Du cyber à la réalité

Parfois je me demandais quand est-ce que je rencontrerais enfin Mickaela avec laquelle je passais mes soirées où je n'étais pas de garde à l'hôpital, à discuter de tout et de rien avec elle sur internet. Cela faisait des mois et des mois que nous échangions ensemble, je gardais cela précieusement pour moi parce que je considérais la jeune femme de l'autre côté de mon ordinateur comme étant une de mes amies voire même une cyber-confidente. En effet, très rapidement, je m'étais mis à lui confier des choses sur moi dont ce que je cachais à ma famille - qui était tout de même la famille la plus riche des Etats-Unis quoi - donc oui la jeune femme connaissait presque tout de moi, tout autant que moi je connais énormément de choses sur elle. Je me suis toujours demandé comme était-ce possible, jamais je n'aurais cru qu'il était possible de créer une forte amitié rien qu'en conversant en ligne mais la preuve c'était ce qu'on vivait Mecky et moi-même. Je n'échangerais ma place avec personne d'autre ! D'ailleurs, alors que je me trouvais sur le campus pour je ne sais plus quoi - ah si j'avais cours de biologie donc je ne me trouvais pas à l'hôpital quoi - je me faisais tellement chier durant ledit cours que je venais à prendre mon Iphone afin de me connecter sur skype et vérifier si mon amie était elle-même connectée comme ça on pourrait discuter mais je constatais avec déception qu'elle n'était pas connectée... Ce n'était pas grave ! Je suivais donc le cours d'une oreille distraite tout en pensant à ma garde de ce soir que je prendrais à partir de 20h jusqu'à demain matin... C'était incroyable à quel point ils utilisaient les internes pour faire le sale boulot, c'est-à-dire les gardes quoi ! Surtout les gardes aux urgences ! Et dire que je pourrais jouer de mon nom de famille pour éviter tout cela mais je ne le faisais pas et je ne le ferais jamais d'ailleurs. Qu'importe, j'avais hâte de quitter ce fichu cours ennuyeux et pire que tout, j'avais envie d'uriner mais j'allais devoir attendre. Il fallait donc que je cesse d'y penser mais il restait encore pas loin de quarante cinq minutes de cours quoi ! C'était trop long ! Mais finalement au terme de ces deux des plus longues et chiantes heures de cours de l'année, je me précipitais hors de la salle de biologie pour me diriger jusqu'aux toilettes les plus proches... Dans ma hâte, je me fis percuté par une jeune femme mais je ne pus placer un mot parce que la jeune femme s'excusait. Je lui souris avant de dire pour la rassurer : " Eh t'inquiète, je ne dirais rien ! On va faire comme si je n'avais rien vu ! Donc... " je m'interrompis tandis que je regardais la brunette qui me disait vaguement quelqu'un... Non pas possible ?! Ne serait-ce pas la fille avec laquelle je discute depuis des mois sur internet ? " Je m'appelle Chase by the way ! "

J'étais prête à filer, partir vite et loin, parce qu'après tout, je n'avais pas à me trouver là. S'il existait des toilettes femme et homme ce n'était pas pour que je m'incruste dans celle du sexe opposé. Mais d'un autre côté... Les mecs avaient toute la ville pour se laisser aller ! Normal qu'il y ait toujours autant de monde devant celle pour femme. D'autant plus que j'étais censée repartir aussi vite que j'étais arrivée sans que personne ne remarque ma petite intrusion. ET me voilà prise la main dans le sac.
Tête basse, mes joues s'étaient légèrement enflammée, mais je n'appelais pourtant pas ce que je ressentais comme étant de la honte. J'étais plutôt gênée et intimidée ! Oui, même à moi ça m'arrivait. Ce n'était pas parce qu'avec tous ceux que je ne connaissais pas - ou qui m'importunais - je me montrais insolente et arrogante, que je répondais à toute heure à ce caractère. Il m'arrivait aussi d'être douce, courtoise, responsable et de reconnaître mes tords. En l'occurrence, je n'avais rien à faire ici. Mais le jeune homme que j'avais percuté par mégarde ne semblait pas m'en tenir rigueur.
J'aurais pu après un sourire pour tout remerciement, fuir et cacher mon embarras ailleurs, mais... *Cette voix...* pensais-je en relevant aussitôt la tête. Je scrutais intensément son expression tandis que de son côté aussi semblait s'interroger. Je n'en revenais pas, je ne savais même plus quoi dire. Le voilà à présent qui se présentait et moi j'étais toujours muette face à lui. Il était décidément vachement plus canon en vrai ! * En vrai ! Comme si que nos conversations étaient fausses* me rétorquais-je pour moi même. J'étais complètement abasourdie, des dizaines de pensées me traversaient l'esprit.

... Euh...

Je me sentais en quelque sorte protégée de me livrer comme je l'avais fait avec lui. Protégée, parce que l'utilisation de ce réseau de communication conservait aussi cette distance. M'assurait également de ne pas avoir le même réseau de connaissance et donc que tous les secrets que je lui avais livré le resterait. Et rencontrer Chase me donnait l'impression d'être totalement nue.
Mes lèvres formaient toujours un petit "O", je les fermer aussitôt avant de sourire encore plus gênée que je ne l'étais quelques secondes plus tôt.

Pardon ! fis-je enfin pour excuser ce silence avant de bégayer. Jjjj... Mmm... Kkk... Christelle ! Enchanté. Il faut vraiment que je file par contre.

J'avais l'habitude de mentir un milliard de fois mieux que là, mais Chase me faisait littéralement perdre tous mes moyens. A peine avais-je finis ma phrase que je me faufilais vers la sortie. *Ridicule ! Tu es ridicule !* me reprochais ma conscience tandis que je marchais vers l'arrêt de bus. J'arrangeais mon sac sur mon épaule et m'arrêtais brusquement pour prendre le temps de réfléchir. J'avais certes été prise au dépourvu, mais ce n'était pas vraiment une raison pour fuir. Même si j'avais peur - parce qu'il s'agissait de cela - Chase m'avait -il une seule fois montrer qu'il n'était pas de confiance.
J'inspirai profondément, passais une main dans mes cheveux et soupirais un bon coup pour me donner du courage avant de rebrousser chemin. Je me repositionnais alors devant les toilettes pour hommes et attendais sagement qu'il en sorte en luttant pour ne pas fuir à nouveau.

M'y attendais-je réellement à me retrouver dans ce genre de situation ? Eh bien je devais vous avouer que non, parce que j'ignorais totalement que la jeune femme se trouvait à Harvard. Parce que oui les gens, il s'agissait bel et bien de la même et douce Mickaela avec laquelle je discutais presque tous les jours voire même presque toutes les heures tellement on était attachés l'un à l'autre virtuellement. Néanmoins jamais on ne s'était réellement dits qu'on allait se rencontrer... On trouvait que notre relation virtuelle était beaucoup mieux du moins c'était ce que l'on pensait. Cependant le destin avait décidé pour nous et notre première rencontre IRL se passait dans les toilettes pour hommes de la meilleure université du monde: j'ai nommé Harvard ! Et dire qu'avec la jeune femme, on s'était parlés la veille et elle ne m'avait même pas dit qu'elle se trouvait dans la même université que moi alors que je ne passais pas vraiment inaperçu dans le meilleur campus au monde... J'étais l'un des héritiers Walton - en fait on était pas beaucoup puisque moi pour ma part, j'étais fils unique donc pas de partage avec mes frères ou soeurs et je n'avais que deux ou trois cousins/cousines donc voilà le tour était joué pour la fortune de la famille la plus riche des Etats-Unis quoi - mais je faisais partie également des étudiants les plus brillants et le capitaine de l'équipe de basket-ball de l'université. Fin bref la surprise passée, je venais demander à la jeune femme son nom mais elle me bredouillait une réponse qui sonnait totalement fausse à mes oreilles et vu comment elle bégayait ben j'avais totalement raison sur le fait qu'il s'agissait bel et bien de mon amie virtuelle ! Je n'avais même pas eu le temps de répondre qu'elle s'en était déjà allée ! fuck ! Et moi qui allais me pisser dessus quoi ! Je voulais rattraper la jeune femme mais mon envie était bien plus pressante alors je me soulageais dans les urinoirs... Puis une fois cela terminé, je me lavais les mains pour l'hygiène quoi avant de sortir des toilettes sans avoir réellement l'intention de retrouver la jeune femme... Je savais bien que c'était impossible, c'était comme si on cherchait une aiguille dans une motte de foin. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis qu'elle se trouvait devant les toilettes. " Tu n'es pas partie tout compte fait ? " demandai-je doucement sans moqueries ni rien, juste avec un petit sourire amusé avant de poursuivre d'une voix calme et rassurante : [color=goldenrod]" Tu sais je ne vais pas te manger ! Je suis même ravi de te rencontrer. Mais, dis-moi la vérité tu es Mickaela n'est-ce pas ? "

Je me sentais tout bonnement pitoyable, debout, là devant lui. Il avait l'air étonné de me voir là. En même temps, rien dans mon comportement n'avait montré que je resterai. Peut-être d'ailleurs que mon expression affichait encore mon inquiétude. Qui s'était - tout de même - bien apaisé. Il m'était impossible de compter le nombre de fois que je m'étais dit "Tiens ! Il faut que j'en parle à Chase" Pour tout et n'importe quoi ! D'autres part, avec ces petits engins électroniques qui tenait dans une poche et pesait trop fois rien. Tout un chacun pouvait se connecter partout et en tout temps. Alors, oui ! Bien entendu que nous nous parlions fréquemment ! D'ailleurs si ça n'avait pas été lui dans ces toilettes, je me serai aussitôt connectée pour lui dire avoir eu la honte de ma vie et lui conter mon historiette.
Ma plus grande crainte s'était apaisé. Je redoutais, qu'il ne me tourne le dos pour lui avoir menti et de ne plus jamais le revoir connecté à nouveau. Ma plus grande crainte serai de perdre sa confiance, son amitié et cette complicité indescriptible avec mon ami virtuel. L'un des rares mecs avec qui je ne jouais aucun rôle, avec qui j'étais juste moi, avec qui je n'avais pas usé de séduction ou de manipulation. Je ne voulais pas perdre ça. Il était important pour moi !
Son sourire me donnait envie de faire pareil, cependant c'était plus un sourire gêné qui pouvait se lire sur mes lèvres. Mes yeux bleus allaient se perdre dans son regard. C'était à peine croyable ! C'était lui ! Ici à Harvard. Je haussais les épaules pour toutes réponses tandis qu'il poursuivais.
Sa boutade m'arracha un rire discret, je lui répondais :

Je sais mentir d'habitude... C'était la première et la dernière fois avec toi.

J'étais sincère. Je ne savais même pas ce qui m'était passé par la tête. Chercher à me faire passer pour une autre. Comme s'il ne pouvait pas me reconnaître autant mon minois que ma voix.
Je me souvenais de ce matin de juillet, il était aux alentours de midi en Russie, bien plus tôt ici à Cambridge. Ils avaient retrouvé la voiture carbonisé de mon père avec son corps à l'intérieur. Je n'avais même pas pu voir son corps, le légiste avait certifié qu'il s'agissait bien de lui avec l'examen de sa mâchoire. Puisque ma mère n'entretenait plus aucun rapport avec mon père j'étais la première qu'ils avaient appelé. Avec le Summer camp, j'étais debout jusqu'à pas d'heure. Cette appel avait eu sur moi l'effet d'une douche froide. Je n'avais pas pensé à ma mère, je retenais mes larmes, je m'étais connecté presque immédiatement. Je savais qu'il était là, ou du moins je l'espérais. Je lui avais parlé deux heures plus tôt. Mes yeux s'étaient brouillé, je ne pouvais rien écrire, c'était à l'aveuglette que j'avais écris mon numéro avec le sigle "S.O.S." Durant mon coup de fil avec l'étranger je m'étais isolée. Seule, recroquevillée, j'avais juste eu la force de raccrocher. J'avais la gorge noué, je me souvenais même avoir eu la nausée. Et ce n'était pas l'alcool. Chase n'avait pas mis longtemps à m'appeler...
Bon sang ! Il m'avait même entendu pleurer. Que ne savait-il pas de moi ? Je lui souriais.

Moi aussi. Tu as ta pause déj' là ?... A défaut de me manger, tu m'accompagnerais manger quelque chose de comestible ?

Peut-être ne voulait-il pas rester, peut-être que cette amitié virtuelle lui convenait très bien et qu'il redoutait lui aussi que les choses ne soient plus pareil. En proie au doute je lui demandais s'il ne préférait se reposer ou s'il avait des choses de prévu. Je me souvenais qu'il avait une garde ce soir, c'était ce qu'il m'avait dit la veille et ne voulait pas bouleverser ses plans.