alexander ✗ for you I'll try to be gentle

Les journées filaient les unes après les autres, les vacances étaient définitivement terminées. Caym ne détestait pas les cours, au contraire, elle aimait apprendre, et au moins, pendant ce temps là, elle apprenait également à se taire. Ce jour-là, après son dernier cours, elle était montée en haut du bâtiment dans lequel elle avait cours pour chercher un projet qu'elle avait laissé dans l'une des salles qui étaient vides, à cette heure-ci, et ne tarda à en redescendre, son dossier rangé dans son sac. Sûrement allait-elle rentrer chez elle, et se préparer pour sortir un petit peu après. Ses talons claquant sur les escaliers qu'elle descendait, elle devait sûrement faire plus de bruit qu'un régiment, étant donné que tout les sons se reproduisaient en écho. Mais alors qu'il lui restait encore un étage à descendre, elle remarqua qu'elle n'était pas seule, dans cette cage d'escalier vide au vu de l'heure tardive. Quelqu'un était là, assit sur les marches. Caym s'arrêta un instant, et réfléchit quelques secondes, avant de le reconnaître. « Alexander? » Elle ne s'attendait pas vraiment à le trouver ici, mais lui n'avait pas l'air particulièrement en forme. Bien qu'elle éprouvait un sentiment de méfiance à son égard, elle n'avait jamais été cruelle. Caym descendit encore quelques marches, avant de se retrouver sur le palier, et de se retourner vers lui.

La rentrée. C'était une période de l'année que j'aimais en temps normal. On reprenait nos habitudes à Harvard, on repeuplait les bâtiments de nos confréries, on préparait les présidentielles, le Housing Day. Ouais, c'était une super période. Sauf que non, je peux pas apprécier quand je viens d'apprendre que mon meilleur ami est mort. J'ai assisté à mon premier cours et j'ai détesté. J'ai détesté au point que dès que ce fut fini, j'étais le premier à passer la porte pour m'engouffrer dans le couloir. La première cage d'escaliers que je croisais était mienne, je ne pouvais pas supporter d'être face à tous ces étudiants si.. rha, ils m'énervaient tous. Je me posais sur les marches, foutant mon visage dans mes mains et je restais comme ça pendant un moment, avant de finir par entendre mon prénom. « Alexander? » Je ne bougeais pas, j'avais reconnu la voix d'une Eliot, Caym. On s'était parlé une fois, sans savoir nos maisons respectives, et depuis on se méfiait un peu l'un de l'autre. C'était assez étrange d'ailleurs comme relation. Enfin. « C'est moi. » Je savais pas où elle était, ce qu'elle faisait, si elle me regardait. Je restais juste là, le visage dans les mains à faire mon putain de deuil.

Caym était le genre de fille qui habituellement, ne se souciait de personne d'autre que les personnes dont elle était particulièrement proche. Elle ne se mêlait pas aux problèmes des autres, pour ne pas s'en rajouter à elle-même. Et dieu sait qu'elle était particulièrement bonne pour se mettre dans tout un tas de situations. « C'est moi. » Bien entendu qu'elle savait que c'était lui, il n'avait pas tellement à le confirmer que cela lui paraissait déjà logique. « Y'a quelque chose qui va pas, pas vrai? » Dans la suite des faits logiques, Caym avait décroché un beau lot. Cela dit, elle ne s'attendait pas à recevoir une réponse de la part de l'ex-président mather. Ce n'est pas comme s'ils étaient amis. Certes ils savaient quelques choses sur l'un et l'autre, suite à une discussion réalisé dans des circonstances particulières, mais ils se méfiaient l'un de l'autre, en aucun cas il n'y avait de confiance établie entre eux. Et Caym n'était pas attentionnée. Elle ne faisait qu'énoncer des faits, ne s'attardait pas sur les détails. Pourtant, elle n'avait pas tourné les talons. Elle était toujours face à lui, malgré qu'elle soit debout et lui toujours assit.

Cette semaine débutaient les cours et j'avais tenté d'assister à l'un d'entre eux. Ils n'étaient pas obligatoire, c'était surtout de la remise à niveau pour ceux qui avaient perdu toutes leurs connaissances en trois mois de vacances. Et j'avais voulu y aller pour me remettre dans le bain des études : mauvaise idée. J'avais encore en tête l'enterrement d'Hendrix, des pleurs, de la douleur visible sur le visage de tous ses proches. J'avais du mal à m'en remettre, clairement. « Y'a quelque chose qui va pas, pas vrai? » Caym, l'Eliot à qui je m'étais confié une fois, sans savoir qu'elle était Eliot. Je sais pas pourquoi elle s'était arrêtée, elle aurait très bien pu continuer son chemin. Faut croire que c'était "fun" de voir un mec mal en point dans la cage d'escaliers d'Harvard. « Bravo Sherlock. » Je ne voulais pas être méprisant mais si je me trouvais là, c'était bien parce que je voulais éviter de parler au premier venu. Je relevais le regard pour la regarder, l'air désolé. « J'suis pas d'humeur pour une discussion pleine de piques, de mépris et tout le reste. Alors si t'es là pour ça, tu peux passer ton chemin. »

« Bravo Sherlock. » Si la réplique l'avait légèrement agacée, elle ne le faisait pas paraître. Elle supposait qu'il préférait rester seul, bien entendu, mais ne pouvait réellement se résoudre à s'en aller. Par curiosité, peut-être. Ou peut-être parce qu'elle prenait conscience de certaines choses. « J'suis pas d'humeur pour une discussion pleine de piques, de mépris et tout le reste. Alors si t'es là pour ça, tu peux passer ton chemin. » Tout le monde connaissait Caym, sa façon d'être arrogante, de se prendre la tête pour rien, et de ne simplement pas supporter la compagnie humaine. Détournant le regard vers les escaliers qui descendaient plus bas, elle prit alors la parole. « Ce ne serait pas correct de ma part, et je n'y trouverais aucun intérêt. Je peux me montrer parfois un peu trop insistante sur ma manière de lancer des piques, mais en aucun cas je ne le ferais devant quelqu'un qui n'a pas la tête à ça. » Elle se retint d'ajouter le fait qu'elle n'aurait aucune pitié à le faire devant quelqu'un qu'elle haïssait de tout son coeur et de toute son âme, mais ç'aurait été trop en dire. C'était même étonnant de sa part de dire ce genre de choses; prenait-elle conscience de sa façon de jouer son rôle? Ou simplement, elle ne pouvait se résoudre à jouer avec les sentiments et les humeurs des autres. Et puis, si elle se méfiait d'Alexander, elle n'éprouvait pas de haine à son égard, ou pas de sentiment de "violence" comme elle nommait parfois cela. Et puis, « Jamais personne n'est devenu fort en désignant la faiblesse des autres. »

Depuis que j'avais appris qu'elle était Eliot, je m'en méfiais clairement. Après tout, j'avais déjà vu ce que ça pouvait donner une amitié naissante entre un Eliot et une autre personne. On se confie, on dit des trucs et puis l'Eliot trouve le moyen de tout foutre en l'air en révélant les confidences à pleins de gens. Et ça se finit à l'hosto, avec pleins de blessures et de rancoeur. Je ne voulais pas ça pour moi et je m'en protégeais quoiqu'il arrive. « Ce ne serait pas correct de ma part, et je n'y trouverais aucun intérêt. Je peux me montrer parfois un peu trop insistante sur ma manière de lancer des piques, mais en aucun cas je ne le ferais devant quelqu'un qui n'a pas la tête à ça. » Je haussais les épaules, ne changeant pas vraiment de position. Quoiqu'il en soit, elle n'avait pas l'air de vouloir bouger. Ma compagnie lui plaisait ? Faut croire. Mais moi j'étais clairement pas d'humeur à taper la discut comme ça, surtout avec elle alors il fallait que je lui fasse comprendre encore plus clairement qu'elle devait partir, et plus vite que ça. « Dans ce cas-là, je vois pas pourquoi t'es encore là. » Aller quoi, laisse moi tranquille, alone, que j'puisse aller mal en paix.

Lorsque l'on planche dans la solitude, il est très rare de développer une personnalité semblable à l'image que l'on tente de renvoyer. C'était bien le cas pour Caym, dont la prétention avait une sacrée limite, comparée à l'image qu'elle renvoyait d'une fille plus prétentieuse que jamais. Et ses multiples facettes l'avaient condamnée à n'être vue par les autres que comme une fille qu'il fallait éviter. C'était ce qu'elle recherchait, cela dit. Mais pourtant, elle n'en restait pas moins humaine. Avec un coeur, même s'il était de pierre. Et des évènements qu'elle connaissait, qu'elle avait traversé. « Dans ce cas-là, je vois pas pourquoi t'es encore là. » Il n'y avait on ne peut plus clair. Il voulait qu'elle s'en aille. En temps normal, elle n'aurait pas hésité à tourner les talons, tout en se mordant la lèvre inférieure par agacement d'avoir été virée. « Et moi je vois pas pourquoi je partirais. » Son ton n'était pas réellement distinct, il était aussi ferme qu'il pouvait presque donner une impression plus sereine. Même elle se surprenait de ce qu'elle disait, en réalité. Mais elle ne voulait pas, elle ne pouvait simplement pas. Ce n'est même pas comme s'il était l'un de ses amis. Pourtant, elle ne pouvait simplement se résoudre à laisser tomber si facilement, si vite. Ah oui, la situation dans laquelle elle était n'était pas des plus simples. Cela dit, cela lui rappelait le jour où elle avait apprit qu'il était mather. Suspicion, déception, interrogation. Et d'autres milliers de mots qui décrivaient son incompréhension des choses. Elle avait le choix. Mais elle avait déjà fait le sien.

Tout ce que je recherchais en était dans cette cage d’escaliers, c’était de me retrouver seul avec moi-même. Pas avec mes meilleurs amis, encore moins mes amis et encore encore moins avec les personnes dont je me méfiais comme de la peste. C’est-à-dire comme Caym. J’avais eu un mouvement de recul quand j’ai appris qu’elle était Eliot, me disant alors que je m’étais confié à elle sans vraiment savoir qui elle était. C’était un acte irréfléchi de ma part, vraiment, et je me devais de faire plus attention à présent. Je ne voulais pas me retrouver dans une situation délicate sous prétexte que je suis pas assez méfiant envers les personnes qui m’approchent. « Et moi je vois pas pourquoi je partirais » Je soupirais, elle allait vraiment faire ça ? Rester pour faire chier son monde ? J’espérais vraiment qu’elle allait se raviser parce que je ne me voyais vraiment pas taper la discut avec elle en ce moment précis. « Bon bah dans ce cas-là, c’est moi qui me barre. » Je n’avais pas vu d’autre solution que de prendre la fuite. Je n’avais pas envie, vraiment pas, de m’ouvrir à elle. Elle faisait partie des personnes à faire attention dans cette université, par sa présence chez les Eliots principalement. Je m’étais redressé et j’étais monté un palier au-dessus pour m’assoir à nouveau sur les marches, espérant vraiment qu’elle n’allait pas me suivre. Après tout, je lui faisais bien comprendre que j’avais pas envie de compagnie et si elle ne le comprenait pas tout de suite, j’allais me mettre sérieusement à douter de ses capacités à être dans une école comme Harvard.