NAGE DROIT D'VANT TOI ♦ NEMO

Il n'y a pas si longtemps de ça, Shae s'était offert le luxe d'acheter un radio-réveil projetant l'heure au plafond. La jeune femme avait horreur de dormir avec la lumière, mais elle était d'autant plus flemmarde et ça l'arrangeait bien d'avoir l'heure à portée de yeux sans bouger. 4h53. La blonde se tourna sur un côté, puis un autre, puis sur le ventre, plus sur le dos, en-saucissonnée dans ses draps, puis en étoile. Rien n'y faisait, alors elle essaya une technique qu'elle avait longtemps expérimenté, soit se faire une petite histoire dans la tête, s'inventer la suite d'un film, d'un livre. D'un film ! Elle aimait bien Never Let Me Go, ce film où Carey Mulligan et Andrew Garfield sont des mutants voués à la mort, pour allonger la vie de leur double. Et elle avait beau se tourner et retourner l'histoire dans le crâne, impossible de remettre un nom sur le visage de l'autre actrice. Bon sang ! Terriblement frustrant, en plus elle était certaine d'avoir laissé son dvd chez Nemo. Elle ferma les yeux. Tant pis, ça attendrait le lendemain matin, c'est pas comme si c'était vital. 5h08. Si ! C'est important ! Elle se leva brusquement, enfilant un jogging par-dessus son pyjama, elle prit une veste au passage, enfila une paire de baskets, et sortit précipitamment de son appartement. C'était pas loin chez son meilleur ami, dans une dizaine de minutes elle y serait, elle prit quand même le soin de lui envoyer un message, pas sur qu'il soit éveillé à cette heure-là mais au moins il ne pourrait pas l'accuser de ne pas l'avoir prévenu. Elle ouvrit la porte avec la clé qu'elle avait dérobé à Nemo pour pouvoir entrer chez lui à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit et prit la peine de faire doucement pour ne pas réveiller les colocataires de l'Eliot. « NEMOOOOOOOOOOOOOOOO ! » Shae quitta ses chaussures et traversa le salon, cherchant la chambre de son coupain, et merde c'était où ? « Nemo ? Nemo ? Nemo ? Nemo ? Nemo ? Nemo ? »

Ça faisait très peu de temps que tu avais pris place dans cette nouvelle colocation, et tu t'y faisais peu à peu. T'essayais de leur montrer que t'étais pas si grincheux que tu en avais l'air et que tu l'avais montré – mais ouais, il allait falloir encore quelques semaines pour qu'ils commencent peut-être pas réellement te croire. T'étais cool, t'étais sympa... Tu avais juste tes humeurs parfois. Et puis, t'avais vécu avec ton meilleur ami pendant quatre ans d'affilées, c'était normal que d'un seul coup tu aies du mal à t'habituer au nouvel appartement et à ces nouvelles personnes. Il fallait se réinventer une routine tout en n'oubliant pas le respect de l'autre, et tout cela prenait du temps. Prendre ses marques et déballer tes affaires en prenait également, et ta chambre n'était pas encore très très personnalisée. T'avais mis une télévision et branché l'une de tes consoles, rangé quelques une de tes affaires dans ton armoire blanche, et entassé quelques uns de tes livres et feuilles blanches sur ton nouveau bureau, pour ne pas les oublier quand t'allais en cours. Ce qui était parfait par contre, dans ce nouvel environnement, c'était ton matelas. Ton lit était juste parfait, le matelas ni trop dur, ni trop mou, et il n'y avait rien de mieux pour un grand dormeur comme toi. C'est pour cela que tu grognais quand tôt ce matin-là – bien trop tôt tu avais l'impression – tu te faisais réveiller, entendant quelques bruits dans l'appartement. Des bruits anormaux qui t'éloignais des bras moelleux de Morphée et qui obligeaient ton esprit à devenir plus alerte – après tout, cela pouvait être n'importe qui. L'un de tes colocataires comme un cambrioleur ayant réussi à entrer. Et putain que tu n'avais aucune envie de te retrouver face à face avec un voleur si tôt dans ton nouveau chez-toi. Tu essayais de tendre l'oreille tout en frottant tes petits yeux endormis, quand tu finissais par entendre faiblement une voix. « Nemo ? Nemo ? Nemo ? Nemo ? Nemo ? Nemo ? » Ok, est-ce que tu étais encore dans ton rêve ou c'était réellement ton surnom qui filtrait derrière ta porte ? Tu te levais torse nu dans ton super boxer tout noir, regardant rapidement l'heure sur ton téléphone et … T'avais un message non-lu de ta meilleure amie. Whaaaat ? Tu lisais rapidement avant de cligner des yeux, comme incrédule en voyant ces mots sur ton écran, puis tu ouvrais ta porte, passant ta tête à l'extérieur afin de repérer l'intruse. « J'suis là, j'suis là, réveille pas les autres ! » Tu murmurais assez fort pour qu'elle entende et t'avais presque oublié que tu lui avais donné la clé de l'appartement. C'est sûr que tu lui avais dit qu'elle pouvait t'appeler quand elle te voulait, te voir dès que ça n'allait pas... Mais pas à cinq heures passées en fait. Tu la faisais entrer dans ta chambre, refermant ensuite ta porte et allumant l'une des lumières, les petites qui faisaient ambiance tamisée car tu te sentais pas encore prêt pour les fortes qui te bruleraient la rétine. « Tu fais quoi ici toi ? » T'étais peut-être pas très courtois et t'avais la voix un peu rauque mais encore une fois: cinq heures du matin quoi. C'était pas une façon de réveiller son meilleur ami – du tout. Tu le détaillais de haut en bas, la voyant dans sa veste et son jogging qui cachait son pyjama, et tes yeux grossissais quand tu procédais le fait – encore une fois – qu'il était trop tôt. « Putain mais ça va pas d'être venue comme ça ? T'es venue à pied en plus je parie hein ? T'es pas bien dans ta tête ? Il y a des putains de violeurs qui courent dehors, et toi tu te balades tranquillou dans ton pyjama alors qu'il est cinq heures du matin ! » Bah ouais, tu commençais à mi-murmurer, mi-gueuler ( mais pas trop fort, pour éviter de réveiller les autres ) mais t'avais raison non ? Elle était inconsciente celle-là.

Et il apparut, à travers un halo de lumière, torse nu, tel un Dieu grec prêt à sauver la magnifique naïade qui lui servait de meilleure amie pour la vie. Ah si seulement ça s'était passé comme ça. Mais non, Nemo sortit effectivement torse nu de sa chambre, mais pas question de sauvée n'importe quelle nymphe, à part tirer violemment la blonde dans sa chambre, lui ordonnant de se taire. Ouh la douce erreur, la jeune femme était tentée de se mettre à chanter, pousser dans les aigus pour être bien sure de faire du bruit. Puis Shae se ravisa, après tout il n'était pas question d'emmerder Son Altesse mais ses colocataires, elle préférait ne pas risquer de se les mettre à dos, on sait jamais, peut-être qu'elle en aurait besoin un jour. Tandis que monsieur Monaco allumait la lumière en râlant je-ne-sais-quoi, l'Anglaise tapotait son pied parterre, les mains dans les poches de sa veste de jogging jetée sur son pyjama rose bonbon. Elle se mit à ronchonner dans sa barbe. « Oh on a plus le droit de passer à l'improviste maintenant ? Qu'est-ce que t'es devenu sérieux mec. » Elle releva la tête, jetant en même temps un petit coup d’œil dans le miroir en face d'elle, elle aurait peut-être du penser à se coiffer avant de partir ça aurait été plutôt bien. Elle le laissa un peu dans le vent avant de répondre, juste pour le plaisir de l'énerver. Elle l'adorait son petit poisson Nemo, c'était pas le soucis, seulement elle avait juste une façon particulière de montrer son affection. De toute façon il savait à quoi s'en tenir avec elle, c'était une tête de mule, une vraie bornée de l'esprit, du genre à vouloir coucher avec tous les mecs gays qui croisent sa route même si elle est bien bien au courant de leur orientation sexuelle. « Bon en fait je voulais qu'on regarde Never Let Me Go tu sais le film avec Garfield. Pas le chat Garfield, l'acteur, et Carey Mulligan, C A R E Y, tu sais celle qui joue dans Gatsby. La version 2013 pas la version des années 40. Parce qu'il y a cette actrice, tu sais celle qui fait ce truc avec sa mâchoire. » Elle essaya de faire un espèce d'effet avec sa mâchoire. Tandis que le brunet passait un savon à Shae sur sa façon de se fringuer, celle-ci se jeta sur le lit de l'Eliot, s'enroulant en grognant dans les draps. « C'est cinq heures du matin tu crois que ma tenue c'est ce qui me préoccupe le plus ? » Dixit la fille qui venait de débarquer effectivement à cinq heures du matin et de son plein gré. « Puis personne va me violer pourquoi tu penses à des trucs comme ça ? »