Argument. (PANKIRA)

« Y'a une trappe... » Je fis volte-face, d'un coup, et me précipitai vers Pandora. Je l'aidais à virer les cadavres en plastiques, et on entendit un déclic. J'étais un peu soulagé de pouvoir sortir de là, même si je ne savais pas ce qui nous attendrait de l'autre côté. " Merci. " Merci de rester avec moi, de trouver des solutions. Je m'en serais définitivement pas sorti tout seul.

J'ouvris la trappe. Un escalier en métal descendait dans une sorte de cave. Je repris la main de mon amie pour y descendre. J'voulais pas rester une seconde de plus dans cette odeur de mort. On arrivait en bas des marches, et au moment où l'on posait les pieds au sol, l'escalier se rétracta dans le plafond et la trappe se verrouilla. Je soufflai et observai cette nouvelle salle.

Il faisait sombre. Le seul éclairage présent était rouge vif, rendant une ambiance contrastée à l’esthétique presque sanglante. On ne voyait pas le fond de la pièce. Celle-ci était relativement vide, étroite et tout en longueur comme un long couloir, mais quelques vieux meubles en bois, croulant sous leur propre poids, rythmaient le jeu d'ombres et de lumières. Je vis un reflet au sol, et m'emparai d'un grand couteau de cuisine. La lame était maculée de sang. Tout ça ressemblait à un badtrip sous champignons, et au fond j’espérais que ce ne fut que ça.

J'avançai prudemment, gardant fermement la main de Pandora dans la mienne et le couteau dans l'autre. Et au fur à mesure qu'on parcourait la salle, toujours aussi rouge, on pouvait voir, pendus au plafond par de grands crochets de boucher, des porcs entiers, certains fraîchement éventrés, d'autres pourrissant. C'était une nouvelle odeur de pourriture qui s'imposait dans cet espace confiné, dont on ne voyait pourtant pas le bout.

J'avais clairement plus la force de continuer, j'voulais que tout ça ça s'arrête, que tout ça n'était qu'un cauchemar ou alors un bad trip. J'me jurais que si on sortait d'ici j'embrasserais Akira. Où ? J'en savais trop rien, mais j'le remercierais ça c'était sur. Il m'aidait donc à ouvrir la trappe et on se retrouvait dans une autre pièce « On s'en sortira jamais... j'peux te promettre que j'vais coller un coup de poing dans la gueule de l'organisateur de l'attraction. » que je sortais pour détendre un peu l'atmosphère. Puis le peu de lumière rouge qu'il y avait dans la pièce me donnait mal aux yeux et me rendait encore plus mal à l'aise que lorsqu'on était entrés dans la maison hantée. Et au dessus de nous y'avait des porcs pendus, le ventre ouvert et des tripes qui commençaient à tomber tellement c'était pourri. J'eus un haut le cœur, mais je serrais fermement la main de Akira dans la mienne, j'n'avais pas la force de dire quoi que ce soit et j'n'avais pas la force non plus de la lâcher. J'avais besoin d'être rassurée, de garder sa main dans la mienne et de continuer à avancer. Si on se tapait une salle en plus, je n'étais pas certaine de pouvoir tenir le coup. « C'est le pire rencard qui puisse exister sur Terre... » Je tremblais et Akira devait le sentir en tenant ma main, j'regardais autour de nous pour voir si on trouverait une nouvelle porte. Y'en avait une, j'me précipitais vers celle-ci, traînant avec moi le garçon, je virais au pâle « Verrouillée...merde fais chier. »

Je regardais autour de nous... pas de clé en vue, quand quelque chose brillait au dessus de nous, accroché aux tripes d'un porc pourri depuis bien trop longtemps pour supporter l'odeur. Là, je lâchais un hoquet de dégoût, attrapais une vieille chaise pour grimper dessus après avoir lâché la main du brun. C'était visqueux, ça puait, je grimaçais mais je réussis à finalement récupérer la clé. J'descendais de la chaise, un sourire presque victorieux aux lèvres, c'était trop beau pour être vrai. Je tournais la clé dans la serrure, attrapais la main du jeune homme et on l'issue débouchait dans une nouvelle pièce. Encore une odeur de pourri, sauf que cette fois-ci on était face à un plus gros problème... Un type déguisé en clown, couteau de boucher (trop vrai pour être un faux) était là devant nous, il nous tournait le dos et je priais pour ne pas qu'il nous entende... Mon pied grinçait sur le sol et « l'homme » se tournait vers nous, un sourire carnassier aux lèvres, du sang coulait de sa bouche, il avait les yeux explosés. « Merde... » Je serrais la main du garçon dans la mienne, là on était clairement foutus.

Un rencard ? Ouais, ce mot réussit à me percuter le cerveau malgré l'ambiance glauquissime de la pièce. J'sors pas avec les filles, moi, madame. Risquerait plus qu'elles ne s'attachent à moi... Bref. J'reprenais mes esprits. Pandora détachait une clé d'un cadavre de porc pourrissant et nous passions à la salle suivante.

Dès que je vis l'homme habillé en clown avec son grand couteau de boucher, je compris à quoi allait servir celui que j'avais ramassé quelques minutes auparavant. Je regardais mon arme. Est-ce que j'allais devoir tuer un mec pour m'en sortir ? Est-ce que j'aurais vraiment le choix ...?

Le type se jeta soudainement dans notre direction et je repoussai brusquement Pandora pour l'éloigner. J'savais me battre. J'avais jamais tué quelqu'un, mais j'crois que les questions de morales ne se posaient plus. Cet enfoiré commençait à me tourner autour. Il lança un coup que j'évitai de justesse mais qui vint trancher ma chemise. Comment pouvait-on encore être dans une attraction ?! J'sais pas, on était peut-être tombés dans les sous-sols aménagés pour la torture psychologique, dans le repère d'un psychopathe. Mais j'avais failli me faire planter à l'instant, putain !

J'me concentrai davantage en comprenant que je n'aurais pas de seconde chance, remerciant intérieurement Koray de m'avoir appris deux ou trois trucs de combat. Et quand le clown me balança un deuxième coup, j'attrapai son bras et le balançai au sol. Avant qu'il ne puisse réagir, avant même que je ne puisse réfléchir, j'enfonçai violemment, de toutes mes forces, le couteau au beau milieu de sa gorge.

Il ne bougeait plus. J'étais sous le choc et reculais doucement, avec hésitation et maladresse. J'étais persuadé d'avoir commis le premier homicide de ma vie, quand finalement, tout autour du couteau planté dans sa chair, de petites étincelles se mirent à jaillir. Le clown fit quelques mouvements mécaniques, comme un robot désarticulé. Et il eut un rire, qui s'effaça progressivement dans un grésillement. " Une machine... "

Je comprenais toujours pas, pris dans le flou de ma montée d'adrénaline. Tout c'que je saisissais c'est que j'avais tué personne et c'était un putain de soulagement.

Le clown venait de se jeter sur nous, Akira avait eu le réflexe de me pousser sur le côté pour éviter que je ne me prenne un coup. Puis le reste fut trop rapide pour que j'arrive à suivre ce qu'il se passait autour de moi. Akira savait se battre mais aussi se défendre, il avait tout d'un super héros. Moi je me sentais minable comparée à lui et je ne savais même pas pourquoi il s'intéressait plus ou moins à moi. Je méritais même pas de traîner tout simplement avec lui... J'sentais une larme couler sur ma joue quand Akira planta son couteau dans la gorge du clown. Je hurlais. J'étais persuadée comme lui qu'il venait de tuer quelqu'un, mais c'était pour nous sauver tous les deux, c'était de l'auto-défense non ? Je ne bougeais plus, ma respiration se faisait lente et c'est seulement en apercevant les quelques étincelles que je fus soulagée. J'étais contre le mur de la pièce où nous étions, affalée par terre puisque mes jambes avaient décidé d'me lâcher une bonne fois pour toute, je soupirais, me passais une main dans les cheveux et tentais de me redresser tant bien que mal. Je me rapprochais d'Akira, glissant ma main dans la sienne et posant ma tête contre son dos, un dos rassurant pour le coup. Puis la porte de l'autre côté de la pièce s'ouvrit. « C'est fini... » On pouvait voir la lueur de l'extérieur et je sortais de cet enfer, emmenant avec moi le jeune homme. Pile en face de nous se trouvait le responsable de l'attraction et comme promis je lui collais un pain dans la tronche. « Vous étiez au courant que y'a un putain de cadavre dans votre attraction ?! » que je lui hurlais dessus, énervée, stressée et tout ce allait avec.

Je sursautai presque en voyant la porte s'ouvrir, la lumière rentrer, et Pandora qui venait me prendre la main, poser sa tête sur mon dos. J'étais toujours trop angoissé par ce qu'il venait de se passer..

J'la suivais pour sortir, récupérai nos affaires et assista à la patate qu'elle mit au membre du staff qui avait mal choisi son moment. J'me disais que ça ne serait jamais assez... J'venais de vivre les moments les plus flippants de ma vie et franchement, j'allais mettre un bon moment pour m'en remettre. Même si j'essayais de ne pas paraître trop affecté, j'me sentais vraiment mal. On était trempés de la tête aux pieds, couverts de traces de sang, ma chemise tranchée et des images malsaines plein la tête. Là où j'aurais pu casser la gueule de ce mec, j'me contentai de tracer en silence pour m'éloigner le plus rapidement possible de cet endroit. J'allumais une clope, me disant que ça me calmerait. Et dès que je trouvai un petit coin d'herbe, je m'y laissai tomber en tailleur. J’espérais que la nicotine fasse son effet.

Je venais de mettre un pain dans la tronche du responsable de l'attraction. Putain ça fait mail, j'sentais des larmes me monter aux yeux alors que Akira était parti dans son coin sans demander son reste. Il m'a fallu un petit bout de temps avant de le rejoindre, je ne savais pas dans quel état il était lui enfin psychologiquement. J'étais trempée, lui aussi, même si à l'extérieur il faisait plutôt bon, j'avais des frissons tout le long de mon corps. Je tremblais encore, je ne savais pas si le cauchemar était réellement terminé ou non, et je savais parfaitement qu'il me faudrait un long moment pour vraiment réussir à m'en remettre. Cette épreuve avait mis mes nerfs en compote et j'avais encore envie de cogner sur le responsable.

Je réalisais enfin que Akira était parti se poser dans un coin tranquille et je me décidais enfin de le rejoindre, m'installant à coté de lui sans rien dire pour autant. Je ne faisais que de poser ma main sur la sienne de libre alors qu'il se fumait une clope certainement pour décompresser le maximum possible. Je l'observais, sans toujours rien dire puis me décidais à tourner son visage vers le mien pour lui voler un baiser. Ça n'avait rien d'un premier vrai baiser, c'était juste un geste non contrôlé, et aussi pour lui faire comprendre que je le remerciais d'avoir été là à mes côtés.

J'regardai brièvement Pandora arriver avant de replonger mes yeux dans le vide. J'devais avoir l'air léthargique. C'est que je n'étais toujours pas certain de la manière dont je devais réagir à cette étrange expérience. C'était le contre-coup de la peur, j'imagine.

Et puis je sentis une main sur mon visage. Je tournai la tête, et la jeune femme joignit ses lèvres aux miennes un court instant.
Elle reculait. J'la fixai quelques secondes. Sous mon apparence encore froide, je crois que j'étais atteint par ce geste. J'crois que j'en avais besoin... Je jetai ma clope entamée et la pris dans mes bras sans tellement lui laisser le choix. Une main dans son dos et l'autre dans ses cheveux. J'savais qu'elle avait eu peur, qu'elle avait eu envie de pleurer. Malgré tout, elle avait été forte jusqu'au bout. J'voulais qu'elle se sente enfin en sécurité.

Je ne savais pas comment il réagirait après que nos lèvres se soient furtivement touchées. Je crois que quelque part ce geste avait réussi à l'atteindre, j'avais besoin de ça et peut-être que lui aussi. Puis j'pensais qu'il me repousserait, qu'il me gueulerait peut-être même dessus, mais au lieu de ça je me retrouvais dans ses bras. Un geste qui me rassurais plus que tout au monde. J'pouvais enfin laisser couler mes larmes, mais dans le plus grand des silences. J'étais à bout et j'avais besoin de me reposer, de rentrer chez moi et de tout oublier. Mais je ne voulais pas quitter Akira pour le moment, du coup je profitais de cette étreinte le maximum possible.

Au bout de quelques minutes seulement je me redressais un peu et caressais le visage du garçon « J'ai cru qu'on allait mourir... j'suis bien contente que non au final... puis je n'aurais jamais pu te voler un baiser. » avouais-je finalement en me sentant rougir.

J'esquissai un vague sourire à sa remarque. Sincèrement, il y avait une petite partie de moi qui commençait à redouter qu'elle puisse avoir des sentiments. S'attacher, tout ça. C'est ce dont j'avais l'impression en l'écoutant... Et je préférai la couper dans ses paroles, me couper dans mes réflexions. Soudainement, presque comme une réflexe, je scellai nos lèvres à mon tour. C'était stupide, je sais. Je posai une main sur sa joue, les yeux fermés pour mieux profiter de ce contact. J'étais presque tendre, ce qui m'étonnait moi-même. Mais ça n'avait plus rien de furtif. Je fis durer le plaisir quelques secondes avant de m'écarter.

Je reculai lentement mon visage et la fixai droit dans les yeux. " Comme ça, on est quittes. " J'savais pas si j'allais prendre une baffe ou quelconque punition. Ca aurait valu le coup de toutes façons.

Je ne savais pas où tout ça nous mènerait, mais qu'on le veuille ou non lui et moi on venait de partager un truc plutôt intense. Rien de sexuel, non loin de là, mais une expérience plutôt horrible. Et je priais pour ne plus avoir à revivre ce genre de chose. En tout cas j'étais dégoûtée des fêtes foraines pour un bon bout de temps maintenant. J'aurais peut-être dû me taire au lieu d'avouer à Akira c'que j'avais ressenti sur le moment. Ou peut-être pas. Je savais pas ce qu'il se passait dans ma tête, mais lorsque le jeune homme m'embrassa de nouveau, j'avais le cerveau complètement déconnecté. J'avais des frissons, c'était mon premier baiser et je ne voulais pas que ça s'arrête. Akira n'avait pas à le savoir qu'il s'agissait de mon premier baiser. Ça avait duré au moins plusieurs secondes, et lorsqu'il éloigna son visage du mien j’effleurais machinalement mes lèvres. « C'est d'accord. » fis-je en lui adressant un sourire bête avant de me relever. « Je devrais peut-être rentrer histoire de me changer... j'suis gelée. » rajoutais-je avant de le regarder une nouvelle fois « Tu comptes rester ici encore longtemps toi ? »