Matthéo & Shannon.

Matthéo & Shannon
il y a des choses que l'on ne s'explique pas...

Vêtue d'un petit short rose, je dévale les marches de l'Eliot House pour trouver quelque chose à manger. Mon estomac crie famine depuis de nombreuses heures déjà, j'ai essayé de l'ignorer pour me concentrer sur cet album photo que je confectionne soigneusement dès que j'ai un peu de temps libre, mais je ne peux continuer sans avaler un croissant. Je salue poliment les autres résidents présents aussi dans la cuisine, et je me dirige avec grâce jusqu'à la cafetière. Je verse un petit peu de ce liquide brun à l'odeur particulièrement agréable dans une tasse et dans le placard au dessus de l'évier je m'empare d'un sucre que je laisse fondre dans mon café fumant. Ma main s'empare d'une viennoiserie tandis que mon esprit est interpellé par quelques bribes de conversations. Deux magnifiques Eliot discute de la soirée de la veille et c'est un prénom qui retient mon attention. « Les Mathers étaient dans un état pitoyable et Matthéo Silver ne semble pas prêt d'arrêter de boire, il semblait totalement à côté de ses pompes... Enfin qui sait s'il n'a fait que boire... » Ma gorge se noue. J'ai envie de leur jeter ma tasse au visage mais je me retiens. Cette guerre entre les deux confréries est tant ancrée que je risque peut-être bien ma place en prenant la défense d'un de ceux du camp adverse. Je pianote sur mon téléphone. ' Dans une heure, ma chambre à l'Eliot. Bisous '. Court, succins, efficace je l'espère. Du coup je prends une petite assiette et j'y dépose plusieurs croissants, au cas où mon futur invité ait un petit creux après sa soirée arrosée. « Il paraît même qu'il a fricoté avec... » Je fuis la cuisine avant d'entendre la fin de cette phrase, elle me fait déjà bouillir assez de la sorte. Je ravale ma salive, orne mon visage de mon plus beau sourire, et remonte dans ma chambre sans attendre... La patience n'est pas mon plus grand fort... J'espère simplement que Matthéo verra mon sms malgré sa potentielle gueule de bois.

Spoiler:

Ma vie tourne en rond ces derniers jours, mon existence est un grand fardeau que je n'ai même plus la force de porter de façon normale, non ma vie est retombée aux oubliettes, comme un Mather digne de ce nom, les soirées sont redevenues mes passions favorites et l'alcool et la drogue mes meilleurs amis. Je me renferme un peu plus chaque jour dans ce mal être qui m'envahit depuis l'annonce de la mort de ma jumelle, j'ai mal au coeur, j'ai le souffle coupé, tout a déraillé dans ma vie et je me demande encore comment certaines personnes arrivent à me supporter.
Je suis allongé sur mon lit comme souvent, quand mon portable se met à vibrer, Shannon, ou une amie proche de ma défunte soeur, elle est toujours là pour moi depuis ce jour et je sais qu'elle souffre autant que moi, je voudrais l'aider à faire son deuil mais au final peut être que je la fais sombrer plus qu'autre chose. Son message est direct, je comprends alors qu'il faut que je me dépêche pour avoir lair un minimum présentable dans une heure. Une douche froide rien de mieux contre une gueule de bois et un mal de crâne indescriptible, puis rapidement un tee shirt et un chino, en avant pour la Eliot house. Il faut avouer que ce n'était pas le lieu que je fréquentais le plus, d'ailleurs je ne savais pas comment passer dans la salle commune sans me faire griller, mais peu importe, affrontant le torse bondé, la tête haute, ils me regardaient et des FUCK résonnaient dans ma tête. Frappant alors à la porte de Shannon, j'attendais qu'elle ouvre pour enfin souffler et pouvoir être moi même, les messes basses ne s'étaient pas arrêtées depuis que j'avais franchi la Eliot House mais après tout si ils n'avaient pas de vie autant qu'ils parlent de la mienne.

Matthéo & Shannon
il y a des choses que l'on ne s'explique pas...

Je croque dans mon croissant, et doucement, je parviens à calmer les ardeurs de mon estomac. C'est une bonne chose, à présent seul mon cerveau bouillonne. Je me sens tellement impuissante. Je vois et j'entends les déboires de Matthéo, il s'enfonce petit à petit dans cette destruction de lui-même, j'aimerai l'aider, pour lui, pour Maëva et aussi un peu pour moi, mais je me sens tout simplement inutile. La morale il ne l'écoute pas, les conseils il n'en prend pas note, et la douceur ne marche pas non plus... D'habitude les causes perdues m'agacent et me lassent, pourtant, cette fois-ci je refuse de renoncer. Je sais que le chagrin que j'ai depuis la mort de mon amie n'est rien en comparaison du sien. Elle était sa jumelle, sa moitié. Et elle a laissé un trou béant dans sa poitrine, que j'essaie au mieux de cautériser. Un petit bruit se manifeste sur la porte, prise dans mes rêveries, le temps est passé relativement vite et alors je me lève brusquement, repousse ma longue chevelure brune en arrière et entrouvre la porte. Il se tient là, devant la porte, le visage vidé de tout bonheur, je ne le connaissais pas vraiment beaucoup avant la mort de sa sœur, mais je peux tout de même me souvenir de ce sourire qui lui allait si bien. « Entre. » Dis-je en me décalant de la porte, laissant sa silhouette pénétrer dans ma chambre avant de refermer la porte sur les chuchotements agaçants des autres Eliots. « Je suis contente de te voir. » Et c'est vrai. Quand il est là, je me sens en quelques sortes plus apaisée sans vraiment pouvoir l'expliquer. Je me dirige vers le lit, m'y laisse tomber et tapote le matelas pour l'inviter à m'y rejoindre. « Je ne te demande pas si ça va bien... » Je le fixe, quelques secondes, ses traits parfaits ont l'air si triste. Sa peau a perdu tout son éclat, sûrement à cause des cuites à répétition... « Tu as passé une bonne soirée hier j'ai entendu dire... » Commençais-je pour entamer la conversation...

C'est seulement quelques secondes plus tard que je vis la porte s'entrouvir, laissant se découvrir le visage de Shannon. C'était étrange pour moi mais surement pour nous en réalité de commencer à se fréquenter maintenant que Maéva n'était plus là, je savais parfaitement que j'avais besoin de Shannon et qu'elle avait besoin de moi. Rentrant dans la chambre de l'Eliot, je ne me sentais pas réellement à l'aise dans cette atmosphère bleu depuis mon arrivée dans la salle commune. Lu faisant la bise, je l'écoutais avant de comprendre que tout le monde devait être au courant de ma soirée passée, mémorable pour les autres, car je ne me souvenais pas grand chose en réalité. Et bien je vois que les nouvelles vont vites ... Mais tu crois pas toutes les rumeurs j'espère, tu me connais un peu quand même ... Et toi comment se passe ton retour aux sources ? dis je en lui lançant un clin d'oeil taquin avant de sortir une photo de mon sac de Maéva et Shannon. Cadeau, j'ai retrouvé ça dans ses affaires quand je suis rentré un peu à Londres ...

Matthéo & Shannon
il y a des choses que l'on ne s'explique pas...

« Et bien je vois que les nouvelles vont vites ... Mais tu crois pas toutes les rumeurs j'espère, tu me connais un peu quand même .. » Je le scrute, inlassablement. Mes yeux virevoltent sur les courbes de son visage, et se perdent sur le grain de sa peau, mais je me reprends rapidement. Avant qu'il n'arrive, je voulais simplement lui faire la morale, ne serait ce parce que je m'inquiète sincèrement pour lui mais à présent qu'il est si près de moi, que sa douleur se lit aisément sur son visage, je me ravise. Je ne me sens pas capable d'en rajouter. Mes doigts caressent machinalement son avant bras, tandis que je hausse les épaules. « Sacrées rumeurs, elles s'acharnent sur toi cette année... » Dis-je sur un ton peu convaincant. Mais je n'en dis pas plus, je ne m'aventure pas à chercher des explications, parce qu'il n'a pas besoin de parler. Je sais. Je vois son désarroi. « Et toi comment se passe ton retour aux sources ? » Je me sens un peu dépaysée. Les choses ont tellement changés ces derniers mois qu'il est difficile de faire ses marques de nouveau... Ma main glisse finalement dans la sienne, nos doigts s'entrelacent. J'ai besoin de ce contact, j'ai besoin de sentir sa peau, cela rend les choses moins effrayantes. « Et bien ça se passe... » Dis-je simplement avant qu'il ne se penche pour attraper quelque chose, brisant le contact de nos mains. Une photo sur papier glacé est à présent le centre de mon attention. Je reconnais nos visages amusés, cette photo date de quelques mois déjà, mais ce souvenir est encore si présent dans ma mémoire. Je m'en empare, et la regarde un instant. Son visage, son sourire, ses traits parfaits me manquent. Je me rend alors compte que le trou béant dans ma poitrine ne s'est pas refermé... Pas du tout. Je relève les yeux vers Matthéo. La ressemblance est frappante. J'ai envie de lui sauter au cou, de le serrer contre moi comme pour me rapprocher un peu de sa défunte sœur. Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres, nos regards intenses ne se lâchent plus, et une perle salée dévale mes joues... « Elle me manque... »

Les rumeurs n'étaient pas ce qui me faisait le plus peur, j'étais loin d'être quelqu'un d'exemplaire et de toute évidence je n'avais jamais cherché cela, j'étais du genre de mec à ne pas croire à la perfection, à l'amour éternelle, tout se rompt un jour. Souvent je me demandais comment je pourrais vivre sans la présence de mes amis à mes côtés ? Et pourtant je savais qu'un jour ils ne seraient plus là et qu'il faudrait que j'avance tout seul, et à présent sans ma soeur. Sans réelle saveur, elle avoue que la rentrée se passe, banalement, machinalement, comme une suite de chose normal, je la regarde alors, sentant ses doigts entourer les miens, la prenant dans mes bras, nos corps se frôlent, posés l'un sur l'autre je peux sentir les battements de son coeur. M'écartant, pour sortir la photo pour ensuite lui tendre, rapidement des larmes coulent le long de sa joue frêle et pâle, essuyant les larmes du bout des doigts, je déteste la voir de la sorte. Mais elle voudrait que tu continues à avancer Shannon .... et si tu veux tu sais que je serais toujours là pour toi quoi qu'il arrive ...