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A little party never killed anybodyCuba, 23h47”
Un verre de tequila à la main, accoudé au bar, Alekseï regardait l’étendue d’encre qui lui faisait face. Le ciel et la mer s’étaient confondus en une immensité myriadée* d’étoiles plus lumineuses les unes que les autres. Elles éclairaient les quelques vagues qui venaient s’échouer sur le rivage, non loin du bar où il s’était assis. La nuit était étrangement calme. Les seuls bruits alentours étaient produits par quelques étudiants forts en gueule et ma foi fort bourrés, qui s’amusaient à chanter La cucaracha, sans raison vraisemblable. Rien de très intéressant pour le professeur, qui n’avait certes pas envie de ramener dans sa cabine une jeune personne un peu trop alcoolisée qui ne se souviendrait de rien à son réveil, mis à part qu’elle ne recommencerait jamais. Jusqu’au soir suivant tout du moins. Il soupira et se leva, emportant son verre avec lui. La rondelle de citron vacillait dangereusement, et il s’amusa à la fixer du regard jusqu’à ce qu’elle tombe dans sa paume ouverte. Il planta ses dents dans la chair pulpeuse, sentant le goût amer du fruit envahir ses papilles. La peau toujours en bouche, il s’assit à la limite du banc de sable, là où l’on pouvait encore faire la distinction entre ce qui était trempé et ce qui le serait plus tard.
Il cracha la rondelle, la regarda se faire avaler par les rouleaux de mousse qui sévissaient sur le rebord. Sourit. Il avala cul sec la tequila et se laissa tomber sur la grève, humant l’air salin qui emplissait ses poumons depuis plusieurs jours. Une douce brise vint jouer dans ses cheveux. Les yeux rivés vers ce qu’il supputa être le ciel, il caressa la lune d’un regard, s’amusa des astres qui scintillaient selon leur bon vouloir, rit du clair-obscur qui régnait en maître sur les cieux. Il inspira un grand coup, ferma les paupières, se laissant bercer par les chansons paillardes que les étudiants avaient entamées. Lorsqu’il les rouvrit, un siècle, un instant plus tard, rien n’avait changé. Pris d’une impulsion subite, il se releva, ramena le verre sur le comptoir et fit un signe d’adieu au barman. Il se dirigea tout droit vers la ville, chassant les grains de sable qui s’étaient accrochés à ses cheveux d’un geste machinal. Il avait envie de marcher, là, maintenant, tout de suite. Il dépassa quelques boîtes de nuit et décida de se perdre dans le dédale de ruelles typique de Camaguey. Il n’avait pas hésité une seconde lorsqu’il avait appris que le dernier car pour cette ville fantastique partait dans la soirée. Il ne rentrerait pas avant demain, sûrement en début d’après-midi, mais il comptait bien profiter de cette petite escapade.
Étrangement, les villes étaient toujours plus belles la nuit. Lumineuses, bruyantes, vivantes. Il regretta un instant de ne pas avoir emporté d’alcool sur lui, mais la magnificence de la cité l’attirait davantage qu’une bouteille de rhum. D’autant qu’il n’avait pas besoin de boire pour s’amuser. Il marcha au hasard, ne comptant que sur la chance, priant pour qu’elle mène ses pas jusqu’à des endroits encore plus sublimes. Bientôt, il arriva à une place, desservie par plusieurs ruelles. « Tous les chemins mènent à Rome, » songea t-il. Au centre trônait une immense fontaine de pierre brute, sculptée en ce qui semblait être un dauphin. L’eau s’échappait de son bec pour retomber en douce cascade dans un bassin. Deux petits cétacés l’entouraient et imitaient leur grand frère, croisant leurs jets colorés juste au-dessus de sa tête. En se penchant, il remarqua que l’eau sombre abritait une multitude de pièces qui brillaient, éclairées par les étoiles. La lune s’y reflétait, pleine. Il s’assit sur un rebord, laissant ses doigts traîner dans l’eau fraîche, glisser sur les ronds de métal. Cuivre, argent, fer sans doute. Une fontaine de vœux. Il sourit, sortit une pièce de sa poche. La porta à ses lèvres, tout en se concentrant sur son souhait, avant de la lancer d’un geste leste dans l’onde. Elle créa quelques remous timides, mais se laissa tomber au plus profond du bassin sans à-coup. Alekseï s’étira. La nuit ne faisait que commencer.charney
- *:
apparemment on ne dit pas "myriadée" mais rien à foutre, le néologisme vit en maître sur le monde
ps : j'ai décidé en cours de route qu'il s'agissait de Camaguey, même si je ne suis pas certaine qu'il y ait une plage là-bas, mais bon, c'est pas bien grave x3
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