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J'ai glissé ma main dans mes cheveux, visiblement embêté par tout ceci. J'ai essayé de me concentrer, sur la foule et sur la conversation, avançant au rythme de la file d'attente vers le comptoir de prise de commande. La journée avait pourtant si bien débuté, sans la moindre anicroche, mais il faut croire que les journées parfaites n'existent toujours pas. À mon grand regret. J'ai porté la main à ma bouche en écoutant le flot de paroles me semblant tout droit sorti d'un cauchemar. J'ai eu envie de me pincer, pour m'assurer que je ne suis toujours pas paisiblement endormi dans mon lit que ce matin-là je n'aurais pas quitté, mais je n'en pouvais plus d'une me tourner d'un côté puis de l'autre dans l'espoir de trouver le sommeil et m'étais donc levé sans insister davantage. Un pressentiment sans doute qui m'a rongé à m'en priver de cette au combien précieuse période revigorante.
« Elle ne pourra pas le prendre cette année... La Jamaïque avec Paul. Je vois. Hum hum... Plutôt pour lui que pour moi. Il voit sa mère une fois par année sous ses conditions à elle et elle n'est même pas foutue de planifier son horaire en conséquence... Donnez-moi un instant... »
Je pose la main sur le combiné de mon téléphone pour répondre à la jeune caissière se trouvant devant moi en souriant.
« Bonjour. Je prendrais un grand latté aux noisettes s'il vous plait. »
Je dépose un billet sur le comptoir en lui faisant signe de garder le reste. Sans doute est-ce un généreux pourboire pour une si petite commande, mais compte tenu de mon manque flagrant de respect des relations sociales avec ce téléphone à l'oreille, c'est amplement mérité. Toutefois, c'est également plus que nécessaire. Ce n'est pas tous les jours que je reçois un coup de fil de mes ex-beaux-parents et en temps normal c'est parce que mon ex-femme n'arrive pas à elle-même me parler et fait donc passer ses messages par ses parents. Ce qu'ils n'encouragent pas particulièrement. Elle reste leur fille et même si je n'ai jamais véritablement été dans leurs bonnes grâces, beaucoup de choses ont changées depuis le divorce. Mon ex-femme est la seule à ne pas avoir changé. Quatre ans que je ne lui ai pas parlé et ce n'est apparemment toujours pas suffisant pour qu'elle daigne entendre ma voix de nouveau ou même celle de son fils. Même ses parents ont plus de considération pour leur petit fils.
« Pardon. Oui je sais. J'apprécie tout de même d'avoir été mis au courant si tôt. Je ne lui dirai pas tout de suite. Il n'a pas besoin de ça en ce moment. »
Je prends le contenant de café en articulant un silencieux remerciement à la caissière qui me sourit puis je me dirige vers la sortie.
« Ça va oui. C'est simplement l'école qui lui demande beaucoup d'énergie. Il a de la difficulté à ce concentrer. Je sais pourquoi oui. Il a entendu parler de la bombe à l'école par ses camarades. Il ne dors pas très bien depuis. C'est en voie de rétablissement. Je fais le nécessaire. Je lui passerai le message. Merci. Bonne journée à vous également. »
Le pauvre petit. Quand je vais lui dire ça... J'inspire profondément en penchant la tête une fraction de seconde pour éteindre mon téléphone et le glisser dans ma poche sans stopper mes pas. Ce fût une fraction de seconde de trop. Relevant la tête au dernier moment, je n'ai pu empêcher l'impact répandant mon nouvellement acquis et encore très chaud café sur la jeune femme devant moi. J'ai pu juger de ce détail de par la chaleur se répandant à la surface de mon jeans. Horrifié, je n'ai su que me confondre en excuses en posant les yeux sur elle et son vêtement souillé.
« Je suis véritablement navré mademoiselle. Je n'ai pas regardé devant moi. »
Ses téléphones portables sont vraiment l'invention du diable à n'en point douter. Rien de tel pour œuvrer d'une bonne dose de distraction et me rendre maladroit alors que ce n'est pas dans mes habitudes. Et la prochaine fois, songer à prendre des serviettes de table...
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