Tu ne te souviens plus de la dernière journée que tu as passé dans cette ville. Tu avais tout oublié. Tu ne te souvenais plus des vêtements que tu avais mis ni du déroulement de la journée ni des paroles que tu avais pu prononcer. Il en avait eu peu. Ça tu t’en souviens. Tu t’en souviens car tu te rappelles des raisons de ton départ. Tu ne l’as pas oublié, c’est encore frais dans ta mémoire. Tu étais parti, sans te retourner, sans avertir qui que ce soit.
Tu pourrais commencer ton histoire en détaillant ta naissance. Tu pourrais expliquer Ô combien la venue d’un petit être dans cette famille était voulu. Qu’elle était voulu, seulement pas pour les mêmes raisons que tous les autres couples désireux d’avoir des enfants. Tu n’avais pas été souhaitée grâce à une volonté profonde de vivre l’expérience parentale, mais bien pour compléter le tableau parfait de la famille parfaite. Parents heureux, enfant chéri, chat, chien, piscine, luxure... Tu pourrais enchaîner en expliquant que, dès ton plus jeune âge, l’amour inconditionnel de tes parents avait ses conditions et que la plus importante était que ton éducation devrait demander le moins d’efforts possible pour eux. Tu pourrais… Mais tu ne le feras pas, car le plus intéressant vient plus tard. Après ton enfance oubliée. Après les cadeaux, les jouets, les petites robes couleurs pastelles, les colliers de perles et les poupées de porcelaines… Après les absences répétitives de tes parents, le manque d’attention et d’affection, le manque de chaleur humaine… Le plus intéressant suit le tableau de famille parfaite que vous projetiez, vous, les trois membres uniques de cette famille d’apparences. Il n’est pas, non plus, question de raconter la rencontre de tes parents. Ils se sont sincèrement aimé, ça il n’y a pas de doute là-dessus. Seulement, cette histoire ne te concerne pas. Il n’était pas question d’un « happy ending » où la famille en ressort plus forte que tout. Non. Ton histoire de petite famille parfaite n’est qu’un mensonge. Elle est pour les voisins, les inconnus, les collègues... Elle est pour la presse, les photos, les interviews… Ta vraie histoire se déroule quand tes parents sont absents, lorsqu’ils sont trop occupés par le boulot, quand ils sont en voyages, quand il ne te regarde même pas… Et ça, c’est la majorité du temps.
Tu avais atterris depuis deux heures déjà. Pourtant tu restais là, dans cet aéroport trop grand, grouillant de voyageurs et d’habitants plus pressés les uns que les autres. Tu restais là, sacs à la main. Tu essayais toujours de te rappeler de cette fameuse journée où tu avais décidé de partir plus loin que les frontières de cette ville, de ce pays. C’était tout aussi flou. Tu n’avais pas réfléchis, tu étais seulement partie. Sans mots, sans adieux. Tu étais revenus sans trop savoir pourquoi non plus. C’était encore un coup de tête non prémédité. Il était seulement temps pour toi de revenir à la maison.
Tu as vieilli en te demandant pourquoi tu n’avais pas droit au même traitement affectueux des autres enfants. Tu croyais que c’était toi le problème. Toi qui était repoussante, toi qui n’était pas attachante. Tu voyais plus souvent ta nounou que tes propres parents. À cet âge, on ne comprend pas. Tu ne voulais rien entendre. Ton père avait beau être un homme politique important et ta mère, une femme d’affaire qui le suivait partout : tous ses déplacements, ses voyages, ses soirées, ses réunions, tu ne voulais rien savoir de tout cela… Tout ce temps perdu et enlevé à ton enfance on fait de toi cette petite peste que tu es devenue. Petite, tu faisais des caprices, tu demandais la lune. Tes parents y répondaient à chaque fois, pensant que cela faisait d’eux des bons parents s’ils te couvaient de cadeaux. Non. Car tu n’étais jamais satisfaite. C’était d’amour et d’attention dont tu étais le plus en manque et ça, tu ne le trouveras jamais avec eux. Tu le trouveras dans tes amitiés que tu te créeras au fil de tes années d’école. Tu le retrouveras dans une en particulier. Une qui te comblera tout ce manque affectif. Tu as rencontré Diego alors que tu n’étais encore qu’une gosse gâtée pourrie. C’était la seule chose que tes parents te donnèrent que tu aimas réellement. Tu pouvais remercier ton père et ses nombreuses rencontres professionnelles. C’est grâce à ces dernières que tu fis la connaissance du jeune garçon, puisqu’il était le fils d’un fonctionnaire avec qui ton paternel faisait affaire. Était-ce un coup de foudre amical? Sûrement pas, parce que tu ne crois pas à ce genre de choses. Cependant, vous deux c’est une amitié indescriptible. Du haut de vos quelques années de vie, vous êtes devenus inséparables. Vous êtes reliés l’un à l’autre que vous le vouliez ou non. Vous vous êtes créé un petit monde autour de vous et vous avez vieilli avec lui. Il est le seul qui a toujours compris tes problèmes, tes émotions, qui ne t’a jamais jugé pour tout ce que tu faisais subir aux autres, et tu fais de même pour lui. Parce que vous n’êtes pas des anges, même ensemble. À l’adolescence tu es rapidement tombé dans les vices. Alcool, drogue, sexe… Tu as fait tes expériences rapidement, sans pudeur et tu y as pris goût. Tu es devenue une jeune femme indépendante, qui ne se pose pas trop de question et qui profite de la vie. Tu te donnes à qui tu le veux, te faisant une promesse à toi-même : ne pas tomber amoureuse. Ça tu ne le veux pas. Tu ne veux pas t’attacher à quelqu’un au point d’en être vulnérable, au point de te faire rejeter et d’en souffrir, comme tes parents l’ont fait. Tant que tu as ton meilleur ami, le reste tu t’en fou.Mais les promesses sont faites pour être brisées. Et tu as brisé celle que tu t’étais fait à toi-même avec la dernière personne que tu aurais voulu. Était-ce possible que depuis tout ce temps, qu’à travers toutes ses histoires d’un soir, tu t’étais toujours menti à toi-même et que des sentiments que tu ne connaissais pas avaient pris naissance dans ton cœur? Tu ne pouvais pas en être sûr. Tu ne sais pas c’est quoi l’amour. Tu ne le connais que dans les films et les livres. Alors, est-ce que ça pouvait être lui? La seule personne qui avait passé à travers ta barrière de sécurité? Ton meilleur ami? C’était d’un cliché. Tu savais que cela ne serait pas réciproque… Vous en aviez déjà parlé dans votre adolescence, alors que tout le monde avait des doutes, alors que toi-même tu avais des doutes. Aujourd’hui c’est différent. C’est plus intense. C’est représentatif de votre amitié. Tu voudras faire taire ces petits battements de cœur dans les bras de personnes rencontrées dans des bars..
Mais tout ne se passe pas comme prévu la vie est une chienne, et qui te fera perdre ton amie à cause d'un putain d'accident.À croire que tout comme toi, elle ne veut pas te voir amoureuse.. Tu voudras oublier en buvant à ne plus tenir debout, à te droguer jusqu’à ne plus rien ressentir ne plus penser à lui … Mais tu ne réussis pas. Tu n’en parleras pas. Il étais partis..Tu seras plus peste que jamais , avec tout le monde autour. Tu attendras la fin de ta première année d’université. Tu avais tout planifié, sans vraiment faire de plan. Tu avais une destination, tu avais un but… Ce que tu allais faire une fois partie, tu ne le savais pas. Tu diras à tes parents que tu partais pour des vacances dans ton pays d’origine, l'Australie. De toute façon, ils ne l’auraient même pas remarqué. Tu ne diras rien à personne. Pas de lettre, pas d’au revoir. Rien. Tu partiras pour deux ans. Sans nouvelles. Deux ans pour être certaine qu’il n’y avait plus rien d’amoureux ou de douloureux dans ton cœur. Tu es passé à autre chose, comme tu sais si bien le faire. Tu as continué tes cours à distance et tu y as vécu le voyage de ta vie. Tu n’as pas changé, tu es toujours la même. La même fille malicieuse, jalouse et dévergondée… Tu sais que ton retour ne seras pas attendu à bras ouverts mais tu t'en fou..
Tu pris le premier taxi qui se trouvait à l’entrée de l’aéroport. Tu n’avais averti personne de ton retour. Il n’était pas attendu. Tu regardais le paysage familier défiler devant tes yeux. Tu avais l’esprit lucide pour une fois. Tu devais avoir les idées claires. Tu avais un mélange de hâte et de nervosité qui te tenaillait l’estomac. C’était ici que tout se jouait. Ici que tout se décidait. Tu ne pouvais pas y aller d’un coup de dé cette fois-ci. Tu ne pouvais pas y aller de tes grands airs et de tes manigances. Tu sortis du taxi, bagages à la main. Tu ne pouvais plus faire marche arrière. C’était maintenant ou jamais. Tu étais de retour à Harvard
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