(+ Théo) Lost in all of our vices

 L'été était passé en un clin d'oeil, son retour lui semblait appartenir à hier. A contempler ainsi le campus qui l'avait adopté, la Rousse avait le sentiment de ne jamais avoir quitté le continent américain et sa prestigieuse université, berceau de ses ambitions les plus nobles comme les plus sombres. Une légère brise balayait les mèches cuivrées de la nouvelle Dunster tandis qu'elle déambulait sur ce qu'elle considérait comme son territoire, se rendant dans le hall de l'université, elle s'apprêtait à résoudre les derniers détails de sa rentrée. Une fois dans le bâtiment, elle réalisa la chance qu'elle avait d'être ici, de faire cette rentrée avec son frère, son double également. Comme un nouveau départ faisant suite aux ruines de son propre chaos. Elle était ainsi toute perdue dans ses pensées lorsqu'une silhouette se découpa dans son champ de vision. Machinalement, les prunelles d'argent se posent sur la personne en question. Un sourire en coin étire ses lèvres en reconnaissant l'Australien (oui oui) qui partage avec elle les bancs de médecine depuis sa première année. « Tiens mais voilà l'adorable et gentil Théophyl. » Elle jubile, la malheureuse. « Je vais donc te retrouver pour cette nouvelle année? » Elle sourit presque heureuse de le revoir malgré l'agacement que sa perfection provoque sur sa petite personne dévastée. Toujours attaquer en premier, c'est la règle.

 Me passant une main derrière la nuque, j'observais mes alentours avec appréhension. Une nouvelle année commençait et j'allais devoir me la coltiner sur le campus au lieu de la profiter comme il se devait dans un pays étranger à aider des pauvres petits malheureux. Bon d'accord, la bière et les jolies femmes auraient fini par bien me manquer mais pour se racheter une conduite il fallait bien réaliser quelques sacrifices. Total, je me retrouvais donc dans un bâtiment sans couleurs, à encore contempler mon interminable indécision pour savoir si je devais aller à droite ou à gauche, n'ayant envie de rien du tout pour le coup. Et ce fut finalement après avoir décidé de me rendre aux lieux d'aisances qu'une voix m’interpella, me sortant de mes pensées comme jamais. « Tiens mais voilà l'adorable et gentil Théophyl. » Me détournant, je fis face à mon interlocutrice en croisant mes bras sur ma poitrine. Je me trouvais finalement face à une Dunster, aussi rousse que mignonne. « Zoïa, quel plaisir de pouvoir te contempler en cette magnifique journée. » Je réalisais alors un sourire limite hypocrite mais charmeur dans sa direction tout en plissant les yeux, perdu dans ma contemplation. Je ne me comportais absolument pas ainsi car que je n'aimais pas la jeune femme, au contraire, car j'avais plutôt le sentiment qu'entre elle et moi il existait une relation aussi proche que celle entre un chat et une souris. « Je vais donc te retrouver pour cette nouvelle année? » Elle m'en lançait une bonne et une si facile, que ma petite répartie ne put s'empêcher de riposter. «  Ça dépend, as-tu envie de m'avoir à tes côtés ? » Je pris alors appui contre un mur se situant non trop loin toujours en l'observant. Je n'aurais su dire pourquoi mais quelque chose chez l’intellectuelle m'intriguait. « Alors, comment se sont passés tes vacances ? ..Et ne me dit pas uniquement que bien, j'aimerais des détails s'il-te-plaît, et des croustillants.» Je souriais alors de toutes mes dents, presque fier de moi.

C’était étrange de recroiser ici un de ses plus anciens camarades. Elle s’était appliquée à ne pas trop lui parler pendant le Summer Camp mais le simple fait de le revoir ici lui donnait comme une impression que rien n’avait changé. Elle était pourtant loin du compte. Fataliste, elle hausse les épaules quand il lui annonce une journée magnifique. « Une journée ne peut être que belle quand je suis dans les parages voyons. » Ses prunelles claires se posent sur la silhouette masculine, taquine, si bien qu’on ne sait jamais vraiment si la Rousse est sérieuse ou fait preuve de sarcasme. Cultiver le mystère est plus qu’un art, c’est un mode de vie. Elle observe Théo tandis qu’il se pose contre un mur non loin de là et fait mine de réfléchir à sa question. « Pourquoi pas ? Tu n’es pas désagréable à regarder même si tu m’ennuies la plupart du temps. » Ses traits s’emplissent de malice, elle aime à le provoquer, à remuer cette perfection apparente pour découvrir ce qui se cache derrière. « Des croustillants, vraiment ? » Son index se pose sur ses lèvres avant d’encercler sa mâchoire. « Ta vie sentimentale est donc si plate que tu as besoin de savoir les détails de la mienne ? » Un sourire en coin étire ses lèvres mutines. La dernière fois qu’elle a eu de ses nouvelles, il était posé et presque marié à la présidente Cabot, jeune femme aussi belle que sans intérêt ou du moins aux yeux cruels de la Glaciale.

 Passes ton chemin rouquine, y'a de plus belles têtes à aller contempler ailleurs ! Évidemment, si jamais l'impolitesse faisait partie intégrante de mon caractère, cela aurait été probablement ce que j'aurais pu dire à Zoïa, après qu'elle se soit approcher de ma personne. Malheureusement, je préférais plutôt l'écouter, réalisant des sourires mi-figue mi-raisin dans sa direction. « Une journée ne peut être que belle quand je suis dans les parages voyons. » Quelle modestie ! Je réalisais alors un petit mouvement de tête, comme si je la saluais avec un sourire. Un homme ne contredisait pas une femme, surtout quand celle-ci faisait allusion à sa beauté, par ironie ou pas. En revanche, un trait de mon caractère était l'ironie, et la jeune Dunster ne tardait déjà pas à en faire les frais. « Pourquoi pas ? Tu n’es pas désagréable à regarder même si tu m’ennuies la plupart du temps. » Cette fois-ci, je fronçais les sourcils avec un sourire amusé. « Tu ne t'es jamais dit que c'était parce que tu étais le genre de personne qui ne vaut pas la peine qu'on amuse ? » Je souriais encore plus, prêt à attaquer au quart de tour, m'amusant aussi à la taquiner, provoquer et j'en passe. « Des croustillants, vraiment ? Ta vie sentimentale est donc si plate que tu as besoin de savoir les détails de la mienne ? » Cette fois-ci, ce fut un rire franc et sincère qui s'échappa de ma gorge tandis que celle-ci s'étirait vers l'arrière. Je faisais mine de m'essuyer une larme imaginaire au coin de l’œil quand mes paroles volèrent depuis ma bouche. « C'est exactement ça...Zoïa. » J'avais alors prononcé son prénom avec un petit rictus moqueur avant de reprendre. « Je ne suis qu'un pauvre garçon solitaire qui n'a plus rien à raconter depuis longtemps. Cependant...toi ? » J'émettais un sifflement à l'aide de mes lèvres avec l'accompagnement d'un sourire. « Tu es très intéressante et ta vie sentimentale semble l'être aussi. » J'attendis un peu, avant de songer à lui proposer de se rendre ensemble à notre premier cours de la matinée.

 Zoïa se réjouissait, finalement il se défendait un minimum face à l’attaque. Le fait qu’il le fasse avec finesse et ironie ne lui convenait que davantage. « Tu ne t'es jamais dit que c'était parce que tu étais le genre de personne qui ne vaut pas la peine qu'on amuse ? » Un sourire moqueur ourla ses lèvres tandis que ses pupilles limpides le scrutait. « Tu ne t’es jamais dit qu’on pouvait parfois être surpris d’une personne ? » Cela valait pour elle mais aussi pour lui, car oui quelque chose avait changé chez le spécimen Cameron depuis la dernière fois qu’elle l’avait quitté. Le gentil garçon posé semblait avoir laissé place à un homme plus ténébreux. Lorsqu’il se décrivit comme solitaire, elle haussa les épaules comme désabusée. « Mais voyons, tu n’as plus à tes côtés cette si jolie et gentille Cabot qui s’accordait si bien avec ta vie parfaite ? » Elle se mit à rire légèrement, se doutant de la réponse. Quelque part, cela lui plaisait. A ses yeux, Théo n’avait jamais été si ennuyeux qu’avec cette fille. La Solitaire leva finalement ses yeux en l’air lorsqu’il se répandit en fausses flatteries. « Peut-on vraiment parler du chaos ? » Parce que sa vie sentimentale ressemblait un peu à ça, aussi intense qu’éphémère, mais ne vous détrompez pas, c’était un choix librement assumé. « Je ne pense pas que ce soit très intéressant à expliquer. » ajouta-t-elle avec un sourire complice. Non vraiment, ça se passait de mots.

 
« Tu ne t’es jamais dit qu’on pouvait parfois être surpris d’une personne ? » Mon regard croisa alors le sien et un sourire sous forme de rictus se dessina sur mes lèvres. Je n'avais pas spécialement conscience de ce à quoi la jeune femme jouait en ma présence mais je trouvais qu'en découvrir le sens était une tâche assez intéressante. De ce fait, je plissais un peu les yeux en entendant sa phrase..Et non ma belle, la répétition n'est pas forme de répartie, mais bon. « Peut-être bien..Tiens c'est vrai qu'en y pensant, je te verrais bien pleine de surprise. » J'haussais alors les sourcils d'un geste qui se voulait similaire à celui d'un crâneur inné alors qu'elle poursuivait:  « Mais voyons, tu n’as plus à tes côtés cette si jolie et gentille Cabot qui s’accordait si bien avec ta vie parfaite ? » C'était moi ou cette phrase était emprunte à une ironie bien révélatrice ? J'hochais alors doucement la tête en la fixant toujours. « Non, c'est fini. Et il semblerait que nous n'avons pas le même sens du mot ''parfait'' à notre disposition. » Depuis longtemps même notre histoire s'était terminée et rien n'avait été parfait, au contraire, surtout encore plus depuis que j'avais perdu la mémoire et que je ne m'étais plus du tout souvenu d'elle. La chose était que je connaissais mon histoire mais que Zoïa n'avait pas besoin de la connaître, d'autant plus après le petit rire qu'elle avait laissé échapper. « Peut-on vraiment parler du chaos ? Je ne pense pas que ce soit très intéressant à expliquer. » Je réalisais alors une mimique assez spéciale et comique tandis qu'une réplique toute faite me montais subitement aux lèvres. « Je pourrais t'aider à résoudre ce chaos sans aucun soucis, si tu veux. » Évidemment, là je prenais un gros risque. Comment dire qu'en moins de deux, elle pouvait littéralement m'envoyer me perdre. Mais mon sourire lui, ne trahissait pas mon fort intérieur dénué de confiance en tout ce que je faisais. « Je pourrais aussi t'accompagner pour le premier cours à suivre ? »

Une sorte de jeu étrange s'installait entre eux. Quelque chose qui relevait du chat et de la souris, avec une bonne dose de sarcasme en plus de la perversion habituelle nécessaire à cet amusement. Le regard de la Demoiselle se planta dans celui du Winthrop. « Tu vois bien. » répondit-elle avec une moue entre l'amusement et l'ironie. Elle était pleine de surprises, c'était un fait puisqu'elle se surprenait parfois elle-même dans ses agissements. La Solitaire laissait le plus souvent libre cours à ses pulsions si bien que sa vie entière tenait au mot improvisation. Théo confirma ensuite que sa relation avec la Cabot avait pris fin. Ce à quoi la Dunster en devenir répliqua d'un haussement de ses frêles épaules. « De toute façon, la perfection c'est ennuyeux, tu ne trouves pas? » Rien de pire que ce côté lisse et agréable qu'ont les gens parfaits. En vérité ce même côté qu'elle lui reprochait encore quelques mois plus tôt. Enfin, le jeune homme l'invita à résoudre le chaos de son existence, ce à quoi la Brune afficha un sourire en coin tout en lui lançant un œil provocateur. « Tu ne surestimerais pas tes capacités logiques par hasard? » Finalement, l'Australien l'intriguait, parce que beaucoup de lui avait changé, parce qu'en lui, elle reconnaissait un peu d'elle, et qu'elle se questionnait sur un tel revirement de situation. « Mais je serais curieuse de t'observer en action. » ajouta-t-elle avec défi avant d'amorcer le chemin vers le premier cours, et de l'inviter ainsi silencieusement à l'accompagner, laissant le trouble apparent entre sa première et sa seconde question, et son acceptation.

 Bon la rousse n'est plus rousse, elle est devenue brune et de ce fait, c'était tout simplement mon imagination qui me jouait des tours ou peut-être bien les reflets du soleil qui m'avait fait croire cela (→) Je fixais toujours Zoïa avec un regard rempli de malice tandis que finalement nous aurions dit qu'entre nous c'était comme une relation pour que le meilleur gagne en ayant la meilleure répartie ou bien le mot de la fin. « Tu vois bien. » Qu'elle était pleine du surprise ? Du moins, je le supposais fortement. Évidemment, je ne pus m'empêcher de l'ouvrir. « Pour l'instant je t'avouerais que je ne vois pas grand chose. » répliquais-je avec amusement. Fallait que j'arrête de m'en prendre aux autres un de ces quatre. Enfin, surtout le jour où on arrêtera de m'asticoter le bas du dos. « De toute façon, la perfection c'est ennuyeux, tu ne trouves pas? » Je laissais alors échapper quelques éclats de rire de mes lèvres avant de lui dire d'une voix joyeuse. « Crois-moi ma belle, il n'y a strictement rien de parfait chez moi. » Et oui, dans un certain sens ça pouvait paraître très ennuyeux la perfection. Enfin me connaissant, j'aurais tout fait pour la briser chez l'être humain qui était apte de la posséder mais de tout façon, la perfection n’existait pas, n'est-ce pas ? Le chaos à propos de sa vie sentimentale revint à la charge par la suite. « Tu ne surestimerais pas tes capacités logiques par hasard? » Le clin d’œil assez suggestif qu'elle me lança ne pus que me faire sourire tandis que je me mordillais la lèvres inférieure, feignant d'avoir été touché par ce commentaire pour le moins blessant. « Et toi ne les sous-estimerais-tu pas par hasard ? » Voilà. Haussant les épaules, je me décollais du mur afin de me rapprochais dangereusement d'elle. « Mais je serais curieuse de t'observer en action. » Puis c'est ainsi qu'elle engagea la marche alors que je lui avais proposé de l'accompagner à son premier cours de la journée. Arrivant à sa hauteur en marchant, je repris en haussant les épaules une nouvelle fois. « Je suis amplement partant à assouvir ta curiosité. Tu dis où et quand, et je suis ton homme...pour t'aider. » lui dis-je en riant doucement, avant de finalement me rendre compte que je ne savais absolument pas où nous nous rendions. Mais tant pis, comme le disait le dicton ''les femmes d'abord !''

Oui le roux était passé de mode, alors la jeune femme avait définitivement adopté le brun... Cette étrangeté avec Théo se poursuivait néanmoins et le Winthrop lui avoua qu'il ne voyait pas grand chose. Ce qui provoqua un sourire chez la Demoiselle. Il était vrai qu'ils se côtoyaient depuis de nombreuses années pour faire les mêmes études mais sans se connaître vraiment. Chacun semblait nourrir des préjugés tenaces à l'égard de l'autre ou bien ils n'avaient pas trouvé l'énergie ou bien même l'envie de les observer d'un peu plus près. « Avoir la franchise de le dire c'est déjà pas mal. » rétorque-t-elle malicieuse. La Méticuleuse s'étant appliquée jusque là à étiqueter Mister Cameron dans la catégorie des beaux mecs un peu proprets et bienveillant à tous les égards. Les deux s'attachaient à inspecter les capacités logiques de l'autre, lorsque l'étudiant lui retourna sa rhétorique. Elle se contenta de hausser les épaules et d'amorcer un sourire en coin. « Peut-être. » avoua-t-elle en le fixant. « J'espère. » ajouta-t-elle. Un peu d'amusement la changerait, les gens avaient le don pour être désespérément prévisibles. Théo lui proposa ensuite de l'aider à résoudre son propre chaos et la proposition l'intéressait pour être honnête, elle se demandait ce qu'il avait de plus à révéler derrière sa charmante façade. « Commence donc par me laisser ton numéro. » lui glisse-t-elle avec un regard en coin. « J'aime quand on me laisse le choix. » Parce que la Brunette n'est pas du genre à s'en laisser compter, inutile de dire. Où tout cela la mènerait, elle n'en sait rien, mais en même temps, elle s'en contrefiche.

 Zoïa ne semblait pas être une femme comme toutes les autres, au contraire. Elle semblait avoir du caractère et faire totalement opposition au stéréotype de Barbie sans rien dans le crâne. Mais je songeais que cette différence pouvait parfois lui faire office d’inconvénient car elle affichait une telle froideur, qu'un sans-abris même pourrait réfléchir à deux fois avant de venir s'approcher d'elle pour lui demander quoique ce soit.  « Avoir la franchise de le dire c'est déjà pas mal. » me disait-elle alors qu'un sourire narquois s'affichait sur mes lèvres car pour le coup, elle n'avait absolument pas tord. Nos échanges pouvaient parfois sembler étranges mais pas le moins du monde déplacé et si jamais je me plaisais à y instaurer une certaine ambiguïté, cela ne semblait pas pour autant déranger la Dunster.  « Peut-être...J'espère. » avait-elle ajouté alors que je lui demandais si elle ne sous-estimait pas mes capacités. Finalement je lui proposais d'être son homme pour régler et argumenter quelques détails sur sa vie et sa réponse m'arracha un éclat de rire.  « Commence donc par me laisser ton numéro. J'aime quand on me laisse le choix. » Penchant alors un peu la tête sur le côté, je me passais une main derrière la nuque. « Je vois ça. » Haussant finalement les épaules, j'attrapais un stylo et un petit morceau de papier de mon sac en bandoulière et entrepris d'y inscrire mon numéro tout en marmonnant: « Et comme tu as de la chance et que je suis un gentleman, je laisse toujours le choix aux jolies femmes. » Achevant le tout, je lui tendais le morceau de papier comme si cela m'était très précieux avec un clin d’œil. « Fais-en bon usage. »  Puis, rangeant mon stylo, je commençais quelques pas en arrière, prêt à me détourner. « N'hésites vraiment pas...Zoïa..Et bon cours. » Puis je ponctuais mes paroles par un mouvement de tête comme pour la saluer avant de m'éloigner définitivement, lui tournant le dos, sourire aux lèvres.

FIN