Lundi. Un jour enfin un peu plus normal que le week-end que je venais de passer à boire comme un malade et à dormir toute la journée. En fait, j’avais passé mon week-end soit à dormir, soit à être complètement déchiré. Le retour à la réalité était vraiment dur, devoir me lever tôt, aller en cours…cours que je prenais qu’à moitié car mon esprit était complètement ailleurs, toujours, complètement ailleurs. C’est pour ça que cet après midi, j’avais décidé de sécher. Chose qui devenait une habitude, peut-être trop même, mais bon, à quoi bon être en cours si c’est pour ne pas suivre ? De toute façon, j’avais certainement raté mon premier semestre et j’allais très certainement devoir repiquer mon année…ça n’avait aucune importance, de toute manière, parce que je ne comptais plus être de ce monde d’ici quelques mois. Les idées qui venaient et repartaient dans ma tête étaient toutes claires : je n’avais plus rien à faire ici. Tous les gens que j’aimais et à qui je tenais, finissaient par mourir et je ne voulais pas que ça continue. J’allais faire du mal à certaines personnes, mais elles allaient très vite apprendre à vivre sans moi, j’en étais plus que certains. Ce n’était plus qu’une question de temps, plus rien ne me retenais ici. Il fallait juste que je trouve, comment faire, parce que quand on est étudient en médecine, on sait comment s’y prendre pour mourir vite, et sans trop souffrir et je n’étais mas mazo, je voulais quand même avoir une fin non douloureuse et rapide, tant qu’on y est.
Enfin, j’essayais de ne pas y penser sans arrêt, sinon j’allais devenir fou. Il fallait que je profite des derniers plaisirs que la vie m’offrait : je ne freinais plus sur l’alcool ou la drogue et j’essayais de profiter de tous les moments. Bien sûr, je ne parlais pas de ces idées à mes amis, car je savais qu’ils allaient voir que j’étais sérieux, et ils feraient tout pour me faire changer d’avis alors que c’était impossible : la mort m’avait appelé dès l’âge de six ans, les médecins n’avaient juste pas compris que je devais peut-être mourir de cette leucémie, plutôt que de me soigner et de me faire endurer cette vie tellement dure et douloureuse. J’avais été faire un tour dehors, fumant quelques clopes avant de voir l’enseigne de Christina's Ice Cream et je me laissais tenter à aller me faire une petite glace. Il était environ quinze heures et je commençais à avoir un petit creux. J’entrais donc dans ce pseudo-restaurant où il semblait y avoir du monde et je fis la queue, en me demandant quelle saveur de glace j’allais bien prendre. J’optais pour une glace à trois boules : chocolat, citron et melon. Ma glace en main, je me dirigeais vers la sortie lorsque quelque chose me perturba un peu plus loin. Ne regardant pas devant moi, je sentis percuter quelque chose….ou quelqu’un. Ma glace glissa sur le chemisier de la jeune femme et je soupirais, d’abord agacé de m’être fait bousculé, même si en fait, c’était plus moi, qui l’avait bousculé. « Bordel…pardon », grognais en tapotant son chemisier avec la serviette que la vendeuse m’avait donnée quelques minutes plus tôt en me servant ma glace. Je souris légèrement en voyant le petit ventre rond de la jeune femme, j’avais toujours aimé voir les femmes enceintes, je ne pouvais pas m’empêcher de me demander comment Aurore était, quand elle l’était de notre fils…
Lorsque je levais le regard sur la jeune femme, je crus que mon cœur s’était stoppé net. Cette fille…je l’avais déjà croisé à une fête il y a quelques moi et nous avions couchés ensemble sauf que….le lendemain, elle avait disparue et j’avais cru avoir rêvé car elle était le portrait craché d’Aurore…je n’arrivais pas à y croire…je savais qu’Aurore était morte, mais sans savoir pourquoi, c’est son nom qui sortit de ma bouche, « Au…Aurore… ? ». Je déglutis, j’étais mal à l’aise, très, très mal à l’aise…mon dieu qu’est-ce qu’elle lui ressemblait…c’était impossible…
(Jude Montgomery)