Cher Journal,
C'est la toute première fois aujourd'hui, que je couche l'encre sur ta première page immaculée. J'ai aujourd'hui quinze printemps et c'est la faute de mon meilleur ami. Dis comme ça cela doit te sonner bizarre non? Mais, bon en fait à la base je trouve ça tellement risible d'écrire à un livre comme si je lui parlais. Je ne sais pas pourquoi, il m'a offert ce cadeau d'anniversaire là en me disant que cela m'aiderait à faire sortir mes craintes et mes peurs, mes doutes et mes angoisses plutôt que de les ruminer dans mon coin. Oh il a ajouté aussi que ça lui éviterai de me voir exploser au bout d'un moment. Je ne sais pas comment je dois prendre ça, d'un coté c'est mignon. Il se fait du soucis pour ma santé mentale. Je l'aime ce crétin enfin là c'est moi la crétine d'écrire ça. J'ai pas encore l'habitude, ne m'en veut pas, qui sait peut-être que bientôt nous serons inséparables toi et moi. Bon, je dois te laisser ma famille attends que je daigne les rejoindre pour cette réception en mon honneur. Ce que je hais ces banalités. J'aurai préféré passer ce moment avec lui mais, ces coincés ne le trouve pas assez bien pour ça. Il n'est pas du même monde que nous Aspen, évites-le. Mon cul. Je m'en fiche moi, il est tout pour moi. Allez allons faire des courbettes et des risettes à tout ce beau monde.
Cher Journal,
Me revoilà, il est plus de minuit et je ne suis pas mécontente de te retrouver. C'était blasant , je t'assures. Enfin, je sais que ma famille m'aime tout ça mais, j'ai parfois tellement l'impression de ne pas être née dans la bonne famille. Enfin, il y a un adage qui dit qu'on choisis ses amis et rarement sa famille. Je les aime aussi mais, c'est tout cet étalage de péteux qui me rebrousse le poil. Allez, je te laisse je m'en vais dans les bras de Morphée, à vite.
Je m'appelle Aspen, je suis née à Londres dans un famille de la noblesse anglaise. La noblesse, mon rang et l'argent moi, je m'en fiche. Disons que je pense que je n'ai pas besoin de tout ça pour être heureuse. Les meilleures écoles, les plus beaux atours, non je ne manque de rien mais, ce que je peux trouver ma vie ennuyante. Mon père est médecin, il est un virtuose du scalpel, il attends de moi que je suive sa voie. Si je n'étais pas fascinée par le fait de sauver la vie des gens, si je ne trouvais pas un coté altruiste à tout ça... Je pense que j'aurai choisi autre chose juste pour le plaisir de le contredire.Tout chez moi respire ce besoin de contradiction. Je ne sais pas j'ai le besoin et l'envie de me démarquer mais, pas grâce au cuir bien rempli de mes parents, de ma famille. Pas avec les titres de noblesses. Je veux juste avoir la chance d'exister et de réussir par moi-même, d'être fière de mes propres choix. Oh bien entendu, je ne renie pas celle que je suis mais, j'envie déjà celle que je vais devenir. Je n'ai pas d'histoires tristes à vous raconter, je ne devrais même pas me plaindre après tout j'ai une vie rêvée. Je sais que c'est de mauvais ton.
Cher Journal,
Non mais, tu ne me croiras jamais. J'ai passé une journée horrible. Il y avait ce dîner auquel ma présence était requise.Et ben tu sais quoi? On m'a officiellement présentée à mon futur fiancé!!! Non mais, tu te rends compte? Où va le monde, on est plus dans les temps archaiques de Mathusalem quoi... Mon père a du tomber sur la tête, un mariage de raison? Moi, jamais non mais, ils pensent vraiment que je vais me laisser passer la bague au doigt par un gars que je connais à peine, dont je sais rien et surtout que je n'aime pas. J'ai quitté la table au bout d'une demi-heure, outrée. J'ai appelé un taxi et je suis rentrée, tout simplement. Je ne veux rien savoir de ce plan pathétique, pas question. Je vais aller prendre un bain pour me détendre, je suis sous pression là. Je n'ai que 17 ans bordel. A quoi pensaient-ils?
Mes parents sont rentrés plus tard dans la soirée, excédés par mon comportement outrancier. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi les familles dans le genre de la mienne se croient bon d'arranger des mariages par cupidité, prestige ou autre. Je ne suis pas une pouliche qu'on offre comme un cadeau. Mon fiancé n'est pas horrible bien au contraire, il est même très beau garçon mais, ça ne fait pas tout. Et les sentiments bordel? On se marie et on apprend à s'aimer ensuite? C'est dépassé tout ça. Moi je veux trouver la personne, le gars qui me fera vibrer. Je veux épouser quelqu'un parce que celui-ci aura conclu qu'il ne peut pas passer sa vie sans m'avoir auprès de lui. Je ne crois pas au prince charmant et aux contes de fées loin de là mais, l'amour le vrai ça doit bien exister. Surtout, il n'est jamais arrangé, il vous tombe dessus comme ça sans qu'on ne s'y attende. Je suis fiancée bien malgré moi, j'ai supporté les entrevues, les discussions, bon il n'est pas inintéressant c'est déjà ça. Mais, on n'accroche pas. Enfin, je n'accroche pas. Un an plus tard je terminais le lycée, graduat en poche. J'allais entrer à la prestigieuse université de Oxford. Mes études de médecine, enfin le campus partir de chez papa et maman, vivre enfin et oublier cette sordide histoire de mariage pour un temps au moins.
Cher Journal,
Je sais, je sais je te délaisse beaucoup en ce moment mais, bon dieu ce que ma vie ici est trépidente. Entre les cours, les soirées entre amis, les fêtes d'étudiant, c'est de la folie à l'état pur. Ils sont revenus à la charge avec leur mariage bidon, moi qui pensait me dépétrer de cette situation. J'ai fini par le leur annoncer. J'arrête mes études pour m'engager à l'armée en tant que soldat-infirmière. Non mais, tu les aurais entendu au téléphone, d'après eux j'ai complètement perdu la raison. Bon c'est vrai ça paraît dingue comme ça mais, quand j'ai vu cette campagne pour le recrutement moi j'ai pas hésité un instant. Je te rassures, je n'oublierai pas de te prendre dans mes valises. Je pense que je n'aurai jamais autant besoin de toi que cette fois-là.
Ils l'ont mal prit, ils ne m'ont pas du tout soutenue. Servir sa patrie n'a aucune valeur à leurs yeux, surtout pour une fille. C'est fou, j'ai l'impression que rien de ce que je fais n'a de valeurs à leurs yeux. Cela me mine le moral alors que je devrais avoir tout pour être heureuse et pourtant je ne le suis pas. Allez savoir ce qui ne va pas chez moi. Je me suis engagée pour cinq ans. Cinq ans c'est beaucoup. Dans un premier temps, je suis restée sur le sol anglais, j'ai suivis la formation. C'était dur, compliqué, certains jours vous avez envie de tout abandonner. Mais, je m'accroche, je suis plus forte que ce qu'il n'y parait et surtout pas un seul instant je ne veux prouver qu'ils avaient raison... Dans deux mois je m'envolerai pour le Nigéria, je serais enfin sur le terrain. Je sais que ce ne sera pas facile tous les jours et que je ne pourrais pas donner de mes nouvelles aussi souvent que je le voudrais. Je sais que je lui manque beaucoup déjà pourtant notre amitié est si forte, toujours aussi belle. Qu'importe si l'on ne se parle pas tous les jours, si nous manquons des moments importants dans nos vies. On est soudé pour le meilleur et pour le pire c'est une des choses qui me permettent d'avancer chaque jours plus forte.
Cher Journal,
Heureusement que tu n'es pas fait de chair et de sentiments, sinon je pense que tu m'en voudrais à mort. Lui aussi il m'en veut finalement, je pense qu'il a perdu la patience. Mes lettres s'amenuisent et se font rares. Il comprends et à la fois il m'en veut tout de même. Pourtant, s'il se doutait un seul instant que cela me tue encore plus de ne pas avoir la possibilités de répondre aux siennes autant que je le voudrais. Je vis des choses exceptionnelles ici mais, pas que... Parfois les choses sont dures, le terrain c'est la misère, la peur, les pleurs et les lamentations, voir les autres tomber comme des mouches au combat c'est juste inhumain. A tout moment j'ai peur de basculer dans la folie. Heureusement depuis quelques mois, je suis au dispansaire. Je ne vais pas dire que tout en est plus facile, voir la souffrance des soldats blessés au combat, sérieusement il faut avoir le coeur bien accroché. Il y a ce soldat qui est arrivé il y a quelques jours, il a été blessé à l'abdomen par un tir de mortier. Il était vraiment dans un sale état mais, je pense que son état est stabilisé à présent. Comment s'appelle-'t'-il déjà? Ah oui c'est Loukas je crois.
Le Nigéria, un pays superbe si nous n'étions pas au front. Depuis quelques mois, j'ai laissé le terrain pour aider au dispensaire en tant qu'infirmière. L'état de Loukas s'améliore, il est en convalescence et je l'aide et le soutien comme je peux. Pourquoi est-ce que je parle de ce soldat plus particulièrement? Je ne sais pas... Je ne peux m'empêcher de sourire en pensant à lui, c'est peut-être parce qu'il me sourit toujours tellement quand on se croise. J'aime à penser qu'il tente de me séduire, je pense qu'il tente. Je suis un peu réticente, je sais que chaque personne qu'on laisse se rapprocher, on peut juste la perdre du jour au lendemain, surtout quand on est soldat. Cela fait des semaines qu'on se tourne autour, quand l'un fait un pas l'autre recule. On ne fait que flirter, rien de mal à cela. Oh j'ai appris que mon meilleur ami était amoureux aussi... Je suis heureuse pour lui, enfin je crois...
Cher Journal,
C'est mieux que tout enfin, je crois, ça m'enivre sa peau contre la mienne, nos nuits de débauches, j'ai craqué. Je lui ai cédé. Je m'en veux et en même temps ça me rends heureuse. C'est comme un petit coin de paradis au sein de la fournaise. Ce mec me rends dingue, je perds pieds à chaque fois qu'il me prend entre ses bras. Quelle quiche vraiment, cela ne me ressemble pas du tout de ressentir tout ça. Il me trouble constamment. Je n'arrive pas à lui résister et pourtant j'essaie. Mais, dès que ses lèvres se posent sur les miennes, je m'emballe. J'aime pas me sentir aussi faible que ça quand il est dans les parages... Bon, je dois te laisser des blessés viennent d'être amenés. J'ai du boulot.
Les mois ont passé, il est parti. Je n'ai juste pas compris. Pas un mot, pas une explication. Oui je sais il est soldat et il doit faire son devoir mais, de là à ne même pas me dire au revoir? Je suis sidérée, peut-être qu'après tout il n'a fait que s'amuser, que je ne comptais pas du tout... Je ne devais être qu'une partie de jambe en l'air, quelque chose d'amusant un temps, quelque chose à quoi s'accrocher en attendant. Je ne me laisserais plus jamais avoir de cette manière, c'est clair, l'amour c'est chiant, l'amour c'est con et les sentiments c'est pour les faibles. Deux mois plus tard après son départ le dispensaire se faisait bombarder. J'ai été blessée et rapatriée en Angleterre. Mon engagement était presque terminé. Quand je suis rentrée, après un rétablissement difficile, mes parents n'ont pas trouvé mieux que de relancer cette idée débile de mariage. Je n'y crois pas ce qu'ils peuvent être butés en soit. Je ne supporte plus je n'ai plus cette patience maintenant. J'ai mis des mois à me remettre de mes blessures et alors que j'aimerai juste retrouver une vie normale et paisible, ils font de mon retour le pire des cauchemars. Pensaient-ils réellement que j'allais rester fidèle à cette hérésie de mariage, que j'allais rester une petite fille bien sage. Ils ne me connaissent dans le fond pas, personne ne me connais, personne ne me comprends. Je suis seule et je l'ai toujours été. Dans les premières semaines, mon ami est venu me voir mais, il a sa vie maintenant, je n'en fais plus vraiment partie, du moins c'est ce que j'ai cru ressentir. J'ai de la peine mais, j'y survis. J'ai connu pire. Mais, je veux m'en aller, laisser l'Angleterre derrière moi. J'ai un oncle là-bas en Amérique. Il est d'accord pour m'héberger quelques temps, j'ai décidé de reprendre mes études mais, surtout de m'en aller sans prévenir quiconque. Juste échapper à ce destin dont je ne veux pas.