GWENALIAN ♦ what do you want ?

C'est foutrement bon, de revenir en tant qu'étudiante dans cet établissement, largement plus classe que les locaux du centre pénitencier de Boston. Je ne peux m'empêcher de penser à tous mes souvenirs de beuveries, de soirées défonces avec un léger sourire aux lèvres. J'ai certainement passé les meilleurs moments de ma vie entre ces murs, durant ces cinq dernières années, et j'attends de voir ce que me réserve cette sixième année, après trois mois derrière les barreaux. J'ai changé, j'ai grandi, je ne suis plus cette gamine insouciante qui préférait se mettre la race tous les jours pour fuir la réalité. Mais quand tu es forcée de regarder la réalité en face, enfermée dans une cage, tu sais alors que tu n'as pas besoin de toutes ces choses pour te sentir bien. Affronter mes démons et mes peurs n'étaient vraiment pas quelque chose de simple avant, loin de là.
En traversant les couloirs, un peu dans mes pensées, un mec venait à ma rencontre. J'l'avais jamais vu avant, je crois, ou bien il n'a pas marqué mon esprit. J'le regardais avec nonchalance. Ouais, c'est pour quoi ? La prison m'a enlevé toute humanité et tout mon côté empathique d'avant, faudrait que j'retravaille un peu là dessus.

Je savais qu'à force de faire la tête et de tirer la tronche, j'allais choper des rides, mais depuis une semaine je n'arrivais à faire que ça. La week-end dernier j'avais offert un week-end à Venise à Elysia, en amoureux, tout fier d'avoir du temps pour elle, et elle avait fait la tête presque tout le week-end, alors que je ne voyais pas où j'avais foiré mon coup. Du coup j'avais une tête de chien enragé depuis lundi, j'arrivais plus à boser, et Elysia ne me parlait plus, ne me disait pas ce qui n'allait pas, en affirmant que tout allait bien, qu'elle était "juste" fatiguée. Et même si je suis pas médecin, je me rendais bien compte que c'était pas la fatigue le problème, mais autre chose. Alors forcément, quand je vis du coin de l'oeil son ancienne colocataire, Géraldine, ou Gwendoline, ou un truc du genre, j'avais pas réfléchit deux secondes que déjà je fonçais vers elle.
Je me plantais devant elle, pour qu'elle s'arrête, et qu'elle me regarde. J'obtins pas un accueil hyper chaleureux, mais j'en avais rien à faire, si c'était une associable, elle allait faire un effort aujourd'hui, c'est comme ça, je l'ai décidé. T'es l'ancienne coloc d'Elysia toi, j'me trompe? balançais-je en l'observant. Y'a peu de chance que je me trompe, en fait.

J'ai jamais su comment ni pourquoi les gens venaient vers moi à chaque fois que quelque chose n'allait pas entre eux et une personne qui est proche de moi. J'veux dire par là que, j'suis pas la seule personne au monde à être proche de certaines personnes, du moins dont j'étais proches, puisqu'au jour d'aujourd'hui, il y a des chances que certaines personnes me tournent le dos pour être allée en prison. Le mec en face de moi annonçait directement la couleur, en me demandant si j'étais l'ancienne colocataire d'Elysia. J'haussais légèrement un sourcil, perplexe. Ouais c'est bien moi. J'imagine que t'es son mec... Je marquais un temps d'arrêt pour observer sa gueule de chien enragé avant de reprendre. ..ou son ex, vu la gueule que tu tires ? J'savais vraiment pas ce qu'il me voulait à cet instant précis, mais si c'était pour savoir si j'avais couché avec elle sous prétexte que j'suis gouine...je ne répondrais pas. Quel bon vent t'amène vers moi ? J'pense pas que la démarche soit anodine, j'me trompe ? lançais-je en glissant mes mains dans mes poches.

Cette fille, dans ma tête, n'était pas du tout le cliché de la citadine New-yorkaise à auquel j'étais habitué : ces jeunes femmes, avec un port de tête royal,  à l'allure féline, droguée à la caféine, et tout dauphine des Miss. J'aurais aimé voir la tête de cette Gwendoline ou je sais plus quoi dans ma limousine, en train de faire un tête à queue dans un ciruit automobile : à coup sûr, elle n'en avait jamais vécu. Elle n'était pas ton mon cercle habituel de fréquentations : pas une grosse tête, pas de plats de langoustine en guise de petite déjeuner : et pourtant, elle seule pouvait éclairer la lanterne au dessus de ma tête. J'avais bien envie de suggérer à cette nana d'aller se faire voir après son commentaire sur le manque de vitamine évident ces derniers jours vu ma tête, mais je me retins. "Ouais c'est ça, j'suis son mec, t'es fine toi. " Ou pas, elle avait une tête d'endormie aussi, mais j'allais pas faire le difficile pour mes infos. Sous son air de fille inhumaine à la tête de bouledogue, elle était malgré tout pas malpolie puisqu'elle me demanda ce qui m’amenait. " En effet, je pense que tu vas pouvoir m'aider.. Je sens Elysia mal en ce moment, mais je comprends pas mes erreurs. Elle veut plus me parler, mais ne fait pas la gueule.. tu as une idée de ce qu'il lui arrive? " Demandais-je d'un sérieux, hochant doucement la tête.