Just, look at the view ৩ NORAH

Des jours avaient défilé depuis le premier jour du Summer Camp et contrairement à ce que je pouvais penser, je ne regrettais rien, pas une seconde. Chaque jour, je m’introduisais dans des décors différents, je m’en mettais plein les yeux, mon cerveau était parfois tellement illuminé qu’il arrêtait de tourner, et cette sensation n’était que bénéfique pour moi. Depuis mon voyage en Afrique avec la confrérie dont je fais partie, ma vie avait changé. Elle n’avait pas changé radicalement mais disons que je m’étais laissé tomber dans les méandres de l’alcool et de la drogue pour me faire sauver in extremis de cette descente par une très bonne amie à moi. Pourquoi ? Parce que je n’en pouvais plus de dormir, que je n’en pouvais plus de l’absence de Joanne, j’avais juste baissé les bras, rien d’autre. Mais depuis le début du Summer je n’avais rien pris, rien touché, c’était ma façon à moi de sortir doucement de l’étreinte de mes démons, et pour une fois j’étais plutôt satisfait de ne pas craquer. Le soleil commençait à tomber doucement dans l’eau qui s’étendait devant moi, j’étais accouché à la barre du pont qui me soutenait, je me serais volontiers laissé tomber dans l’eau mais je résistais à la tentation. Le regard rivé sur l’horizon, j’en perdais presque mon souffle de ce magnifique spectacle, j’étais seul, du moins c’est ce que je croyais étant donné que la plupart des étudiants avaient quitté le bateau, seul face à mon envie qui grandissait, seul face à ce somptueux spectacle.

Depuis le début du Summer Camp, je n’avais pas fait grand-chose. J’étais lâchement restée dans mon coin, évitant les contacts autant que possible. J’avais eu la chance incroyable de tomber sur Lizzie dans mon équipe, ce qui m’enchantait autant que l’idée de me pendre. Si j’avais pu la faire passer par dessus bord, mes vacances s’en seraient trouvée considérablement améliorée. Mais non, je devais faire avec. Cependant, je n’avais pas envie de faire le moindre effort. Il fallait que me concentre sur un point beaucoup plus important : Bleeker. Encore et toujours lui. Après tout ce qu’il s’était passé, ce que j’avais pu lui faire, ce qu’il m’avait fait subir, je me retrouvais dans l’obligation de me réconcilier avec lui, tout ça pour Jackie. Quelle idée saugrenue de devenir aussi proche de la meilleure amie de mon pire ennemi. Sur le peu d’ami que je me faisais, il avait fallu que je la choisisse elle. Et avec ce qu’elle traversait, je n’avais pas d’autre choix que d’arranger les choses avec Bleeker, ce qui risquait de me demander des efforts surhumains. Efforts que je n’étais pas encore tout à fait prête à faire. J’avais attendu patiemment dans ma chambre que la plupart des étudiants quitte le bateau pour me retrouver seule, ou presque. Du moins, c’était ce que je croyais. Je quittai mon lit pour me diriger sur le pont, afin de profiter du coucher de soleil au calme. Arrivant à la porte, je distinguai une silhouette accoudée au pont. J’eus d’abord un mouvement de recule avant de me rendre compte que la dite silhouette m’était familière. Je m’avançai, allant m’accoudée à mon tour près du jeune homme que je connaissais bien. « Seeley, ça fait un baille dis donc. Tu vas bien ? » Il paraissait changé, plus… calme. Et sa présence eut le don de m’apaiser instantanément.

Parfois, les gens pensent qu’il est facile de résister à la tentation, de faire face à ces démons, mais lorsqu’ils se rendent compte qu’ils sont face à face avec l’un d’eux, leur vie prend une autre torture. J’avalais ma salive avec difficulté tout en posant mon regard sur les vagues. L’eau avait le don de me bercer, de m’attirer telle une sirène qui m’aurait happé grâce à ses charmes. Je fermais un instant les yeux et profitais de la légère brise qui venait effleurer mon visage. J’étais habitué à la chaleur à cause de mon travail mais disons qu’ici c’était différent, c’était limite étouffante, ça me faisait transpirer comme jamais, à moins que ce ne soit le manque qui coule actuellement dans mes veines. Un rictus se fige sur mon visage alors que je prends conscience de mon état, et c’est à ce moment-là que je tendais l’oreille pour entendre des pas sur le pont. Je priais en secret pour la personne continue son chemin tout en me crispant. Je me détendais aussitôt en entendant la douce voix mélodieuse de Norah. Un sourire sur mon visage, je me retournais vers elle et posais mon regard dans le sien. « Trop longtemps. » Oui je l’avouais volontiers. Norah était une personne importante à mes yeux, quelqu’un qui comptait beaucoup même si au fond je ne le montrais pas vraiment. Je me détachais de la rambarde et posais un instant ma main dans le creux de ses reins, juste le temps pour moi de déposer un baiser sur le haut de son crâne, puis je reprenais ma place initiale à scruter le paysage. « Comment se passe ton Spring Break ? » Personnellement, je n’avais pas pris part à ces jeux d’équipe et toutes ces histoires, ce n’était pas pour moi. J’avais juste besoin de me détendre, de penser à autre chose qu’à ce stupide voyage en Afrique. Des vacances ? Disons que ça pourrait y ressembler, la détente en moins.