« Encore un coup ! » La jeune adolescente de 19 ans pousse pour la centième fois en criant de toutes ses forces. Après un court silence, on peut entendre les cris d'un bébé naissant. Presque trop rapidement, l'infirmière présente se chargea d'emmener le bébé le plus loin possible. - « Qu'est-ce que tu fais ? Tu ne regardes pas ton propre enfant, Ivanna ? » La jeune femme au front en sueur regarde celui qui l'a mise enceinte avec un regard noir et un air de dégoût. L'homme de 21 ans s'indigne contre cette adolescente qui ne veut pas avoir de contact avec son propre enfant, sa chair, son sang. « C'est une blague ? » À nouveau, il regarde Ivanna et lorsqu'il comprends qu'elle ne rigole pas, que ce n'est pas une blague et qu'elle affiche une expression sérieuse, Sergueï fronce des sourcils. Il n'en croit pas ces yeux. Dégoûté par cette adolescente, Sergueï recule de quelques pas, retire le costume qu'on lui a demandé de mettre, tourne les talons et quitte la salle d'accouchement. Pas sans avoir regarder sa petite fille, une dernière fois. Il marche silencieusement jusqu'au couple américain qui se trouve assis dans la salle d'attente et lorsqu'ils le voient arrivés, ce couple se lève. « Alors ? » Demande la jeune femme de 27 ans à ce jeune homme au visage dur, mais aux yeux vitreux. Ce dernier déglutit difficilement tout en tripotant le casque blanc. « C'est une petite fille. En bonne santé, elle est magnifique. » Les futures parents de ce bébé laissent échapper un soupir à l'unisson. Ils auront un bébé en bonne santé. La future maman essuie les larmes qui coulent de ses yeux, renifle et sourit à Sergueï. Sergueï, ce jeune homme qui devra dire adieu à sa petite fille. « Est-ce qu'on peut aller l'a voir ? » Il hoche la tête et le couple se dirigent vers la salle d'accouchement, lentement suivi de Sergueï. La femme de 27 ans prends ce bébé naissant dans ces bras et l'a berce. « Est-ce que je peux me permettre de poser une question ? » Le couple se tourne vers lui affichant des petits sourires. « Bien sûr, Sergueï. » Il sourit timidement. « Elle s’appellera comment ? Si je peux me permettre ? » Les futures trentenaires se regardent quelques secondes et regardent à nouveau Sergueï. « Nous n'en avons aucune idée, encore. » Il hoche la tête. « Si je peux me permettre, encore, une suggestion... Rosemary ? C'est tiré d'un film d'horreur américain, le seul que j'ai écouté en fait. » Les trois regardent la petite fille. Rosemary. « Merci de la suggestion, Sergueï. Nous y réfléchissons encore. » Pour la millième fois, il leur envoie un sourire timide. Elle a les yeux grands ouverts, regardant partout. Elle gigote dans tous les sens. Elle fait des bruits de bébé naissant. Elle a les sens en alerte. Elle voit deux visages apparaître devant elle. Les deux visages qu'elle appellera « maman et papa », les deux personnes qui ont pris la décision de l'adopter, de s'occuper d'elle, de l'aimer, de lui apprendre les trucs importants dans la vie. Ceux qui l’élèvera dans un environnement sécuritaire et empli d'amour. Elle, la Ukrainienne. Elle, l'enfant indésiré. Elle, Rosemary-Lys Meade. Ou Svetlana Mikhaïlova.
Riant aux éclats, Rosemary court autour de sa mère qui coupe des légumes. Cette dernière soupire, dépose le couteau sur la planche en bois, s'essuie les mains et arrête sa tornade de courir en se penchant à sa hauteur. « Rose, ma chérie, maman coupe des légumes. Peut-être pourrais-tu aller courir dans le jardin ? » Sa mère sourit. « Bien sûr, maman. » « Merci, ma chérie ! » En sautillant, Rosemary-Lys se dirige vers la porte d'entrée où elle sort dehors. Il fait beau, il y a un soleil dans le ciel qui réchauffe la peau de ceux qui ont osés sortir dehors. Assise sur le sol depuis moins de deux secondes qu'elle reçoit une ballon de soccer sur le bras droit. Les sourcils froncés, la jeune Rosemary-Lys pivote la tête dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle remarque le petit garçon s'approcher d'elle. Le ballon lui appartient. Prenant le ballon dans ces mains, Rosemary se relève et s'approche de ce nouveau dans le quartier. « Tu pourrais faire plus attention, tu sais ? » Dans un geste pratiquement brusque, Rosemary-Lys lui donne son ballon. « J'suis désolé, je n'ai pas fait exprès, tu sais ? » Elle plisse les yeux, regarde cet inconnu et décide qu'il n'en vaut pas la peine. « Si tu le dis ! » Déclare-t-elle simplement en tournant les pieds pour rentrer chez elle. « Hey attends ! Rosemary se retourne et hausse les sourcils. Je m'excuse et moi c'est Théophile. Je viens d'emménager dans la maison voisine. » Le regard se tourne vers la maison voisine. Elle a un nouveau voisin. « Rosemary. Bienvenue. » Le présumé Théophile lève le ballon. « Tu veux jouer avec moi ? » Elle est tentée de dire oui, excepté qu'elle est mauvaise. Voir pire que mauvaise. « Je ne suis pas très douée à ce jeu. » « C'est pas grave, je te montre. » Avec une mine timide, elle acquiesce de la tête. Rosemary et Théophile passe la demie-heure suivante à jouer au ballon et la demoiselle est surprise de constater qu'elle n'est aussi nulle qu'elle le croyait. « Rosemary, ma puce, le repas est prêt ! » Crie sa mère en s'essuyant les mains sur un linge à vaisselle. Remettant une mèche de cheveux qui la gêne, Rosemary-Lys fait un léger sourire à son nouveau voisin en lui rendant son ballon. « Bye Théo ! À la prochaine. » « Bye Rose ! » Amis depuis moins de 24H, ils s'appellent déjà par leurs surnoms. En courant, Rosemary se dirige vers l'intérieur de la maison où elle va s’asseoir sur sa chaise de prédilection. Celle entre son père et sa mère.
Elle inspire profondément et expire. Elle a les mains moites. Elle repense aux mots qu'elle a décider de dire à ses parents. Les seuls mots qui lui venaient en tête, en réalité. Elle a 16 ans. Elle a envie de savoir qui sont ses véritables parents. Elle a le droit de savoir, c'est son droit légitime. Dos collé au mur, elle peut entendre les voix de sa mère et de son père qui proviennent du salon. Elle soupire. Elle doit prendre son courage à deux mains. « Come on, Rose ! Tu dois le faire. » Se dit-elle à elle-même sans faire de bruit. Elle inspire à nouveau et expire avant de se décoller du mur et de pénétrer dans le salon où elle retrouve sa mère à lire un roman et son père a écouté les nouvelles. « Maman, papa.. Il y a un truc dont on doit discuter. C'est sérieux. » Les deux se retournent en même temps pour fixer leur fille. Ils s'inquiètent, elle peut le voir sur leurs visages. « Rien de grave. Je ne suis pas enceinte. » Elle s'essuie les mains sur son jean tout en s'approchant du seul fauteuil qui fait face à ces deux parents. « De quoi s'agit-il ma puce ? » Elle sourit lorsqu'elle entends le surnom que lui donne constamment sa mère. « Tu sais que tu peux tout nous dire, Rose. » Elle hoche la tête. « On ne croyait pas avoir cette discussion avant tes 18 ans, mais maintenant que tu veux en parler, je crois que c'est le bon moment et c'est tout-à-fait normal, ma chérie ! N'est-ce pas chéri ? » Sa mère regarde son mari. « Oui et c'est normal de se poser des questions. Tu es une adolescente. » « Oui... Attendez, vous pensez que je parle de quoi là ? » Confuse, sa mère fronce les sourcils. Ils ne sont clairement pas sur la même longueur d'ondes. « De sexualité, ma chérie ! » Rosemary-Lys affiche une mine cramoisi et se cache le visage avec ses deux mains. « NOOOOOON !! Ce n'est pas ce de quoi je veux parler avec vous. » Ils l'a regardent avec un air confus, tous les deux. « Qu'est-ce alors ? » Elle inspire profondément. Elle doit plonger sinon elle ne le fera jamais. « C'est par rapport à mes parents biologiques. J'aimerais les rencontrer. » Et là, Rosemay a l'impression d'avoir appuyé sur le bouton qui déclenche une explosion nucléaire. « Oh... » Sa mère a une main sur le torse comme-ci elle tentait de calmer son cœur qui bat à la vitesse. « Pourquoi ? Je veux dire pourquoi tu veux rencontrer ceux qui t'ont abandonnés ? » Son père se lève et s'approche de sa femme pour entourer ses épaules de son bras et lui prendre une main. « Chérie, calme-toi. Elle a tout-à-fait le droit de se questionner. » « Je veux juste savoir ce qui te pousse à vouloir les rencontrer, Rosemary. » Elle est en colère ou peut-être même déçue. Elle le sait lorsque sa mère emploie son prénom. « La curiosité, le désir de connaître les raisons qui les ont poussés à me donner à vous. Je vous aimes, mais je veux savoir la vérité. » Elle regarde tour à tour son père et sa mère qui se regardent. Ils communiquent par télépathie. « D'accord. Moi et ta mère allons en parler entre nous et on va te redonner des nouvelles, ok ? » « Ok. » Lorsqu'elle prononce ces mots, sa mère se relève et quitte le salon, les larmes aux yeux. Rosemary-Lys se sent mal, terriblement. « Maman... » Dit-elle en se relevant suivi de près par son père. « Donne-lui du temps, ma chérie. » Son père l'embrasse sur le front et emprunte le même chemin que sa femme il y a dix secondes, à peu près.
Kiev, Ukraine. Rosemary regarde dans tous les sens. Elle se trouve dans une petite pièce avec une seule fenêtre. Elle a l'impression d'être dans une pièce d'interrogatoire. Après dix minutes d'attente, elle entends - enfin - la porte s'ouvrir pour laisser entrer un homme dans la quarantaine. Il est Ukrainien. Sergueï Mikhaïlov. Son père biologique. Timide, Rosemary s'approche en tendant la main. Excepté que ce dernier décide de prendre son visage entre ses deux mains. « Боже мій. Tu ressembles comme deux gouttes d'eau à ta mère. Une vraie beauté. » Rosemary-Lys fronce les sourcils et essaie d'articuler le mot « merci », mais elle n'y arrive. Encore un petit instant et l'homme décide de lâcher Rose. « Elle n'est pas venue ou elle a du retard ? » Questionne-t-elle en regardant Sergueï dans les yeux. Elle a ses yeux. Elle le sait. Et lorsqu'elle lui pose cette question, il baisse la tête pour regarder le sol quelques secondes. « Ta mère... Ta mère est décédée, trois mois après ta naissance. » Un trou s'ouvre sous les pieds de la jeune femme. « Mon Dieu. » Le choc est visible, Rosemary cherche une chaise où s'asseoir. Elle a beau se répéter dans sa tête qu'elle n'est pas responsable, elle en a l'impression. Sergueï s'approche d'elle. « Ce n'est pas de ta faute. » « Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle ne voulait pas de moi ? » Il baisse à nouveau la tête. « Elle ne m'a jamais donné la véritable raison. Tout ce qu'elle m'a dit était que c'était impossible pour elle d'avoir un enfant à 19 ans. » Déglutissant avec difficulté, Rosemary regarde dans le vide. Elle sent les larmes lui venir alors elle décide de cligner des yeux à plusieurs reprises. « Est-ce qu'elle avait un tant soi peu d'amour pour moi ? » « Elle disait le contraire, mais je crois qu'au fond d'elle, Ivanna t'aimait profondément. » « Elle s'appelait Ivanna ? » Sergueï hoche la tête. Quel beau prénom. « Comment était-elle ? » « Comme toi. Tu es sa copie conforme excepté pour les yeux. Tu as les miens. Mais tu retiens d'elle. Elle était brillante, vive et forte. C'était une femme courageuse, mais terriblement bornée. » Il s'arrêta là pour fouiller dans sa poche de manteau pour en ressortir un porte-feuille dans lequel il retire une vieille photo qu'il tends à Rosemary. Celle-ci s'empresse de prendre la photo. La jeune femme photographié lui ressemble comme deux gouttes d'eau. « Elle est magnifique. » Rosemary laisse couler une larme sur sa joue avant de l'essuyer de son revers de main. « Oui, elle l'était. » Après ça, il reste dans un silence monstrueux alors qu'ils contemplent la photo. Rosemary ignore combien de temps ils sont restés dans un silence, mais elle sait que cela fait un moment. « Merci d'être venu. Merci d'avoir accepté de me rencontrer. » « Il n'y a aucun problème. Il n'y a pas un jour sans que je pense à ma première fille. Qu'est-ce que tu deviens, les trucs comme ça. » Ils se sourient. Elle doit partir. La rencontre est terminée. Elle lui dit au revoir et quitte la pièce en oubliant de lui rendre la photo de sa mère biologique. Tout le long du chemin de retour, elle n'arrête pas de contempler cette photographie. Ivanna, 1989.