Judeyna ┼ « Welcome back »

Quand on s'absente pendant un aussi long moment, on ne peut pas s'attendre à ce qu'il n'y ait pas de répercussions. Surtout quand on étudie le domaine du droit. C'est pourquoi aujourd'hui j'avais une rencontre de mise au point avec le Doyen que j'appréhendais un peu. Enfin, vu ma moyenne actuelle je savais que je pourrais facilement reprendre le rythme là où les autres étudiants étaient rendus mais n'empêche que les deux mois auraient un certain impact. J'allais devoir redoubler d'effort. De plus je n'avais jamais vraiment aimer les rencontres avec le Doyen, et encore moins ce moment où on est dans la salle d'attente en sachant qu'on doit y passer pratiquement une heure parce qu'il a pris du retard dans son entretient. Je regardais nerveusement mon téléphone, espérant avoir des messages à répondre pour passer un peu le temps mais ce n'était pas le cas. Levant les yeux je cru remarquer une tête qui ne m'étais pas inconnu mais à qui je n'avais pas adresser la parole depuis beaucoup trop longtemps. Jude Montgomery ! Pourquoi ne pas rattraper le temps perdu ? « Hey Jude ! »

De la paperasse et encore de la paperasse. Quand j'ai du partir en Afrique avec Médecins sans frontière début Septembre, j'ai déjà du remplir des millions de dossiers. Des dossiers pour la fac, parce que ça compte dans mes études de médecine en tant que stage spontané mais aussi des dossiers pour rejoindre l'association de médecins bénévoles. Alors quand je vois l'amont de travail qui m'attend quand je rentre d'Afrique, je me sens carrément découragé. Et encore plus quand le Doyen me contacte pour me dire qu'il doit régler encore et toujours des questions administratives concernant mon retour à Harvard.  C'est donc comme ça que je me retrouve bloqué dans la salle d'attente du bureau du Doyen qui a l'air pas mal en retard sur ses rendez-vous puisque quelqu'un attend déjà. Une personne qui ne m'est pas inconnue en plus de ça. « Hey Jude ! » Un sourire se dessine sur mon visage et je m'assoie à côté d'elle en posant ma sacoche à terre, « Leyna ! Ça fait longtemps dis donc ! Comment tu vas ?  »  Bon, j'ai de la chance, l'attente ne sera pas beaucoup trop longue au final.

Je commençais vraiment à penser que j'allais devoir me faire chier ici pendant beaucoup trop longtemps. C'était pas juste possible de venir me chercher dans mon cour plutôt que me faire perdre mon temps ? Heureusement mon regard se posa sur Jude qui semblait lui aussi attendre après le Doyen. J'étais bien contente qu'il soit là, ça faisait longtemps que j'avais envie de le voir mais ça n'adonnait jamais vraiment. Pourtant du peu que nous nous étions côtoyer il me paraissait cool, du moins pour un Mather quoi. Profitons donc de ce moment pour renouer un peu. La dernière fois que je l'avais vu si ma mémoire était bonne c'était quand on "sortait ensemble" pour rendre son ex jalouse. Que de beaux souvenirs. « Trop longtemps. Ça va biien je crois, et toi alors ? T'as aussi rendez-vous avec le grand manitou ? » Je voyais la secrétaire me regarder avec un drôle d'air mais je n'y portai absolument aucune attention. Si on ne peut même plus se moquer un peu pour détendre l'atmosphère alors qu'on se fait pourrir sur des chaises pas confortables alors où s'en va la vie ? Je me retournai à nouveau vers Jude qui avait franchement un beaucoup plus beau visage que la dame à moustache devant.

C’est vrai que mon expédition en Afrique m’a pas mal éloigné des gens et ça me fait toujours bizarre de revoir un visage qui me semble familier. Et c’est le cas de celui de Leyna. En fait, avant même que je parte en Afrique nous n’avions plus trop de contact alors qu’elle a été très présente pour moi quand Roxanna m’a quitté il y a un an et demi. Elle m’a aidé à remonter la pente et m’a aussi aidé à trouver la volonté de me battre. Le plus drôle c’est qu’à l’époque, elle était une Eliot et que ça m’a étonné de la part d’une Eliot d’aider un pauvre paumé comme moi. On a quand même fait semblant de se fréquenter pour essayer de rendre Roxanna jalouse. « Trop longtemps. Ça va biien je crois, et toi alors ? T'as aussi rendez-vous avec le grand manitou ? » Je regarde la porte du bureau du Doyen et j’hoche la tête en riant doucement, « Ouais, j’ai rendez-vous avec le grand manitou mais mon petit doigt me dit qu’il est très en retard » Comme d’habitude. Le Doyen peut se montrer très pipelette quand il le veut. « Je vais bien ! Je viens de rentrer d’Afrique donc j’ai une tonne de papiers à remplir pour ma réinscription à la fac, pour avoir mon emploi du temps et tout ça. Et toi, pourquoi t’as le droit à un tête à tête avec lui ? »

Pour dire que ça faisait longtemps qu'on ne c'était pas parler, c'était le cas. Je ne savais même pas si je pouvais décréter que nous avions été amis ou quoi que ce soit dans le passé. J'avais simplement eu envie de l'aider à aller mieux sans pour autant chercher par la suite à reprendre contact. Mais aujourd'hui j'en avais envie et heureusement la situation s'y prêtais à merveille. « Eh bien tu te fais pas chier toi ! » Je veux dire l'Afrique c'est pas rien, limite à côté j'ai l'air superficielle. Pas que ça me dérange car j'assume qui je suis mais voilà quoi. En prime fallait que je détende l'atmosphère pour ne pas avoir à répondre à la question que j’appréhendais d'entendre. « Pourquoi crois-tu qu'il veuille me voir ? Sa femme se fait vieille ! » Allez si on ne peut même plus rire un peu la vie serait trop triste. C'est comme ça que doit se sentir la pauvre secrétaire qui me regarde depuis tout à l'heure avec un regard qui lance des couteaux. En fait elle est juste jalouse parce qu'elle faisait partie des petites grosses dont on se moque quand elle avait mon âge. On a pas tous de la chance hein. « En fait je reviens aussi tout juste d'un séjour à New-York. » avais-je répondu tout bonnement à mon interlocuteur. L'honnêteté dont je faisais preuve avec lui me surprenais puisque je faisais tout pour cacher les véritables raisons à tout le monde et là je le disais sans retenu. C'est bête mais j'avais envie de me confier à lui.

« Eh bien tu te fais pas chier toi ! » Je ris et j’hausse les épaules en regardant Leyna, m’adossant sur mes genoux en disant, « Ah bah ça, c’est sur que je ne me suis pas fait chier pendant deux mois ! Si tu voyais dans quel état dans les gens au Libéria, ça fait.. limite bizarre de revenir aux Etats-Unis où tout le monde croit que c’est la fin du monde dès qu’il y a une épidémie de gastro » Là-bas, au Libéria, les gens sont tellement pauvres que les médecins n’ont pas tous les instruments nécessaires pour soigner correctement les malades. Je lui demande ce qu’elle vient faire ici et elle me répond : « Pourquoi crois-tu qu'il veuille me voir ? Sa femme se fait vieille ! » J’explose de rire en passant ma main sur ma bouche pour ne pas faire trop de bruit. « Je vois… promis, votre secret sera bien gardé avec moi » Je lui souris en coin et je regarde la porte de son bureau. « En fait je reviens aussi tout juste d'un séjour à New-York. » – « Ah oui ? » New-York, ça n’est pas très loin mais pour qu’elle ait raté les premiers mois de cours c’est qu’il devait s’être passé quelque chose. « Qu’est-ce que tu faisais à New-York ? Sans être indiscret ? »

Franchement je lève mon chapeau à Jude pour ce qu'il a fait ses deux derniers mois. Jamais je pourrais me rendre dans ce genre de pays, c'est au-delà de mes capacités. Juste à l'écouter j'en ai des frissons. Je tiens quand même à vous rappeler que pour moi un rhume c'est réellement la fin du monde, alors imaginez côtoyer des personnes pauvres ET malades. Non non et encore non. J'évitai d'ailleurs d'approfondir le sujet avant de me faire des images qui me rendraient encore plus mal que je ne l'étais là. Alors pour éviter je fais des blagues de mauvais goût comme j'ai l'habitude. Suite à quoi je me met les pieds dans les plats. Vraiment bravo Leyna, tu es la meilleure. Et attendez, le meilleur arrive, parce que si je savais que je devrais dire que je n'ai pas envie de lui répondre, j'en suis étonnamment incapable. « À vrai dire c'est une longue histoire. J'ai récemment appris que j'ai été adoptée et qu'en réalité je suis la soeur biologique de Jasper, que tu connais je crois. Ça a été difficile à avaler dans un premier temps mais finalement ça c'est replacé et j'ai pris sur moi de renoncer à mon héritage pour m'investir dans ma vraie famille. C'est pour sa que j'étais à New-York, pour bosser dans la compagnie Ellington maintenant que j'ai plus un sous... C'est le cas de dire que je viens de faire carte sur tables avec un Mather. Ça me rend mal à l'aise même. J'ai pas envie que les gens sachent que je suis pauvre, j'ai une réputation à tenir, je vais devenir la risée si ça se sait. Ouais j'ai honte de moi d'avoir osé dire ça. Mon visage rougit et je me gratte timidement la nuque en tournant les yeux pour ne plus le voir m'observer.

Ce qui me surprend, c'est de voir Leyna ici. Bien sur, je ne pouvais pas savoir avant qu'elle n'était pas à Harvard durant les premiers mois de cours parce que, premièrement, je n'y étais pas moi non plus et deuxièmement, on ne s'était pas parlé depuis tellement de temps elle et moi. Je la sens un peu rétrécissante à me dire pourquoi elle est ici, pourquoi elle n'a pas été là au début de l'année scolaire et je ne l'oblige pas à m'en parler.  « À vrai dire c'est une longue histoire. J'ai récemment appris que j'ai été adoptée et qu'en réalité je suis la soeur biologique de Jasper, que tu connais je crois. Ça a été difficile à avaler dans un premier temps mais finalement ça c'est replacé et j'ai pris sur moi de renoncer à mon héritage pour m'investir dans ma vraie famille. C'est pour sa que j'étais à New-York, pour bosser dans la compagnie Ellington maintenant que j'ai plus un sous... Elle a l'air gênée de me parler de tout ça, et ça la rend toute mignonne de rougir de cette manière. Je souris doucement, bien sur que je connais Jasper, c'est ce connard qui est bien trop proche de ma copine et que j'ai d'ailleurs déjà cogné une fois pour l'avoir embrassé. « C'est tout à ton honneur, tu sais.  » C'est vrai, renoncer à un héritage comme ça pour être accepté par sa vraie famille, c'est pas rien. Tout le monde ne l'aurait pas fait en tout cas. J'hausse les épaules et j'ajoute, « Tu devrais pas avoir honte d'en parler. Et puis, riche ou pas, on s'en fiche de ça. L'argent fait pas le bonheur.. »

Pourquoi est-ce que j'avais dit tout cela ? J'en savais rien, c'était à croire que ma bouche avait un défaut de fabrication. Maintenant que c'était sorti il fallait bien que j'affronte sa réaction. Bien sur ce n'était même pas surprenant qu'il soit aussi compréhensif, après tout on parlait du mec qui revenait d'Afrique là. Des pauvres il en avait vu en quantité bien plus que suffisante. Tout de même, ça faisait du bien d'avoir un peu de soutien, surtout qu'il était le premier à qui je faisais une telle confidence. Il avait peut-être raison en disant que ce n'était pas aussi grave que ça ne semblait l'être, mais je n'étais pas encore capable d'en avoir conscience. « Mouais... C'est facile à dire comme ça mais j'ai bâti ma réputation sur mon argent, si on sait que j'en ai plus ce sera la honte. Je suis pas encore prête... » Le serais-je un jour ? À partir de quel moment dans notre vie on est prêt à devenir la risée de l'université ? J'ai tellement rabaisser de gens à me vanter que j'étais riche et tout et tout, maintenant que c'est plus le cas ils vont tellement se faire du plaisir à me rendre la pareille. Mais étrangement j'avais cette sensation que je pouvais avoir confiance en Jude, même si on se connaissait pas un max, il me donnait cette impression.

Je n'ai jamais réussi à voir Leyna comme une Eliot. J'veux dire.. quand je l'ai connu, c'était une Eliot et elle avait absolument tout pour être une Eliot parfaite, mais je n'ai jamais réussi à la détester comme je déteste les Eliots. Alors j'essaie d'être une oreille attentive même si ça me fait bizarre de savoir qu'elle se confie aussi facilement à moi sur quelque chose qui, apparemment, la gêne terriblement.  « Mouais... C'est facile à dire comme ça mais j'ai bâti ma réputation sur mon argent, si on sait que j'en ai plus ce sera la honte. Je suis pas encore prête... » Je lui souris doucement, ne sachant pas trop quoi lui répondre dans un premier temps. Ça me fait quand même bizarre, qu'elle ait autant honte à l'idée de savoir qu'elle n'avait plus d'argent. Cependant, c'est courageux de sa part d'avoir renoncé à son héritage et si elle l'a fait, c'est qu'au fond, elle en avait envie donc il faut juste qu'elle apprenne à assumer ses choix, tout simplement. Je passe ma langue entre mes lèvres et après un long silence, je me décide de lui dire, « C'est marrant, parce que moi c'est le contraire. Je tourne la tête vers elle, Il y a deux ans, ma meilleure amie a du simuler sa mort pour un programme de protection des témoins. Et pour ça, elle a du tout faire jusqu'au bout et elle a du faire un testament dans lequel elle m'a légué presque tout son argent, et elle avait.. un grooos paquet. J'ai jamais eu beaucoup d'argent tu sais, alors quand j'me suis retrouvé avec des millions de dollars sur mon compte en banque, j'avais honte. Honte d'avoir autant d'argent parce que je n'avais pas l'impression d'avoir mérité de gagner de l'argent alors que je pensais que ma meilleure amie était morte. » Je lui souris et j'ajoute,«  Dis toi que si tu n'avais pas renoncé à cet héritage, tu aurais su toute ta vie que tu ne méritais pas d'avoir cet argent, que c'était mal et là, tu aurais eu raison d'avoir honte.. »