So... You're coming back. ~ Ellyn et Devyn

✖ Tu avais envie de balancer tes béquilles à travers la fenêtre de ta chambre. Cela t'arrivait souvent en ce moment, ta mauvaise humeur n'était aps que temporaire cette fois. Elle durait à peu près depuis ton accident, s'aggravant même depuis quelques heures, lorsque tu avais reçu un charmant mail de ton professeur de théâtre t'invitant plutôt à passer tes examens aux rattrapages, vu tes difficultés à te mouvoir. Si tu avais oscillé entre apathie et colère froide envers tout ce qui bougeait auparavant, tu étais plutôt dans un état de pure haine et de dégoût envers tout le monde... mais aussi envers ton propre corps qui t'avait lâché dans une belle merde. Même William n'avait pas réussi à soulager ta peine, malgré tous ses efforts, alors si même lui échouait... En tout cas, il passait ses examens lui, et les quelques-uns qui te restaient en arts visuels n'étaient que pour la fin de la semaine, ce qui laissait du temps. Tu devais sortir, sinon tu allais exploser tout seul à ne rien faire. Saisissant celles qui te servaient à contre-coeur d'alliées, tu te dirigeas donc vers la sorte, tâchant une fois dehors de ne pas glisser sur une plaque de verglas ou de t'enfoncer dans de la neige, chose plus facile à dire qu'à faire. Malgré tout, l'air piquant de froid te faisait du bien, t'offrant ainsi un petit répit au milieu de la crise que tu traversais. Si cela avait pu durer, tu en aurais été ravi.

Le retour d'Ellyn sur le sol américain s'était déroulé mieux que dans ses espérances. Beaucoup mieux. Et pour cause, si on exemptait Leo de l'équation, tout le monde avait eu l'air de l'avoir oublié la Ellyn, y compris le Cody, ce qui était aussi bien un mal qu'un bien. Ainsi peu de monde, voire personne ne lui posera de questions, ces questions trop personnelles qu'elle expédierait sûrement d'un geste de la main avec un "Allez vous faire voir, occupez vous de vos affaires sales cons", ces questions qui donnent envie de remonter derechef dans l'avion direction l'autre bout de la Terre, encore une fois. Les autres jours, elle aurait sûrement tué Ellyn pour quémander ce genre d'attention, en vrai arrogante qu'elle était, mais aujourd'hui, le jour de son retour, elle était trop fatiguée, trop énervée surtout dirons nous pour faire face à ces conneries. Et la visite qu'elle venait de rendre à Leo n'avait rien arrangé, bien au contraire. Ansi, c'est énervée qu'elle tira avec difficulté ses nombreuses valises à pieds à travers la ville pour se diriger chez soi, c'est énervée qu'elle pesta contre tout et n'importe quoi sur sa route, c'est énervée qu'elle fonça malencontreusement dans quelqu'un et c'est énervée qu'elle s'apprêtait à prendre fuite sans se faire pardonner, jusqu'à ce qu'elle voit qui est la personne en question. Devyn. Génial. « Ah bah tiens, il ne manquait plus que toi pour achever ma journée en beauté ! » S'exclama-t-elle d'un ton on ne peut plus exaspéré, tout en levant les yeux au ciel. Oui, son retour se déroulait définitivement mieux qu'elle ne l'avait espéré. « Oh bébé s'est foulé une cheville ? » Continua-t-elle sur un ton narquois lorsqu'elle constata avec étonnamment les béquilles qui accompagnaient son rival de toujours. Et bien quoi, quitte à avoir un début de journée de merde, autant continuer en avoir une jusqu'au bout, non ?

✖ Comme tu le pensais auparavant, cela aurait très bien pu durer longtemps, cette tranquillité due à l'environnement si calme et solitaire. Cela aurait pu... si quelqu'un ne t'avait pas foncé dedans, manquant te faire tomber, même si tu ne te contentas que de perdre une béquille. Te contorsionnant pour la ramasser sans blesser ton genou tout en pestant face aux gens toujours aussi impolis, tu ne compris pas aussitôt à qui tu avais à faire, ce fut seulement lorsqu'elle parla que tu reconnus Ellyn. Ellyn Desrosiers, à savoir la Cabot infernale, la personne que tu détestais sûrement le plus ici mais de manière égalitaire, pas comme victime. Maintenant que tu connaissais Anastasiya, tu n'étais pas sûr que la blonde française soit la pire des femmes, mais cela n'empêchait pas que le torrent de haine refit son apparition, à la voir ainsi commencer à s'attaquer à toi. Bien content d'illuminer ta journée voyons ! Comment ça tu puais l'hypocrisie ? Si peu ! Ne la lâchant pas du regard, vu que tu t'attendais toujours à un coup fourré sortant de sa fausse tête angélique, tu ne fus même pas surpris qu'elle s'attaque à ta blessure, tellement ce coup-là était facile. Le genou. Et toi, tu rentres de chez ton dernier maquereau ? Ses valises prenaient suffisamment de place pour que même un malvoyant les distingue, c'était dire. Cela faisait bien longtemps que tu l'avais vu en plus de cela, ce qui s'expliquait si elle était partie. Dommage que tu sois revenu, le monde se portait bien mieux sans toi.

Combien de chance il y avait-il pour que, sur les milliers d'habitants qui ornaient la ville, Ellyn tombe sur Devyn ? Le jour de son retour qui plus est. Devyn Gale. A croire que la malchance, le destin, le karma, appelez cette connerie comme vous le sentez, s'acharnait sur la pauvre Française, qui, évidemment n'avait jamais strictement rien fait pour mériter ça. Bon, peut-être un tout petit peu. Mais qu'importe. Elle avait la poisse. Un autre jour, elle se serait sûrement amusée à rabaisser le petit Devyn qu'elle chérissait tant ; au fond, elle l'aimait bien Devyn ou plutôt elle aimait bien lui chercher les poux comme dirait les anciens, il la distrayait, comme le fou du roi distrayait la cour. Mais ça, oui, c'était un autre jour. Mais quitte à ouvrir les hostilités, autant continuer. Peut-être qu'au final, ça la remettrait d'aplomb. « Mais oui, je te l'ai dit et je te le redis : tu es le soleil de ma misérable vie Devyn, tu illumines chaque jour ma vie rien qu'en existant. » Inutile sans doute de préciser l'ironie qui coule de ces phrases. Sans commentaires, elle fixa son interlocuteur galérer pour ramasser sa béquille qu'il avait échappé lors de la bousculade. Ellyn devait être vraiment en mauvaise forme : elle n'eut aucun plaisir à le regarder galérer le pauvre. « Six mois et je constate que tu n'as toujours pas évolué niveau répartie. Certaines choses ne changeront sans doute jamais. » Renchérit-elle ensuite alors qu'il fit une remarque peu originale sur ses activités extra-scolaires. « Oh ne dis pas de méchantes choses comme ça que tu ne penses pas, je sais que je t'ai manqué Devyn. Preuve est-il, tu es sans doute une des seules personnes à avoir remarqué mon absence. » Dit-elle d'un ton acerbe, la tête penchée pour accentuer un petit effet théâtral. Triste réalité, mais vrai. Apparemment décidée à continuer ses hostilités avec son cher ennemi, Ellyn lâcha alors ses valises au sol, et croisa les bras en attendant la prochaine réplique sanglante de celui-ci. Ah la la, comme à l'ancien temps. Home sweet home.

✖ Le soleil de sa vie ? Mon existence qui illuminait sa vie ? Tu n'étais pas assez crédule pour ignorer l'ironie de ses paroles, d'autant que tout cela était réciproque dans cet univers. Tant qu'elle n'avait pas été là, tu avais été quand même bien tranquille, n'aimant pas ressentir ce genre de haine glaciale qui t'effrayait tout de même pas mal. Ellyn n'était cependant pas aussi vivace qu'elle l'avait déjà été envers toi dans le passé, ce qui n'était pas si mal d'un côté, mais tu ne pouvais t'empêcher de prendre la relève de ton côté alors... C'état un mal pour un bien au final. Ceci dit, tu ne te plaindrais pas du fait qu'elle ne cherche pas à repousser ta béquille pour te faire galérer encore plus, loin de là. Tout ne change pas forcément, en effet. De toute façon, le jour où elle te jugerait potable en discussion n'arriverait jamais, tout comme toi tu la jugerais toujours comme une prostipute se cachant derrière de faux airs. Tu ne pus cependant t'empêcher de froncer des sourcils lorsqu'elle t'avoua que tu étais l'un des seuls à avoir remarqué son absence. Étonnant, vu sa cour habituelle... mais tu ne pus t'empêcher de rire faussement. Pas trop déçue de voir que finalement, on se dit vachement entouré et populaire alors que tout le monde s'en fiche de toi ?

"Certaines choses ne changeront sans doute jamais", "Tout ne change pas forcément en effet" : en sachant qu'après six mois  sans se revoir, Ellyn et Devyn se querellaient encore et encore à chacune de leur rencontre, rien n'était on ne peut plus vrai. Rien ne changeait. Et Ellyn était en même temps ravie et désolée. Retour au rôle de la bonne vieille vie d'étudiante Cabot aux activités extrascolaires on ne peut plus louches, possédant une armée d'amis aussi nombreux que ses dix doigts et un nombre d'ennemis aussi nombreux que les soldats français de la Seconde Guerre Mondiale. D'ailleurs, lorsqu'Ellyn avait sans faire exprès laissé échapper son ressenti sur son manque d'accueil à son retour sur le sol américain et que Devyn avait attrapé l'avion au vol pour la faire descendre sur Terre à propos de sa cour, la blondinette flancha légèrement, perdit durant un nano seconde son air mesquin et son sourire en coin, en maudissant cet imbécile incapable même de marcher d'avoir raison. Un nano seconde. Puis elle se reprit, ré-enfila son masque dur et froid, tellement vite qu'on aurait cru que sa moue n'avait jamais existé. « Qu'est-ce que le monde peut bien m'apporter quand je t'ai toi, mon petit Devyn adoré, dis-moi ? » Mine de rien, il avait touché un point sensible le p'tit salaud, et même si sa voix s'est faite plus froide que jamais, on ressentait une lueur de tristesse dans celle-ci. Se faire littéralement rabaissée par son pire ennemi en deux-trois répliques, y'a pas à dire, elle a perdu de la pratique Ellyn. « Sache que je n'ai qu'une envie depuis le début de cette conversation très amicale, Devyn : jouer aux quilles avec cette chose qui te sert de troisième jambe. Ne me tente pas. » Mais elle avait bien l'intention de se rattraper.

✖ Tu aurais bien dit que tu avais rêvé. Tu avais eu l'impression fugace que son visage avait changé l'espace d'un court instant, devenant moins moqueur, comme si tu avais finalement eu une bonne idée en lui disant cela. Tu cherchais toujours à la blesser, facile de comprendre pourquoi tu étais effrayé de la croiser dans ce cas. Si tu commençais à y arriver... mais cela avait été tellement rapide que tu finis par comprendre que ce n'avait été qu'une fausse impression, petite déception de courte durée. De courte durée car, en effet, sa réponse plus froide que jamais te surprit un peu. Aurais-tu réellement touché juste ? Si même son ton semblait différent, tu ne pouvais décemment plu dire que tu rêvais encore, et cela signait le premier vrai point que tu gagnais face à la future Cabot, exploit de l'année. Cela pourrait même presque te rendre joyeux tiens... Une vraie vie, en-dehors de ton monde de cul sûrement. On redescendait bien bas là encore, mais il fallait bien avouer qu'aucune autre idée ne te venait sur le sujet. Tu te mets aux menaces maintenant ? Oui, Ellyn venait clairement de sous-entendre que, si tu ne te taisais pas, ta béquille allait voler... ce qui ne lui ressemblait pas non plus. D'habitude, elle ne prévenait pas, elle agissait directement. Non, vraiment, tu en étais presque intrigué pour le coup. Mais cela me fait bien trop plaisir de voir que tu te rends compte que ta vie est quand même bien minable. On t'avait déjà dit que jouer avec le feu était dangereux ?