TAMSIN B. WATTS ► Selena Gomez.

« T'es malade ! Tu le comprends pas ?! » je fronce les sourcils, j'avais du mal à comprendre sa colère. Je ne comprenais la colère de personne en fait, si moi je le vivais bien, pourquoi les autres ne pourraient pas en faire de même ? Je lui souris, et passe ma main sur son épaule doucement, essayant d'être rassurante. « je sais que je le suis papa.. mais je vais bien. » il soupire, roule des yeux et tape violemment contre la table. « NON ! Non, tu vas TOUT sauf bien ! » dans une famille riche, c'est pas un drame d'être malade, dans une famille pauvre, ça annonce la mort, et puis il y a les familles comme nous. Ni riche, ni pauvre, une sorte d'entre deux. On peut dire que dans une famille comme la notre, la maladie c'est quelque chose pour laquelle on peut espérer guérir, mais qu'il faut quand même se préparer psychologiquement au pire. On est assez riche pour payer les traitements, les petites interventions, mais on ne peut pas payer la guérison. Mon père s'est déjà ruiné en voulant avoir l'avis de plusieurs médecins. Il n'y croyais pas, au début, il se disait que c'était pas possible, que ça pouvait arriver à n'importe qui mais pas à moi. Pas à sa petite fille adorée, pas à moi.

 La maladie, c'est pas quelque chose qui frappe avant d'entrer. La plupart du temps, on ne la vois pas venir, elle est calme, douce, et elle s'installe. Elle ne demande pas la permission, elle ne prends pas compte de votre âge, de votre vie, de votre manière de penser ou de vos rêves, elle se moque même de votre religion. Un matin, vous vous réveiller et surprise, vous êtes malade. On apprends à vivre avec, on apprends à faire avec. On apprends qu'on va en mourir, aussi. C'est à ce moment là que votre famille explose, qu'elle se met en colère et qu'elle vous surprotège. Mon père m'a protéger toute ma vie, je suis fille unique et ma mère nous a laissé quand je suis née. Non j'exagère. Elle est restée quelques mois. Mon père me répète souvent que je suis la plus belle chose qui lui soit arrivée, mais je sais qu'il ment. Sa plus belle chose, c'était ma mère. Il est encore fou d'elle, et je ne comprends pas pourquoi, surtout alors qu'elle l'a abandonné.

 J'aimerais dire des belles choses comme parler de la journée avant d'apprendre la maladie, ou bien même la manière dont je vis différemment, mais il n'y a rien de tout ça. Rien du tout. Avant d'apprendre la maladie, j'allais bien, et maintenant, je me sens bien aussi. Rien n'a changé, ni dans ma tête, ni dans ma vie. Je sais que je vais mourir, mais n'est-ce pas le cas de tout le monde ? Je sais comment je vais mourir, c'est une information de plus sur ma vie, c'est tout. Vous, par exemple, vous pouvez très bien mourir demain en vous faisant écrasé par un bus. J'aurais vécu plus longtemps alors que je suis malade. Les gens ont de la pitié, parce que je suis malade mais il y a aucune raison d'en avoir. Je vis normalement, avec des médicaments.

« tu devrais arrêter de travailler et juste.. profiter de moi. » je lui souris, mais il est préoccupé. Il fais ses comptes, comme d'habitude, alors que je m'assois sur le plan de travail. « papa, tu m'écoute ? » il soupire et relève la tête, « je t'entends, mais j'ai pas envie d'écouter ça. » je pique une gorgée dans son verre de jus, et poursuit « pourquoi tu fais tout ça si tu sais que je vais mourir ? J'veux dire, c'est gentil mais.. on devrait pas plutôt prendre du temps ensemble ? » il secoue la tête, je sais bien ce qu'il pense. Il veut que j'arrête de dire tout ça, de venir l'embêter dans ses comptes. Vous savez pourquoi il compte ? Pour m'offrir une greffe. J'en veux pas, de greffe. « j'veux prendre du temps avec toi plus tard, quand je saurais que tu sera en bonne santé. Je veux te voir te marier, avoir des enfants, je veux que tu connaisse tout ça. Alors laisse moi faire mes calculs et va faire tes devoirs. » je descends de la table et monte dans ma chambre. C'est ça, l'héritage de ma mère. Des calculs d'argent, des boulots triples et des boulots au noir, et puis une maladie du cœur.

Ça m'empêche pas de vivre. Mon père dis que je suis inconsciente, mais s'il me reste peu de temps à vivre, autant le vivre à fond, non ? Alors oui, j'ose et je prends des risques. Je m'occupe de moi, je me fais belle, je vais aux soirées organisées par les autres. Je bois, je suis fêtarde, c'est comme ça que je le vis. Je veux vivre tout ce qui est possible de vivre, faire des sauts en parachute, connaître l'angoisse, la passion, l'horreur et l'amour. Je veux ressentir tout ça. Je vis peut-être plus vite que les autres mais je ne veux rien manquer. Je veux voir des couchers de soleil, et même pourquoi pas carrément des levés, connaître les constellations et m'endormir devant, dans le froid. Je veux vivre comme dans un film -sans la liste de chose à faire avant de mourir-. Je trouve ça débile, une liste. Une liste pourquoi faire ? Se souvenir des choses qu'on aura raté ? Celles qui ne seront pas cochés ? C'est pas ce que je souhaite. J'aimerais juste vivre des choses que jamais j'aurais espéré vivre.

On passe notre vie entière à s’inquiéter de l’avenir, à faire des projets pour l’avenir, à essayer de prédire l’avenir... Comme si savoir à l’avance pouvait amortir le choc. Mais l’avenir change constamment. L’avenir est le lieu de nos plus grandes peurs, et de nos espoirs les plus fous. Mais une chose est sûre : quand finalement, il se dévoile... l’avenir, n’est jamais comme on l’avait imaginé.