Et une rencontre peut tout changer (Ariana)

Pour aujourd’hui, on m’avait envoyé aux soins intensifs. Ma blouse blanche sur le dos, j’arpentais le couloir, un dossier en main, lorsque mon regard fut attiré par une petite brune, la mine défaite, en train de s’énerver sur le distributeur de café du service. J’étais toujours touché par les visiteurs que je croisais ici, la détresse, le chagrin, l’inquiétude que je pouvais lire sur leur visage… Mais cette brunette attira encore plus particulièrement mon attention, sans que je me l’explique. Peut être l’avais-je déjà croisée sur le campus ? Ou bien c’était parce qu’elle dégageait quelque chose de plus, une force mélangée à une certaine vulnérabilité… Au final, il m’était juste impossible de passer à côté d’elle et de l’ignorer… Je m’approchais doucement. « Ne perds pas ton temps et ton énergie avec cette machine, elle marche une fois sur dix et le café qui en sort c’est du vrai jus de chaussettes. » lui conseillai-je avec douceur avant d’ajouter. « Attends ne bouge pas. » Je disparus un instant, m’engouffrant dans la salle de pause des stagiaires où nous avions à notre disposition une cafetière dernier cri. Je remplis une tasse et ressortis pour aussitôt pour me rediriger vers l’inconnue. « Tout droit sorti d’une cafetière italienne hors de prix. Ca risque d’être nettement meilleur. » annonçai-je avec un petit sourire en lui tendant le café fumant qui dégageait un parfum alléchant. Puis, réalisant que je l’importunais peut être, qu’elle avait surement un proche malade ici, et la tête à autre chose qu’à discuter café avec le premier étudiant en médecine qui passait, je commençai à m’éloigner.

Ariana était assez souvent à l’hôpital ces temps-ci. Bien qu’elle avait pris un mois de congé en partant à Tahiti juste parce qu’elle le voulait, maintenant elle était revenue et son père avait finalement été transféré à l’hôpital de Cambridge. C’était ce qu’il y avait de plus simple, surtout vu les circonstances. Il n’avait plus vraiment de chance et les jours étaient comptés. Quelques semaines, peut-être un mois, pas plus, il ne serait pas là à noel. Ari avait peur de perdre son père, l’homme de sa vie, puisque bien franchement son mariage en est un arrangé et la seule bonne chose que la mort de son père apportera sera son divorce. Enfin, elle cherchait la chambre de son père, elle y était déjà aller, mais ce fichu hopital lui donnait des mots de têtes incroyables tellement il était complexe. Elle finit tout de même pas trouver une machine à café, dieu merci. Ariana faisait tout ce qu’elle pouvait pour avoir l’air forte, pas question qu’on se doute de son malheur. Elle ne comprenait pas grand-chose à la mahcine, Dieu merci un jeune homme arrive. Elle se tourna et sourit à peine, typique d’Ariana la chieuse. « Les gens sont malades et en plus le café est dégueulasse ? Vous voulez les achever ? » Elle était un peu froide, dur même et pourtant le jeune homme partie en vitesse, comme pour lui ramener une surprise. Il arriva avec un café qui sentait bon, qui avait l’air bon et chaud. « Probablement pas aussi que les café d’Italie par contre… merci »Elle était un peu plus douce, il avait l’air gentil, un peu manipulable, il était aller lui chercher un café rien que pour elle, sans qu’elle le demande ? C’est le genre d’homme qu’Ariana aimait bien. Il sembla parti un moment et elle laissa quelques secondes avant de l’arrêter doucement, pas de presse, comme si elle se fichait qu’il reste ou qu’il parte. « tu pourrais m’aider ? » Bon, elle posait la question avec un ton qui voulait dire t’as intérêt à dire oui.

Ce n’était pas rare que les visiteurs qui passaient par ces couloirs se montrent agressifs à l’égard du personnel, très critiques également, probablement pour gérer à leur façon le chagrin et la douleur de voir leurs proches hospitalisés. La jeune femme que je venais d’aborder ne laissait rien paraître, préférant s’armer de sarcasme. La répartie de la jeune femme m’arracha d’ailleurs un petit sourire amusé. Lorsque je revins avec une tasse de café pour elle, elle me remercia quand même, sans se priver néanmoins de me faire remarquer qu’il ne serait pas au niveau des grands arabicas italiens. « J’ai suggéré à la direction de nous embaucher un torréfacteur pour nous ravitailler personnellement lors de nos pauses, mais l’idée a été refusée. » plaisantai-je. Je m’étais ensuite éloigné, prêt à m’éclipser, la jeune femme était surement ici pour voir un patient je ne voulais pas m’imposer davantage à elle, mais après quelque pas, sa voix s’éleva de nouveau. Je me retournais vers elle. « Bien sûr. » répondis-je immédiatement, amusé par le ton de la jeune femme qui ne semblait de toute manière accepter aucun refus. Cette brunette semblait avoir un caractère prononcé et savoir exactement ce qu’elle voulait. Moi, j’étais ici pour prendre en charge les malades mais également pour aider leurs proches si je le pouvais. Ca et l’idée de passer un peu plus de temps avec cette intrigante inconnue, je ne pouvais qu’accepter. « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » demandai-je.

Le problème c’est qu’Ariana elle est chieuse en permanence, d’accord, la condition de son père n’aide pas les choses, pas le moins du monde même, mais à la base Ari n’est pas une personne aimable en général. Et voilè qu’elle avait un employé à maltraité, il était mignon, il semblait gentil, mais oui, elle était sec, un brin sarcastique et désagréable, pourtant l’homme en question ne semblait pas se démotiver, ce qui fit sourire la jeune fille. « Ouais, surement pas assez de budget hein » C’est pas Ariana qui connaissait ce genre de problème, si elle avait voulu du staff juste pour se faire faire un café, elle pourrait trèes bien en avoir. Finalement l’homme parti et elle le rattrapa doucement, pas trop rapidement non plus, parce qu’elle ne veut pas avoir l’air d’avoir besoin de lui, idiot d’accord. Enfin, elle utilisait son ton de princesse qui n’aimait pas qu’on lui dise non et bien sur, comme toujours, on lui dit oui. « Tu peux me montrer la chambre de Richard Kennedy ? » Bon elle aimait bien faire savoir qui elle était aussi, petite chieuse, mais pourtant, elle aimait bien ce jeune homme qui semblait un peu prêt à tout pour lui faire plaisir, au moins en ce moment.

Je réussis à faire apparaître un faible sourire sur les lèvres de mon interlocutrice pourtant sur la défensive aux premiers abords. C’était une petite victoire. « Ils préféraient acheter un nouvel IRM tu comprends… » fis-je avec une pointe d’ironie dans la voix. Moi aussi je pouvais manier le sarcasme à ma façon. Parce que bien sûr, pour le personnel de l’hôpital, moi inclus, renouveler le matériel et investir dans de nouveaux équipements était le plus important. Après lui avoir servi un café décent néanmoins, j’allais laisser de l’air à cette jolie inconnue, après tout je n’étais pas là pour draguer et je ne voulais pas qu’elle me prenne pour l’un de ces branleurs en blouse blanche qui utilise son statut de futur médecin pour flirter dans les couloirs. Finalement, ce fut elle qui me retint. Elle me demanda de l’emmener jusqu’à la chambre d’un patient, dont le nom résonna comme particulièrement familier à mes oreilles. Je connaissais cet homme, j’avais étudié son dossier. « Suis-moi. » fis-je simplement à la jeune femme en l’entrainant dans les couloirs. Tournant à l’embranchement suivant, on se dirigea jusqu’à la chambre de monsieur Kennedy et une fois devant je la lui désignai du doigts mais avant qu'elle y entre, je ne pus m'empêcher de la retenir et de lui demander avec douceur : « C’est l’un de tes proches ? » Je savais que l’état de santé de l’homme s’aggravait sérieusement. La brune avait beau se donner des airs, faire preuve de caractère, si elle était très apparentée au patient le voir dans cet état risquait de l’atteindre particulièrement, d’où mon inquiétude et mon empathie à son égard.

Un sourire mince, oui, c’est une victoire quand ça vient d’Ariana, surtout quand elle vient voir son père à l’hôpital. « Bah si tu tiens à ton torréfacteur, je suis certaine de pouvoir faire une donation que pour ça. » Ce qui était terrible, c’est qu’elle y arriverait surement. Elle avait de l’argent et de l’influence, elle pouvait payer un IRM et un monsieur de café en même temps si ça pouvait les arranger. De toute façon, Ariana donnait souvent de l’argent à des charités et tout ça, parce que fallait bien paraitre. Et la brunette n’était pas méchante, ni même pas généreuse, elle aimait donner, elle avait tellement d’argent de toute façon, mais elle choisissait souvent ses causes, les hôpitaux pour enfants surtout ou ce genre de choses. Elle buvait doucement son café et finalement elle réussit à rattraper Priape, espérant l’avoir fait assez subtilement. Finalement, il li dit de le suivre ce qu’elle fit tout en prenant quelque gorgé de son café chaud. Ils arrivèrent finalement à la chambre et elle s’attendait à ce que son escorte la laisse, surtout que bon y avait des bodyguard à l’intérieur et tout le truc, bref. Mais non, il fouinait et elle le regard d’un air suspect. « c’est mon père, pourquoi ? » Parce que oui, pour Ariana y a toujours une intention derrière une question, comme si l’empathie était inexistante dans son monde.

Clairement, la jeune femme ne venait pas de n’importe quel milieu, et elle l’affichait clairement proposant même de faire une donation pour l’hôpital. « Ca serait très généreux de ta part… » observai-je avant de la laisser, quelques secondes seulement car elle me demanda alors de la conduire jusqu’à la chambre d’un patient dont le nom ne m’était pas inconnu. Arrivés devant la pièce, je m’inquiétais du lien qui l’unissait au malade, dans un état particulièrement grave. Elle me regarda avec suspicion, avant de me répondre que c’était son père. Sa fille… Dans cet immense couloir, il avait fallu que mon regard s’arrête précisément sur la fille de l’un de mes patients, et qui plus est pas n’importe lequel… Elle devait surement se demander de quoi je me mêlais, c’est pourquoi je me justifiais en me présentant officiellement : « Je voulais pas me montrer indiscret c’est juste que… Je suis Priape Zacharias, l’un des internes chargés de m’occuper de ton père. » Bien sûr, l’homme avait une armée de médecins à son chevet, mais ça n’avait pas empêché son état de se dégrader. Il était condamné… Comme quoi face à la mort, finalement, on était tous égaux. Même la plus grosse des fortunes ne suffisait parfois pas à nous sauver. « Est-ce que tu tiens le coup ? » demandai-je avec douceur. Je sentais que la jeune femme pourrait facilement se froisser si elle se sentait prise en pitié, d’où mon ton prudent. Je ne voulais pas la braquer, juste m’enquérir de son moral, parce que voir la santé d’un être proche se détériorer ainsi sans que l’on puisse rien y faire, cela devait vous procurer un sentiment profond d’injustice, d’incompréhension et de chagrin… Le décès de mon frère remontait peut être à plus d’un an déjà, mais je n’avais rien oublié de ces terribles émotions…