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La vérité est dans l'imaginaire.

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Lazarus & Charlie ; #1


Elle poussa la porte du théâtre et y pénétra. Elle y serait seule pendant une heure et demie : personne n'avait cours au théâtre à ce moment de la journée, aussi avait-elle demandé à son professeur l'autorisation de l'utiliser aujourd'hui pour y répéter. La jeune Harvadienne désirait s'y entraîner pour visualiser dans l'espace sa future proposition.
Attachant ses cheveux, défaisant ses chaussures, enlevant ses bijoux, elle monta sur le plateau et commença, tout d'abord, par s'échauffer.
Incarner divers personnages avait, d'une certaine manière, presque toujours fait parti de sa vie. Dès l'enfance, elle avait su s'adapter, se changer, se métamorphoser selon les personnes qu'elle côtoyait dans l'instant. Elle avait même plusieurs prénoms pour cela. Il y avait Mary, qui n'était utilisé que par sa mère, le peu qu'elle l'appelait. Mary. La petite fille qui faisait de la musique pour accompagner la danse de la grande danseuse étoile, esseulée, abandonnée, comme reniée. Celle qui passait des heures auprès d'un piano ou d'une harpe, les yeux grands ouverts, admirant et craignant en silence le travail fou auquel s'abandonnait sa mère, sa pauvre mère, sa folle de mère. Mary. Petite Mary qui n'était qu'une enfant, qui ne sera jamais qu'une enfant. Dans le microcosme de sa maison, il y avait Mary. Dans le macrocosme qu'était le monde, il y avait Violet. Son prénom véritable, celui qui figurait sur ses papiers. Celui, pourtant, qu'elle était le moins. Lorsque son père l'appelait Violet, l'un des rares à la prénommer ainsi, parce que c'était ce qu'il avait voulu, elle avait l'impression de ne pas vraiment être. Comme quand elle présentait sa carte d'identité dans le train, qu'il vérifiait qu'il y avait bien écrit « Violet Lestwood » et sur sa carte d'identité et sur sa carte de réduction, que tout était en règle, que sur les photos figurait la même personne. Quelqu'un parmi les autres. Un prénom lu et vite oublié. Qui passe la plupart du temps et puis, un jour, pour quelques secondes, s'arrête sous un œil administratif, avant de repartir, ailleurs, on ne sait où, jusqu'au prochain arrêt. Elle n'a jamais vraiment été Violet. Elle ne se sent pas Violet. Ce n'est pourtant pas un prénom commun, surtout en Irlande où elle est née. Elle aurait préféré avoir un vrai prénom Irlandais plutôt que cette bribe de syllabe qu'elle ne parvenait jamais à apprivoiser tout à fait. Parce qu'elle se considérait comme Charlie. Pour tous elle était Charlie. Allez savoir pourquoi son frère avait décidé que « Charlie », c'était un prénom pour elle, mais en tout cas, ça lui était resté. Il n'apparaissait nulle part sur ses papiers mais c'était dans ces lettres qu'elle se reconnaissait le plus. Charlie. Sœur, amie, élève. Personne. Elle-même. Bien qu'elle ne savait plus trop parfois qui elle était, parmi toutes ces identités. Alors elle se noyait dans le théâtre. Pour oublier toutes les histoires imbriquées dans la pauvre histoire de sa vie. Pour ne pas y penser, parce qu'elle abhorrait plus que tout ressasser ses souvenirs. Elle faisait du théâtre pour s'oublier, et pour vivre. Pour être une ou un, mais pas plusieurs. Elle délaissait toute sa vie, tout son être, pour offrir son corps au personnage. Pour le laisser prendre possession d'elle. Elle ne changeait pas de peau. Elle troquait son âme. Jouer jusqu'à en avoir le vertige, jusqu'à ressentir au plus profond d'elle-même le personnage, jusqu'à sentir ses souvenirs dans ses chairs, pleurer ou rire de son vécu, vivre pleinement l'histoire de ce personnage. Le temps de la scène, l'être, cet autre salvateur. Ce personnage fictif à qui elle donnait une réalité. N'avoir plus qu'une vie, la sienne.
C'était cela qu'il fallait, c'était ce qu'elle faisait. Chaque fois qu'elle jouait. Le théâtre était plus qu'une passion, il était ce qui lui permettait de vivre. Elle y plongeait comme une désespérée et semblait y trouver son bonheur. Un poisson qu'on aurait remis à la mer.

Elle s'entraînait depuis une heure déjà et consentit à prendre une pause. Assise sur le bord du plateau, Charlie se demandait ce qu'elle serait devenue si jamais Heather n'était pas morte. Elle n'imaginait plus n'être pas à Harvard. Cela faisait trois ans qu'elle étudiait ici, et cette université lui plaisait beaucoup, même si les coutumes américaines la surprenaient encore parfois et que les traditions irlandaises lui manquaient. C'était comme une deuxième vie. Tout d'abord parce qu'elle était avec son père, ce qui lui aurait paru totalement incongru dix ans auparavant. Cette figure paternelle n'avait jamais existé pour elle et elle ne lui avait jamais manqué. Lorsqu'il avait fallu qu'elle aille vivre avec lui, Violet avait eu peur. Ils se ne connaissaient pas. Elle devait abandonner son petit frère qu'elle avait élevé comme si elle en avait été mère, parce qu'il n'était pas le fils de son père, et, de surcroît, ils ne restaient pas en Irlande. Ils allaient en Italie. Mais son père était plus amusant qu'elle ne l'aurait cru, et depuis qu'elle vivait avec lui, tout était plus léger. Ils étaient installés à Cambridge depuis trois ans désormais et elle connaissait la ville à présent. Elle y avait des liens, des attaches. Cyrla, qui n'était pas sa meilleure amie, parce que « meilleure amie », c'était un terme trop fixe, trop ancré d'une certaine façon dans les esprits pour qualifier ce qui les unissait. Car c'était autre chose que cela. Et il n'y avait pas besoin de nom pour que Charlie sache qu'elle adorait la jeune femme et qu'elle était de ces personnes qui ne quitteront jamais ton esprit, de ces personnes dont tu te souviendras éternellement, et qui t'emmènent dans un ailleurs que l'on ne trouve nulle part autrement, une fois à leurs côtés. Il y avait également Camille que Harvard lui avait fait connaître, et elle comptait bien ne pas le lâcher, lui non plus ! Il était trop génial et adorable pour ça. C'était d'ailleurs grâce à lui qu'elle avait rencontré Milicent, qui était désormais sa meilleur amie et la seule personne du domaine médical qu'elle osait approcher ! Noel, qui était comme un cousin, Blueberry comme une sœur, et bien d'autres, avaient aussi contribué à rendre cette vie sur le continent américain tout à fait agréable. D'autant qu'à Harvard, ils disposaient d'un enseignement de qualité. La preuve vivante en était son professeur de théâtre, Lazarus McCarty, qui la faisait sourire dès qu'elle le voyait. Il avait l'étoffe exacte d'un professeur de théâtre, selon ses critères. Depuis trois ans qu'elle étudiait ici, il était le seul professeur de théâtre, et espérait qu'il soit jamais le seul, ou du moins, qu'elle n'ait que lui. Certes, le changement, c'était bien, ça enrichissait le jeu, patati, patata. Mais McCarty valait bien trois professeurs différents de théâtre, elle en était persuadée. Il était aussi génial que talentueux, et ses cours étaient toujours intéressants. Il était impossible de s'ennuyer ou de trouver le temps long. Impossible. Elle aurait pu décrire encore le génie de l'Écossais Lazarus McCarty, mais il fallait qu'elle se remette au travail : il lui restait vingt minutes encore, bien qu'elle ait avancé comme elle le souhaitait, répéter était toujours bon. L'Irlandaise se remit sur pieds, frappant dans ses mains, d'un air enjoué qui n'appartenait qu'à elle.

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