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Le souffle court, je baissai un regard apeuré vers mes jambes et découvris avec horreur la longue entaille qui s'étendait de mon genou à ma cheville. Non loin, j'entendis un gémissement de douleur résonner ; la voix m'était familière, mais pas le ton qui y dominait. La douleur morale de savoir qu'un proche était blessé par ma faute était bien plus violente que la douleur physique. L'ambiance de terreur qui régnait autour de nous filtrait abondamment dans chaque recoin de mon être. J'avais été chanceuse une fois, j'aurais été étonnée que le destin me fasse deux fois la même fleur.
Chaleur assommante, musique assourdissante, cœur au bord de l'implosion ; je me déhanchai sur la piste en compagnie de ma meilleure amie au rythme de l'une de nos chansons préférées. Ces derniers temps, nous avions toutes les deux le moral dans les chaussettes et nous nous étions cloîtrées dans nos chambres respectives, refusant de sortir à la lumière du jour pour une quelconque autre raison que notre scolarité. C'était devenu mon train-train quotidien ces derniers jours: me lever, aller en cours, rentrer chez moi, me morfondre pendant des heures, tomber d'épuisement et recommencer le lendemain. La douleur de la perte brutale de mon père revenait tous les ans autour de la date de l'anniversaire de sa mort. Pour ne rien arranger, la fête des pères tombait à peine quelques semaines plus tard, m'enfonçant encore un peu plus dans ma nostalgie. Je fermai les yeux et laissai mes pensées sombres s'échapper tandis que je bougeais mes hanches en cadence avec le tempo. Rox était venue me chercher dans ma chambre autour de vingt heures, comme elle me l'avait dit la veille. Mais j'avais suivi mon nouveau rythme de vie et après m'être effondrée pendant quelques heures après mes cours, j'avais sursauté en entendant quelqu'un toquer doucement à ma porte. J'avais d'abord ignoré le dérangement, jusqu'à ce que la blonde ne fasse irruption dans ma chambre. J'avais oublié qu'elle avait un double des clés. Son regard s'était posé sur moi et, tout en me relevant de mon canapé avec difficultés, j'avais essuyé mes yeux et étais partie vers la salle de bain en murmurant un « je t'avais dit que je n'avais pas la tête à sortir », la voix enrouée par mes sanglots.
Deux heures plus tard, nous étions quand même arrivées au bar et nous avions tenté de nous changer les idées. Il était désormais un peu plus de deux heures du matin et nous n'avions fait que danser sans s'arrêter depuis que nous avions débarqué. Mais mes jambes commençaient à fatiguer et mon corps était déjà épuisé des heures que j'avais passées à sangloter recroquevillée sur mon canapé. À la fin de la chanson, j'attrapai la main de Roxy sans un mot et nous amenai au bar, puis je me hissai péniblement sur un tabouret tout en commandant un mojito. « Je tiens à dire que c'est la seule fois où tu réussiras à me traîner dehors, » marmonnai-je, mon front appuyé sur mes avant-bras contre le comptoir. Chaque fois que quelqu'un m'avait proposé de sortir, j'avais prétexté avoir trop de boulot en retard, alors que j'étais en avance d'au moins deux semaines sur tout ce que j'avais à rendre d'important. Dès que ma boisson arriva, je me jetai dessus et en bus plusieurs longues gorgées. vu le niveau de fatigue et ma faible résistance à l'alcool, ça allait vite me monter à la tête si je ne faisais pas attention mais en ce moment je n'avais pas la moindre intention de prendre mes précautions.
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