Jacey souffrait depuis son enfance de voir Eä se battre contre sa maladie, sachant même qu’elle était probablement condamnée parce qu’aucun remède n’existait à ce jour. Il craignait un jour de devoir l’enterrer, et plus cette éventualité s’immisçait dans sa tête et plus il la rejetait en masse en la poussant à poursuivre ses efforts. Il voulait croire au miracle. Il voulait qu’elle s’en sorte. Il n’aimait qu’une femme dans sa vie, mais s’il apprenait qu’il pouvait faire quelque chose pour sauver son amie alors il le ferait sans hésiter. Son sacrifice ne serait pas vain, il savait que la demoiselle en ferait bon usage. Mais c’était utopique de penser que ça pourrait arriver. Aussi, pour ne pas broyer du noir avec elle du matin au soir, il s’était toujours refusé à lui montrer qu’il s’inquiétait. Il s’efforçait de paraitre jovial, de faire des blagues, même quand elle lui montrait que ses jambes ne pouvaient plus la porter. Eä c’était une force de la nature, et il était fier d’être son ami. Il se fichait donc bien qu’elle le réveille. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Et puis, il fallait profiter tant qu’elle pouvait vivre à fond, il voulait être de la partie. Il lui sourit quand elle lui signifia qu’il n’avait pas le droit de dormir. Elle avait raison. En revanche, il fit la moue quand elle lui demanda de lui raconter ce qu’il s’était passé, et il soupira : « On s’est disputés pour des conneries avec Jade, j’ai pété un plomb, plutôt que de l’emmener au restaurant je suis allé au half-pipe retrouver des amis Canadiens pour aller faire des figures en snow. Ils m’ont demandé de faire un Double Mac Twist 1260 et je me suis loupé… et je me suis pas raté. » Il se souvenait encore de la douleur vivace malgré le froid, malgré l’adrénaline, et surtout le bruit horrifiant qu’il avait pu entendre en voyant sa jambe se plier dans le mauvais sens. Et puis la blessure était tellement stupide qu’il s’en voulait, parce qu’il allait être incapable de pratiquer pendant de longs mois. Il n’avait pas réfléchi, une fois de plus. Eä lui confiait qu’elle était allée courir ce matin, mais qu’elle n’avait pas trop fait durer l’instant, étant seule. Elle était tout de même très responsable, elle ne négligeait pas sa maladie, et il en était rassuré. Mais il avait envie que leurs moments de partage d’une de leurs passions se poursuivent, alors il lui proposa : « La prochaine fois, appelle-moi, je t’y accompagne. Bien sûr pas en courant, mais j’aurais qu’à prendre un fauteuil roulant ! J’ai des bras costauds ! » Plaisanta-t-il en élevant ses bras et en contractant ses biceps pour fanfaronner. Il fallait qu’il profite de la vie lui aussi, et si Jade n’était pas d’accord, elle n’aurait qu’à pousser le fauteuil en courant avec Eä. Et puis, Jacey afficha une mine beaucoup plus sérieuse, bien que souriante. Il voulait avoir des nouvelles, des vraies. « A ce propos, comment tu vas ? Le traitement te fait du bien ? » Ses parents envoyaient des sous régulièrement à la recherche tout en prenant en charge la plupart du traitement d’Eä, et ils ne le faisaient pas par charité, appréciant véritablement les parents de la demoiselle. Quant à Jacey, il se renseignait toujours à droite à gauche, car s’il voulait qu’elle s’en sorte, ça n’était pas en restant les bras croisés.