, les âmes, jusqu'à ne plus jamais s'en effacer. Il m'a fallu du temps pour m'en remettre, et là encore, j'ai réalisé à quel point la vie était fragile, à quel point j'avais peur de mourir, à quel point j'avais peur que les autres meurent malgré que je me sois toujours imposée de ne jamais avoir de réels sentiments. Mais qu'y peut-on, c'est si malheureusement humain.

ernièrement, il y eut la prise d'otage. C'était un jour comme un autre et je pensais simplement aller faire du shopping après la conférence, mais celle-ci s'est soudainement transformée en l'enfer sur terre. Il y avait toute ces personnes, et puis lui, qui commandait, qui tirait, comme si rien ne lui faisait peur alors qu'il était sûrement terrifié par ce qu'il faisait, qui sait. Je voyais la peur dans le regard des gens et dans le mien de même, j'avais l'impression de revivre le jour de la mort de ma soeur, je priais presque pour ne pas mourir alors que je ne suis nullement croyante. Et puis il s'est suicidé. C'est une image que j'ai encore en tête, le bruit, l'image, les réactions, c'était horrible, réellement. Je n'ai plus mit les pieds sur le campus pendant à peu près deux semaines, mais malheureusement, il fallait tenir bon, je ne suis plus à ça près en terme de tragédie, non? Mais je vous supplie, faites que ce soit la dernière fois, je ne sais pas si je serais capable de tout endurer plusieurs fois encore.