Tu parles d'une journée! Il avait sauté dans un jean dès l'aube. Les cours étaient peut-être finis pour eux, mais pas pour Amory et Luna, et panne de courant, donc de chargeur de téléphone, donc pas d'alarme! Résultat, lever en catastrophe, avec un petit de cinq ans qui ne comprend plus rien à la vie, le visage fourré dans les dreadlocks de son grand frère aux bras qu'il trouve puissants et protecteurs. Morghan, lui, aujourd'hui, c'est corps = confiture. Des fourmis dans les jambes, il n'a même pas pris le temps de bouffer pendant qu'il préparait les deux gosses. Il choppe les deux gosses par la main sans trop de violence, jetant le plus petit sur ses épaules. Il sent qu'il va perdre des clavicules. Mais non mais non, c'est psychologique. Il sort en courant de la barraque, fermant comme il peut , et balance les clefs dans son sac besace qui tape sur sa cuisse à chaque enjambée, avant d'attraper le bus d'après à la volée. Merde, le petit frêre passe pas dans la porte s'il l'ote pas de ses épaules. Oui Morghan, Amory n'est pas intangible, quoi qu'il trouverait ça drôle le gamin et qu'il rigole à moitié, tout balloté. Et la soeur qui a encore la tartine de nutella dans la bouche, et qui lui parle d'un certain "Matthew" de l'école. Comment ça , c'est qui ce Mathhew? Woh woh , t'as que onze ans, c'est quoi? Non. Attends au moins d'être féconde pour embrasser les garçons! Mais Morghan n'a pas le temps de s'exprimer sur les tortures qu'il va faire endurer à ce Matthew pour avoir des vues sur sa petite sœur, peu importe s'il aie onze ou treize ans, que le bus s'arrêta devant la maternelle et qu'il sort en toute hâte pour éviter que la surveillante ne ferme la porte. Mais ce n'est pas fini! Un bisou! Et il repart avec la bavarde et lui dit que c'est non pour qu'elle aille chez ce Matthew. Alors, elle, elle se révolte, lui dit que c'est pas juste, que les autres le font et blabla. Et Morghan ne fait pas dans l'humanitaire ce matin. Il ne veut rien entendre, lui dit on verra. Mais pourquoi il a dit ?! Rah merde.
Et le voila reparti après l'école, parce qu'il a un rendez-vous avec sa banque, puis doit faire les courses, et ensuite, il doit venir aider un pote Dunster à l'université pour une histoire de devoir sur l'histoire ancienne des minoens, une dissertation. Il manque d'échapper les poches de courses en évitant un facteur remplaçant, qui en plus balance les journaux comme un manchot et l'envoie dans le rododindron de la voisine. Et voici donc Morghan qui enjambe la barrière et se retrouve à quatre pattes dans les buissons de la vieille, pour récupérer le journal et le magazine de la petite, un truc que toutes les gamines ont là... avec des astuces et des modes et ... enfin tout pour mettre de l'urticaire au dreadeux mais bon, elle aime. Il fait tout le ménage, la bouffe pour le soir, et quand c'est l'heure, il choppe un bout de bain, avale un verre de jus d'orange avec ses médocs et se barre en courant. Il est 14 h. Et il a le cerveau en purée de brocolis le Morghan. Il mettrait bien la tête dans la fontaine, mais qui sait qui a pissé dedans aussi. Les Mathers , c'est comme les belles-mères, Y'EN A PARTOUT!
Et les Morghan, c'est comme les soufflés, ça retombe toujours. Il arriva dans l'enceinte de l'université, contourna plusieurs bagnoles, préoccupé, regardant un courrier qu'il avait tiré de la boite aux lettres depuis peu. Tout alla très vite. Il sortit de l'espace bétonné pour contourner un arbre, les premiers espaces verts apparaissant sous des allées propres. Il commença à couper à travers l'herbe , quand ses sens s'ébranlèrent. Le sol tourna. Sa vue se fit floue. Il cligna des yeux, ralentissant le pas, se les frotta d'un main , et fronça les sourcils, le souffle court. Merde. Ses jambes vacillèrent, pourtant habituées aux efforts constants et il finit le jean à genoux dans l'herbe, une main poing serré sur le sol et l'autre, qui avait lâché le papier, finissant sur sa tête, puis son ventre... Nom de dieu... Il n'avait plus de force. Il restait conscient, mais tout semblait bancal , vertigineux. Sa respiration était perturbé mais pas rauque... Une jolie crise d'hypotension, marié à de l'hypoglycémie. La chaleur et l'excédent de lumière sur ses yeux clairs, ne devaient pas aidés non plus. En somme, un joli combo qui le séchait net sur place. Il s'assit dans l'herbe, posant un bras sur son genou et se colla le revers de la main sur la bouche... allez... reprends du poil de la bête... respire...C'est la faute à Matthews ça , c'est certain ! Tout sera de la faute à ce Matthew pour la journée, il l'avait décidé!