Deux foulées [Mallory]

Gentille, mais on ne joue pas.

C'était presque dommage - oui, seulement presque, à vrai dire, James n'était pas vraiment d'humeur a flirter ces derniers temps, et sûrement pas le matin. Il avait juste encore une fois cédé au réflexe hormonal qui veut que, quand une jeune fille se trouve à portée d'odorat, un mâle en pleine possession de ses moyens se sente le besoin de montrer son intérêt.

Toutefois, malgré sa génétique, il savait prendre un « non » tacite sans se départir de son sourire.
Mon dieu, tu en deviendrais presque gentlemen.
Conservant donc son expression - et ce sans même une pointe de froideur - il reprit la gourde, la glissant dans son sac avant de le replacer, fermé, sur son dos.
Puis il claqua un pied sur le bitume.

« Quoi ? On ne va pas sprinter pendant 12 kilomètres ? »

Sourire amusé, ton faussement surpris.
Puis il se reprend.

« Pas de problème, je te dirais bien de passer devant mais... »

Ce serais inconvenant, pervers, bas, dénué de la moindre délicatesse.

« ... je déteste me faire devancée. Au diable la chevalerie, dirais mon égo ! »

Clin d'oeil amusé, malgré la vérité cachée dans ce mensonge.
Tu espères lui faire comprendre que tu as saisi le signal ? Ne te lasses-tu donc jamais de ces petits jeux de non dit ?
James souris intérieurement. Non, il ne s'en laissait jamais.

« C'est parti ! »

Avec un sourire enfantin il prit les devant - sans toutefois partir sur les chapeaux de roues - gardant une foulée assez souple et lente, il s'offrit tout de même le plaisir immature de partir avant la jeune femme. Après tout, quitte à ne pas être le mâle lourdingue, autant être le gamin chiant !
Un nouveau genre de sourire marquait les lèvres de James, invisible pour celle qui le suivait, mais plein d'une joie si naturelle que toutes ses courbures de lèvres précédentes en paraissaient fausses.

Autant dire que Mallory éclata bien volontiers de rire face à son trait d’humour, dont peu de personne savait faire preuve à une heure aussi matinale. Excellent point pour lui face à quelqu’un qui conservait toujours sa bonne humeur qu’il pleuve, neige, vente ou fasse purement et simplement un radieux soleil. « Oh on peut tenter mais je crains que nous ne soyons pas capables de tenir en sprint pendant lesdits douze kilomètres ! » le suivit-t-elle dans sa lancée, sans perdre un millimètre de son sourire, toute amusée qu’elle était de voir l’orgueil masculin se dévoiler à son regard d’un bleu puissant. Peu étonnant bien évidemment, mais la jolie Eliot n’en fut pas offusquée, bien au contraire… n’était-elle pas entourée que d’orgueilleux, ne serait-ce qu’au sein de sa maison ? Il s’agissait presque d’une marque de fabrique à laquelle la belle blonde s’était habituée sans en être offusquée une seconde. « Mais ne me laisse pas la place et prouve donc ton égo cher partenaire ! » le taquina-t-elle de bon cœur avant de partir à son tour, tentant de suivre ses foulées régulières et amples avec autant de facilité et d’aisance qu’elle le put, remerciant le ciel de ne pas être rase-motte et entraînée depuis de nombreux mois à l’endurance. Dans le cas contraire, le rythme de James lui aurait parut impossible à suivre et Mallory en aurait très rapidement jeté l’éponge… « Belle foulée ! » commenta-t-elle au bout d’un moment tandis qu’elle le talonnait pour l’instant sans trop de peine.

A la base, la plupart des sportifs s'accorderaient à dire que discuter en courant n'est pas la meilleure idée du monde, cela coupe le souffle et provoque la sensation délicieuse que sont les points de côtés. Alors, pourquoi James comptait-il répondre à la jeune femme qui le suivait ? Par politesse premièrement - point très important à ses yeux - parce que rester silencieux provoquerait sans doute un silence absolument gênant pour lui comme pour elle... ce qui ne l'aiderait pas non plus à se concentrer sur son jogging.
Parce que maintenant qu'elle est sortie de ton champ de vision, tu peux lui parler sans avoir l'impression de la draguer ?

Aussi, mais il n'était pas près de l'admettre, encore moins à cette partie moqueuse de lui-même. La dernière raison était donc tout simplement qu'il en avait envie ! Après tout, si notre Lowel avait accepté de courir avec la dénommée Mallory ce n'était pas pour se taire sur tout le chemin. Un peu de logique voyons !
C'est vrai que tu es si logique dans ta vie... tu veux qu'on reparle de Caly ?

James ferma les yeux un instant, si ces réflexions n'avait duré que le temps d'une pensée - soit pas plus que quelques secondes - en sortir pris au moins autant, ce qui fit que sa réponse se faisait un peu attendre. Sortant toute trace de cet échange mental de sa voix, se concentrant pour parler durant ses expirations - ce qui, si cela lui donnait une voix saccadée, lui permettais surtout de ne pas perdre son souffle... donc pas de point de côté !

« Merci, j'ai longtemps été Linebacker... »

Inspiration.

« ...Mieux vaux pouvoir courir vite ! »

Il ralentit d'un demi-pas, se retrouvant au même niveau que la jeune femme.
Le sourire qui marquait les lèvres de James était son « masque » habituel, dénué de la joie enfantine si réelle qui le marquait quelques instants auparavant. Mais la joggeuse ne le connaissait pas encore assez pour savoir cela et, comme pour beaucoup de monde, il ferait sans doute l'illusion.

« Et toi, tu cours juste pour le plaisir ? »

Inspiration.

« Tu ne sembles pas avoir de kilo à perdre. »

Un compliment ? Mais dis donc, il ne faux vraiment pas qu'elle soit dans ton champ de vision !
Le jeune homme commençait sérieusement à se demander si ce n'était pas cette partie de lui, justement, qui serait en manque de présence féminine, après tout, il n'avait fait ça que par politesse. Et ce n'est pas comme si c'était de la pure flatterie, à voir la ligne de la jeune femme elle n'avait visiblement pas besoin de se tuer à la tâche... peut-être faisait-elle cela justement pour garder son corps actuel.

Après tout, on apprécie tous de pouvoir manger correctement sans se prendre la tête ! Un peu de course est le meilleur de tous les régimes et, en plus, il autorise les gâteaux au chocolat.
Une pointe de sa joie enfantine épiça son sourire à cette pensée.

Il n’était pas non plus habituel pour Mallory de parler en courant, et pour cause, c’était la toute première fois qu’elle possédait un partenaire de jogging. Mais depuis le temps qu’elle s’adonnait à ce petit plaisir défoulant, elle savait contrôler son souffle et, au même titre que James, garder des inspirations et expirations suffisamment saccadées pour éviter les sacrosaints points de côté. Pratique non ? « Mes félicitations ! » avoua-t-elle aussitôt lorsqu’il lui confia avoir été linebacker. La jolie blonde ne pouvait pas en dire autant mais peu importe. Un compliment n’a jamais fait de mal à personne, d’autant que la jeune Eliot le faisait sans arrière pensée ni désir d’obtenir quelque chose en retour. C’était donné sans désir d’obtenir un renvoi d’ascenseur de quelque manière que ce soit… une rareté de comportement dans le monde qu’elle côtoyait au jour le jour, du reste. « Juste pour le plaisir, c’est une passion » reprit-elle néanmoins à la question du jeune homme, s’étant arrêtée de parler pour reprendre le contrôle de son souffle sans pour autant mettre de côté l’interrogation dont il venait de la gratifier. « Tout le monde ne court pas pour perdre du poids tu sais » plaisanta-t-elle de bon cœur, agrandissant temporairement son sourire alors que désormais, James courait à ses côtés, état de fait beaucoup plus pratique pour avoir une conversation digne de ce nom, même en effectuant un effort d’endurance. « Tu ne sembles pas avoir de kilos à perdre non plus d’ailleurs ! » s’exclama-t-elle pour poursuivre sur sa lancée à lui, toujours aussi taquine qu’elle savait si bien être.

Sourire, une pointe de fierté, une autre d'amusement.

Elle n'avait pas tort, et en parler avait remis en tête toutes ces douces années de Football à James, les premières, si joyeuses, les autres, plus violentes. L'avantage des sports d'équipe ? Cache match est une histoire a raconter, défaite ou victoire, écrasante ou sur le fil, qu'importe, chaque partie à ces moments magnifiques, drôles ou carrément pathétiques - ce qui après un certain temps finit souvent dans la catégorie « drôle » - il jeta un regard en coin sur la jeune fille courant à ses côtés.
James ! Parle et ferme les yeux !

Pour une fois, sa conscience était plus proche de ses pensées que d'habitude, courir lui faisait souvent cet effet, comme si ses pas avalaient les mètres de route et ceux de ses murailles mentales au même rythme, le rapprochant de ce mythe qu'est le « vrai lui ».
Pas vraiment n'est-ce pas ?

Non, cela limait juste les conventions sociales plus loin de ses instincts, de ses pensées brutes : plus de franchise, moins de politesse.
Mais bon, il n'en devenait pas pour autant un animal... pas en courant. Mettez le sur un terrain de foot et on en reparle.

« Certains le font pour ne pas prendre de poids. »

Inspiration.

« Moi, on va dire que c'est de la remise en forme... »

Inspiration.

« Et du nettoyage de pensée. »

Il offrit un sourire à la jeune fille.
C'était tout à fait vrai, James faisait partie de ces personnes qui ne supportent pas les pensées parasites et qui, comme beaucoup, en a plus que son compte. Il avait l'avantage d'avoir trouvé le sport pour les supprimer et l'art pour les sortir, les mettre sur une toile, les sculpter dans l'argile, les écrire envers, les tracer à la pointe d'un crayon.
C'est moi que tu cherches a faire taire ?

Sourire enfantin, il accéléra une seconde avant de ralentir, laissant le temps à cette expression de disparaître, trop proche de ce qu'il ressent pour être si facilement découverte. Elle aurait pu l'apercevoir, mais, en plein jogging, la jeune femme avait sans doute autre chose à faire.

James n'a pas l'habitude de se révéler, pas plus qu'il ne se préoccupe de l'avis des autres, c'est souvent ce qui bloque ses relations « amicale » au point mort. Il prit une inspiration un peu plus profonde que les autres.
Aller James, ça ne va pas te tuer de poser une question.

« Tu vois ce que c'est non ? Avoir besoin de... faire le vide. »