PRUDEN ► Im giving you all my time

« Madame et Monsieur, veuillez attacher vos ceintures. Nous allons atterrir. » Lunette noire sur le nez, je mettais ma ceinture. Quelques minutes plus tard, je touchais le sol de Cambridge. Arrivé en catastrophe de Londres, je m’engouffrais rapidement dans un taxi pour l’hôpital. Mon meilleur ami était dans cet établissement depuis plusieurs jours et je n’en avais été avertis qu’hier soir. On le disait amnésique. Impensable. D’abord Andrew et maintenant lui. Il fallut une trentaine de minutes au taxi pour arriver à l’hôpital. La circulation était dense et en pleine matinée, il était difficile de rouler sans embouteillage. Vêtue d’un long manteau blanc, je descendais de la voiture avec ma valise à la main. La laissant dans le bureau d’accueil, je me dépêchais de rejoindre la chambre de Jorden après m’être renseigné. A travers la fenêtre de la chambre, j’apercevais sa longue silhouette. Les yeux fermés, il semblait s’être assoupi. Depuis combien de temps ne l’avais-je pas vu ? Comment avais-je pu le négliger de cette façon ? Emplis de culpabilité, je n’osais bouger. Je ne saurais dire comment je me sentais. Cela se trouvait quelque part entre soulagement et inquiétude. Finalement, j’allais toquer à la porte de sa chambre, avant d’entrer doucement.

Une petite sieste, ca fait du mal à qui ? A personne, encore moins à un rescaper de la mort qui à fait coucou à la faucheuse avant de se prendre un pare brise ne pleine gueule. Paraît-il en tout cas. Je ne me souviens même pas de l’accident, c’est tellement pas marrant ! J’ai même pas vu la lumière blanche au bout du tunnel, tu t’rends compte ? Non j’suis dégouté, j’voulais savoir que ce ca faisait moi ! Enfon.. Je devrais plutôt me calmer et gentiment songer à devenir prêtre pour remercier Dieu de m’avoir sauver de cette mort certaine. J’ai doucement fermé les yeux histoire de faire passer le temps plus vite, dormir un peu, retrouver des forces pour, ironiquement me remettre de mon coma où finalement je n’ai fait que dormir. C’est con hein ? Non puis les cachetons qu’ils me donnent ici, c’est limite j’pourrais retomber dans la drogue en ressortant quoi. Je plane, tel un papillon au dessus d’une jonquille. Et puis ca aussi c’est con d’ailleurs. J’me souviens de truc de ma vie, en petite parcelle, comme le fait que je sois à Harvard, ancien Winthrop.. Je sais que j’ai été drogué, mais que j’suis devenu clean.. Enfin je me souviens de truc comme ça, mais mon enfance.. Mes amis, ma famille. Rien, nada, que dal. C’est con quand même. J4ai ouvert un œil en attendant la porte gentiment s’ouvrir pour regarder qui vient me voir, en espérant que c’est pas une de ces infirmières étranges qui me posent toujours les mêmes question. Ca va ouais, je sais quel jour on est et comment je m’appelle ! J’ai vu cette fille arrivée vers moi, j’ai immédiatement ouvert mon autre œil en la fixant, un visage carrément détruit, choqué, tout ce que tu veux. Prudence ? J’suis blasé là. J’ai limite les larmes qui montent aux yeux. Prudence, genre Prue ? Genre j’me souviens d’elle ?

Ouvrant les paupières, il envahissait mon champ de vision de ses iris bleutée. Il avait l’air tellement mal. Prenant réellement conscience de ce qu’il lui était arrivé, je manquais de pleurer. Seulement, par respect pour lui, je ne devais pas craquer. M’avançant doucement vers lui, je posais mon sac sur la chaise de repos. Par la suite, je venais glisser une de mes mains dans l’une des siennes. Un pale sourire venait orner mon visage. De près, je pouvais voir ses yeux bleus s’envelopper d’un voile brumeux. La gorge serré, je laissais échapper quelques mots. « Oui » Les médecins m’avaient dit qu’il était amnésique, alors comment pouvait-il se souvenir de moi ? « Comment tu te sens ? » Question inutile. On pouvait facilement deviner son état. Il avait l’air de clairement souffrir. A force, j’allais penser que la malchance lui collait aux fesses. Est-ce qu’il pouvait lui arriver une chose de bien ? Rien qu’une seule. Pourquoi est-ce qu’il faut toujours que ce soit les gens biens qui souffrent le plus ? Entre ça et le fait qu’il soit père. Sans compter le crash d’avion cet été. Non, vraiment, j’allais lui coller des gardes du corps aux basques. « Laisse tomber la question. Je suis contente que tu sois là.. » Autrement dit : que tu sois en vie.