isadora&kit ✗ we need each other

Il y avait ça de cool à Harvard que les rumeurs circulaient vite, très vite. Rien qu'à parcourir les Forumspring des gens, ça en disait déjà long. Alors, bien sûr, tout n'était pas fiable, maaais... Il y avait quand même toujours un fond de vérité partout. Alors, comme je me sentais plutôt mal à cause de l'autre soir avec Athina, et de l'altercation que j'avais eue avec son copain, je m'étais décidé à agir. Nope, ces deux-là ne pouvaient simplement pas rester ensemble. Ça servait à rien, surtout avec ce que j'avais entendu sur Ruben ; comme ça, cet enfoiré trompait Athina avec une autre fille. Mais j'avais pas envie de prévenir Athina -même si, vu ce qu'on lui foutait sur Forumspring elle devait s'en douter-, nan, j'étais plus fin que ça. Et puis, il était également plus ou moins public que j'avais retrouvé Thina, ce qui nous donnait, à cette fille et à moi, un objectif commun. Finalement, nous ne pouvions qu'être amis. Alors, comme j'avais un certain nombre de connaissances et un bon réseau, je m'étais décidé à fourrer pour de bon mon nez dans les affaires d'autrui. J'avais vite fait pu chopper le nom de la fille ; Isadora. Et, grâce aux réseaux sociaux -merci Facebook, Twitter et compagnie-, je savais même à quoi elle ressemblait. Alors, mon objectif était simple : attendre la dénommée Isadora sur un parking -en priant pour qu'elle vienne, mais bon, tous les élèves passaient au moins une fois par jour par là-, et lui proposer un deal. On ne pouvait que s'entendre. D'ailleurs... Ouais, je crois que c'était elle. C'est bien toi, Isadora ? Excuse-moi de te déranger, j'en ai pour trois secondes et si tu veux que je me casse, je le fais. J'm'appelle Kit. Et... Ce que j'ai à te dire va sûrement te sembler bizarre, mais... Tu verrais pas Ruben en cachette, par hasard ? T'inquiète, je juge pas ! En fait, moi j'ai embrassé Athina en cachette. Alors, j'crois que toi et moi on a un but en commun, qui est de les faire casser. J'avais toujours beaucoup aimé les présentations, et celle-ci était particulièrement sympa ! Ça faisait beaucoup à avaler, j'étais d'accord, mais comme dit, si elle voulait que je me casse, j'allais le faire -quoique non sans insister un peu-.

Tais toi et marche. Tais toi et marche. Putain de merde. On peut dire que j’avais pas passé la meilleure journée au monde. Je veut dire, je haïssait cette relation. La meilleure amie, qu’on accuse d’avoir embrassé son meilleure amie alors que techniquement, elle s’est juste laissé faire. Ça me foutais les boules. Une fille m’avait fait des crasses pas possible pour la peine. J’avais eut le droit à un MAGNIFIQUE tatouage au stylo bic dans le cou, et la garce qu’il l’avait fait avait trouvé ça drôle d’écrire "Je suis une pétasse". Je l’aurais bien arrêté, mais bon sang de dieu! J’étais en cours!. Enfin bref. J’étais crevée, et je voulais juste rentrer à ma chambre, me coucher dans mon lit, et dormir en essayant de ne penser ni à mon bourreau, ni à mon âme soeur, qui, en réalité, étaient les mêmes personnes. Je marchais, lentement. J’avais mal aux pieds,et j’avais laissé mon skate chez… Bah, chez Ruben, justement. Je caressais mon ventre. Bébé, petit bébé, mon petit coeur… Qui commençait à me fatiguer, à vrai dire. Je devais un peu plus manger qu’avant, pour avoir des énormes vergetures parce que je suis trop maigre donc j’ai pas la peau élastique, et par ailleurs, j’avais mal au dos, envie de vomir, et je survivais difficilement à une journée entière de cours. Et puis, on m’interpèle. Bon, ça, c’est du discours bordel. Certes, il a du le répéter, son monologue, et le préparer avant, mais je trouve ça classe. Faut dire qu’à Bâton-Rouge, des gars comme ça, ça existait pas. « Oh. Wow. Erm… Je crois que effectivement, tu as l’air de bien me connaître. J’suis contente que tu me juges pas, en effet. Je suis plutôt d’accord avec toi, ils ne peuvent pas rester ensemble, mais il ne faut pas qu’on les blesse, je ne veut pas voir Ruben souffrir, et je pense que tu ne veut pas qu’Athina souffre aussi pas vrai? » J’avais eut du mal à dire autant de choses en si peu de temps, à cause de la chaleur, du bébé, de la fatigue, et d’un million de choses de plus. Et pourtant, le flot de mots s’était déversé par ma bouche en moins d’une seconde.

J'avais toujours été doué pour les présentations, ça, c'était évident. Et celle-là, celle-là, elle me semblait particulièrement réussie ! Preuve en est ; Isadora était d'accord avec moi. Bon, en même temps, mon deal était bien trop alléchant pour que quiconque se retrouverait dans sa situation le refuse. Notre situation, il est vrai, n'était pas confortable, mais le bon côté des choses, c'était que nous étions deux, à présent, pour y faire face ! Et pour séparer ce couple, qui, fallait pas se le cacher, ne tenait pas debout. Ce qui était moins intéressant, par contre, c'était la partie où elle me disait qu'elle ne voulait pas que Ruben souffre. Là, pour le coup, j'en avais rien, mais alors strictement rien à foutre. Ce mec aurait pu crever la gueule ouverte dans une bouche d'égout que... Ouais, je l'aurais peut-être aidé, d'accord, je ne le détestais pas à ce point, mais toujours était-il que je me préoccupais des sentiments de ce mec comme de ma première chaussette. Ouais, bien sûr, c'est évident qu'on veut pas les faire souffrir. Athina, peut-être. Mais Ruben... N'en parlons pas. Déjà, j'ai besoin de ta parole ; cette discussion n'a jamais eue lieu. Je lui tendis ma main. On n'était jamais trop prudent, et un deal, c'était un deal. Doublé d'une poignée de main, ça devenait carrément officiel et impossible à trahir. Bon. Ecoute, Isadora, le tout, c'est de passer à l'offensive, et d'agir en secret. En plus, on va pas se le cacher, ils vont très mal ensemble. Enfin bon... J'ai déjà réfléchi à deux trois petites choses, alors... Tout d'abord, pourrir leur Forumspring. Crois-moi, cette merde marche très pour plomber les couples. Ensuite, toi et moi, on peut laisser traîner des affaires chez eux, nan ? Le mieux, ce serait que j'laisse un boxer chez Thina, mais bon, j'ai un peu trop de décence pour ça. De ton côté, ce serait aussi très cool que tu laisses des sous-vêtements chez Ruben... Aaaah, damn, je pouvais devenir une réelle machine de guerre quand il s'agissait de briser les gens. En fait, j'avais un don pour me mêler de ce qui ne me regardait pas, et j'en était très content. Et puis, ça arrangeait bien nos affaires, quitte à ce qu'on doive passer pour des enculés.

Je suis pas très douée pour ce qui est d’aider les autres, et d’être là pour eux. La preuve, j’ai embrassé mon meilleur ami, qui en plus a une copine. Je commença à me ronger l’ongle du pouce. Stress. Stress. Stress. Au fond, je suis foncièrement gentille, ça voulait dire que même si j’aimais Ruben, je ne voulait pas que ça pétasse souffre trop, mais visiblement, Kit serait surement là pour faire le mouchoir et s’occuper d’elle. Evidemment, qu’elle a as eut lieu, cette fichue discussion! Non mais sérieux, j’suis une pro moi, je sais garder un secret. « On s’est jamais vus, jamais parlé, je sais. » J’allais devoir (encore) mentir à Ruben, comme je l’avais fait auparavant. Mais je mentis pour nous au fond. Pour qu’on s’assure un avenir. Pour qu’un jour, lui et moi, on soit on vrai couple. Et peut-être aussi pour qu’Athina et Kit soient un couple, histoire d’être sure qu’elle ne viendrait pas me reprendre mon âme soeur. « J’accepte de faire des trucs dégueulasses. D’oublier des trucs chez Ruben, ou des trucs comme ça, mais j’irais pas pourir son formspring moi-m^me. J’accepte de faire celui d’Athina, mais je causerai pas de tort à Ruben. Mais si toi tu peut, alors vas y. Okay? » Ça avait beau être son idée à lui, c’était encore moi qui dictais les ordres. Ce qui était assez drôle, parce que j’avais à peine dix-huit ans, et je n’étais pour les autres gamine, un petit bout de femme, et pourtant, c’est moi qui donnait des ordres à un gros balourd qui devait être plus près des 25 ans que des 18.

J'aimais beaucoup le déroulement des événements. Pire, même, j'aurais presque pu commencer à éprouver de la sympathie pour cette fille. En fait, j'en éprouvais carrément. C'était peut-être grâce à elle que j'allais pouvoir me débarrasser de l'autre parasite, alors... Tant mieux, tant mieux, j'pouvais rien avoir contre elle. Au contraire, même, mon initiative arrangeait tout le monde. Ruben allait pouvoir finir avec Isadora, et Athina avec moi-même. Parfait ! Nous avions besoin l'un de l'autre pour pouvoir remettre tout ce joli monde dans le droit chemin, dans le chemin évident qui aurait du être celui-là. Après tout, finalement, une fois n'est pas coutume, nous n'allions faire que rétablir l'ordre naturel des choses. Et en plus, elle était prête à faire vœu de silence. Décidément, ma sympathie pour elle grandissait de plus en plus au fur et à mesure que nous parlions -quand bien même c'était furtivement sur un parking et quand bien même on ne se parlait que depuis à peine cinq minutes-. Ouais, pas de soucis, si tu veux te charger de celui d'Athina, vas-y, ça me fera plaisir. Bon, plaisir, fallait peut-être pas déconner, mais tout de même, ça arrangeait bien mes affaires. Pour le plan sous-vêtements, c'est parfait. Si possible, des trucs compromettants, hein, pas juste une écharpe ou j'sais pas quoi. Bon, elle avait aussi de la chance que je sois quelqu'un de profondément altruiste et philanthrope. Je savais que cette nana n'avait pas la réputation la plus reluisante du monde, alors... Ça m'aurait quand même fait un peu chier qu'elle s'en prenne encore plus dans la tronche, à s'faire traiter de salope et qu'en savais-je encore. T'inquiète, si y'a des rumeurs qui circulent là dessus, j'dirais qu'elles viennent de moi parce que j'suis un gros con fouteur de merde. Sourire. Et hop, encore un autre problème en moins. Oui, parce que j'pouvais très bien tenter de briser des couples et me montrer compréhensif. J'étais pas un sauvage forcené non plus.