« Cherche pas, si je te demande, c’est seulement pour te donner l’impression que tu as le choix. »

Thaïs & Aaron

Le retour de Punta Cana a été laborieux, davantage dans le fait de devoir se remettre au travail. Les étudiants restaient au moins aussi dissipés que moi. Mais peu à peu, j’arrivais à reprendre mon sérieux. La preuve en est : aujourd’hui, je travaille dans la bibliothèque universitaire. J’ai besoin de travailler mes cours, et dans la mesure où j’ai encore une heure à donner en fin de journée, il me paraît comme inutile de retourner jusqu’à moi pour finalement repartir. Et, comme il fait beau, une bonne partie des grandes tables sont libres. Je m’installais à l’une proche de la fenêtre comme si je voulais me dégoûter un peu plus. De toute façon, je suis irlandais. J’ai tendance à fuir le soleil comme un vampire.

Mon ordinateur portable en face de moi, je pianote sur le clavier tout en prenant des notes sur des feuilles à part. Oui, si j’ai beaucoup de mal à me mettre au travail, une fois que cela est fait, on a dû mal à m’en sortir. J’oublie un instant que j’ai donné rendez-vous à Thaïs. Je dois lui faire part de l’une de mes idées, même si je suis sûr à quatre-vingt-dix-neuf pourcent qu’elle refusera. Mais je compte bien insister. Je m’attends presque à ce qu’elle me crie dessus, d’où l’endroit stratégique : dans la bibliothèque, elle ne pourra pas hausser le ton, ni me frapper. Oui, je sais, je pense à tout.

- Thaïs, par ici !
- Chut !
- Roh c’est bon, désolé.

Je lève les yeux au plafond. Qu’est-ce qu’ils peuvent être énervantes ces têtes d’ampoule ! Je pose mon regard sur Thaïs qui vient d’arriver. Je prends une gorgée de mon café, indispensable pour travailler.

- Merci d’être venue. Tu vas bien ?

BY .TITANIUMWAY

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Il est évident que Thaïs n’aurait pas pu refuser à Aaron l’entrevue qu’il lui avait demandée même si le lieu l’avait étonnée : la bibliothèque, pour endroit pour parler, il y avait plus pratique. Mais bien loin de faire la plus petite réflexion, elle s’était contentée de venir, armée autant de sa canne d’aveugle que de son sempiternel sourire radieux. Elle demanda à l’un des responsables de l’aile de la bibliothèque où elle avait justement rendez-vous s’il avait aperçut le profession Connor, et le jeune homme l’accompagna jusqu’audit professeur qui l’attendait déjà, lui faisant même signe à l’aide d’une phrase qui agrandit son sourire, surtout qu’il se faisait rabrouer au passage le pauvre… « Mais je t’en prie, tu sais bien que je viens toujours avec plaisir ! » murmura-t-elle avec discrétion histoire de ne pas se prendre une réflexion dans les gencives à son tour. « Tout va bien j’espère, tu n’as pas de problème ? »

(Invité)

« Cherche pas, si je te demande, c’est seulement pour te donner l’impression que tu as le choix. »

Thaïs & Aaron

J’observais Thaïs qui s’installait en face de moi avec son éternel sourire radieux sur le visage. Je ne me lassais pas de la contempler à chaque fois qu’elle l’affichait. Probablement savait-elle qu’il faisait craquer bon nombre de personnes un minimum douées de sentiments. Je sortais cependant de mes pensées au moment où elle me demanda si je n’avais pas de problème.

- Non, aucun, je te rassure.

J’esquissais un sourire, bien qu’un peu anxieux. Le fait est que je cherchais les bons mots afin de lui expliquer mon projet, afin que cela soit le plus compréhensible et le plus convaincant possible. Mes mains jointes, je jouais avec mes doigts avant de laisser apparaître sur mon visage un air sérieux. Après tout, je ne suis pas connu pour tourner autour du pot, mais bien à rentrer dans le tas. Donc autant aller droit au but maintenant.

- Ecoute Thaïs, j’ai beaucoup réfléchi et… bon, avant de dire non, car je suis presque sûre que tu refuseras, je veux que tu pèses le pour et le contre. Bref, il faut vraiment que tu te poses un instant pour y réfléchir avant de me lancer un non catégorique et…

Effrayant, n’est-ce pas ?

- Veux-tu m’épouser ?

Gros blanc. Je l’observe tout en me retenant de rire. Bien évidemment, je plaisante mais disons que c’est davantage pour contraster avec le ton sérieux que j’avais employé. Et puis, voir son visage se décomposer, c’est juste hilarant. Finalement, je ris de bon cœur.

- C’est bon, je rigole ! Non, plus sérieusement, j’ai beaucoup réfléchi à cette opération et au prix de cette dernière. Et… il se trouve que… j’ai la maison en Irlande que mon ex-femme et moi voulons vendre dans la mesure où nous n’y habitons plus. Et sincèrement, je n’ai pas besoin de cet argent. Je me disais donc que… ça pourrait payer ton opération.

BY .TITANIUMWAY

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Autant dire que malgré tout le respect éprouvé par Thaïs à l’encontre d’Aaron, l’entendre la noyer dans un long discours lui donna presque envie de lui dire d’accoucher de sa pensée et vite en plus. Il n’existait rien de plus stressant dans le genre même si la blondinette ne perdait aucunement son sourire, laissant les battements de son cœur gagner en vitesse tandis qu’elle attendait enfin la chute… qui lui fit presque s’étrangler en avalant sa salive. « Pardon ?! » s’exclama-t-elle en clignant à plusieurs reprises des yeux, éberluée par une telle question. « Ce n’est pas drôle ce genre d’humour Aaron, heureusement que Caleb ne t’a pas entendu » se permit-elle toutefois d’en rire car heureusement, la demoiselle avait un sens de l’humour plutôt développé. Heureusement pour le professeur, à vrai dire ! « Tu veux payer mon opération ? » Cela pouvait paraître diablement stupide de poser la question alors qu’il avait été très clair dans ses propos mais pour Thaïs, c’était tellement impensable, que dis-je, irréel qu’elle avait besoin de s’entendre le questionner à ce sujet. Un pur réflexe. « Je ne peux pas accepter… tu te rends compte, il s’agit de ta maison et de celle de ton ex-femme, cet argent pourrait t’aider à… je ne sais pas moi, reconstruire quelque chose ici pour que tu t’y installes ! Je vais me sentir dans la peau de celle qui pourrait te priver de l’un de tes rêves… non franchement ce n’est pas pensable une seconde. »

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« Cherche pas, si je te demande, c’est seulement pour te donner l’impression que tu as le choix. »

Thaïs & Aaron

- Oui, je veux payer ton opération.

Cela semblait tellement fou à ses yeux qu’elle ressentait le besoin de m’entendre prononcer cette phrase simple et claire. Oui, c’était ce que je souhaitais. Probablement peut-on trouver cela stupide dans la mesure où Thaïs et moi ne nous connaissons pas depuis très longtemps et qu’une telle somme d’argent est toujours assez compliquée à gérer. Cependant, j’en ressentais réellement le besoin.

D’une part, j’avais cette impression que ma vie ne rimait plus à grand-chose. Si je tâchais d’avancer et de tourner la page, je n’en restais pas moins un homme détruit par la mort de son enfant. A mes yeux, ma vie s’était terminée au même moment que la sienne. Je n’arrivais plus à faire de projet, je n’avais plus goût à quoi que ce soit pour me donner le courage d’aller de l’avant. Et si je pouvais sourire et profiter, au plus profond de moi-même, je n’étais plus qu’une enveloppe charnelle que l’âme avait fui. D’autre part, Thaïs représentait la personne de mon entourage qui avait le plus besoin de cet argent. Cette somme pouvait lui permettre de changer sa vie en partie, tout en conservant les éléments les plus importants. Je n’avais plus la chance de voir Isaac désormais. Weyss, elle, avait l’opportunité de pouvoir voir le visage de ses jumeaux à venir. Si pour ma part je n’avais plus cette possibilité mais que je pouvais la lui offrir, je ne pouvais pas hésiter une seule seconde.

- J’ai un bon salaire pour vivre aisément, si ce n’est plus. Que veux-tu que je fasse de cet argent ? Mon unique rêve, tu le connais. Et je ne peux pas le réaliser. Je ne peux plus. On sait tous les deux que même avec la meilleure volonté du monde, lorsque l’on perd un enfant, on ne fait plus que survivre. Les projets, ils sont très loin, voir inexistants. Donc cet argent ne me servira jamais. Alors que si je te le donnais…

Oui, mon unique rêve avait toujours été de voir mon fils grandir. Et je refusais d’entendre Thaïs m’assurer que je ne devais pas penser ainsi, que tout finirait bien par s’arranger pour moi et qu’un jour, j’arriverais à faire de nouveau des projets. Je refusais de l’entendre me dire tout ça, car elle comprendra bien assez tôt, en tenant ses enfants dans ses bras que si elle venait à en perdre un, elle n’arriverait jamais à se reconstruire totalement.

BY .TITANIUMWAY

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Thaïs n’en croyait pas ses oreilles. Pour sûr, elle ne s’était pas attendue à ce qu’Aaron lui propose une telle chose non seulement parce que ce n’était pas son rôle et parce qu’aux yeux de l’irlandaise, il trouverait forcément un moyen de l’utiliser à bon escient. La blondinette était bien trop altruiste pour juste accepter une telle somme d’argent, qu’elle ne serait en prime sûrement jamais en mesure de lui rendre. Thaïs ne voulait pas blesser cet homme qu’elle considérait désormais comme un ami et rêvait de voir à nouveau heureux… si seulement une telle chose était faisable ! « Mais Aaron je ne serais sûrement jamais en mesure de te rendre une telle somme ! » s’exclama-t-elle à voix suffisamment basse pour que le professeur soit le seul à l’entendre. « J’ai bien conscience qu’en théorie tu ne peux pas réaliser ton rêve et que cet argent me rendrait la vue et la possibilité de protéger mes enfants, mais… j’aurais toujours l’impression de t’avoir privé, toi, de quelque chose. Je n’arrive pas à être suffisamment égoïste pour ça » avoua-t-elle en toute sincérité car Thaïs tenait à ce qu’il ait son ressenti. A ce qu’il comprenne, lui aussi, ce qu’elle vivait actuellement et le dilemme s’opposant à elle.

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« Cherche pas, si je te demande, c’est seulement pour te donner l’impression que tu as le choix. »

Thaïs & Aaron

Lorsque Thaïs m’expliqua qu’elle ne pourrait jamais me rembourser une telle somme d’argent, je levais la main dans un geste franc afin de lui faire signe de stopper là sa parole. Je n’attendais pas d’elle qu’elle me rembourse ne serait-ce que d’un centime, comme je n’attendrais jamais rien d’elle en échange. J’aime donner sans nécessairement recevoir par la suite. Il ne s’agissait pas là de n’importe quel projet. Si effectivement, elle souhaitait que j’utilise cet argent à bon escient afin d’être heureux, alors je me devais de le lui offrir. Car lui donner la possibilité de retrouver la vue et ainsi voir toute sa famille serait certainement la plus belle chose que j’aurais pu aider à accomplir. Je n’avais plus la possibilité de voir mon fils. Permettre à Thaïs de voir ses enfants me rendra heureux, sans l’ombre d’un doute.

- Quand t’ais-je demandé de me rembourser ? A aucun moment. Je ne veux pas te prêter cet argent, mais te le donner.

Je savais que le prêt serait peut-être mieux passé que le don. Seulement, nous savions tous les deux qu’à moins de gagner au loto, Thaïs ne pourrait jamais me rembourser cet argent. Voilà la raison pour laquelle je souhaitais donc lui faire cadeau de cette somme, en sachant également qu’elle ne risquait pas de l’accepter aussi facilement. Le fait est que je suis un homme particulièrement têtu. Et si je dois insister nuit et jour, je le ferais. Ma décision était prise, non pas à la légère mais avec attention. J’y avais mûrement réfléchi et ne comptais pas revenir sur ce sujet.

- Je comprends bien tout cela. Mais si je te dis que cet argent, s’il est utilisé pour te rendre la vue, ça me rendra heureux ? C’est bien la meilleure façon dont je puisse l’utiliser, tu sais ? Ce que je ne peux plus accomplir, je peux t’aider, toi, à le faire. Tu ne crois pas qu’à mes yeux, ça serait la plus belle des sensations que de savoir que j’ai contribué au bonheur d’une famille alors que je ne peux plus me complaire dans la mienne ?

BY .TITANIUMWAY

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Thaïs se stoppa en sentant Aaron lever la main. Elle n’avait pas besoin de le voir pour sentir qu’il ne souhaitait pas l’entendre argumenter davantage. Cependant, lorsque le professeur lui confirma vouloir lui donner cet argent, la blondinette n’en n’eut les yeux que plus écarquillés encore qu’elle ne les avait déjà. « Il faudrait que tu m’expliques en quoi moi je mérite plus un tel don que n’importe lequel de tes autres proches » admit-elle, très peu habituée à ce que l’on lui tende une telle main sans rien attendre en retour. L’irlandaise avait grandit dans un monde tellement avare, ne serait-ce que de tendresse, qu’elle s’attendait toujours à la venue du couperet… où pouvait donc être le piège ? Aucune idée. Aaron semblait diablement sincère et jamais il ne s’était montré intéressé face à elle, non jamais. Il l’avait sauvée, soutenue, écoutée et ne lui avait demandé son aide qu’une fois, le jour de l’anniversaire de son fils. Une incroyable relation de confiance s’était instaurée entre eux et Thaïs ne l’en respectait que davantage… mais là, elle avait purement et simplement du mal à s’imaginer accepter une telle somme. « Tu es au courant qu’avec le tempérament que j’ai, je vais vouloir te rendre la pareille d’une manière ou d’une autre ? Je n’accepterai pas cet argent avant que tu ne m’aies au moins donné une piste pour te renvoyer l’ascenseur. Je n’y arriverai pas autrement, je me connais… »

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« Cherche pas, si je te demande, c’est seulement pour te donner l’impression que tu as le choix. »

Thaïs & Aaron

- Parce qu’ils n’ont pas besoin d’une opération pour recouvrer la vue. Et ils n’attendent pas des jumeaux.

Thaïs semblait réellement surprise de voir quelqu’un lui tendre ainsi la main sans rien attendre en retour. J’aurais agi de la même façon, il y a quelques temps, car j’étais persuadé que l’Homme était désormais dépourvu de bon sens, mais pas d’égoïsme. Seulement, depuis que j’avais fait ce tour du monde qui m’avait permis de rencontrer des peuples marginaux à travers le globe, j’avais appris que l’Homme peut encore faire preuve de bonté. Là-bas, ma vision de la vie avait complètement changé. Chez eux, la corruption, l’égoïsme et la jalousie sont des mots et des sentiments inconnus.

- Tu sais que tu es têtue ? On parle de Caleb mais toi… t’es affreusement bornée.

Un de mes sourcils se haussa avant de soupirer. Thaïs était capable de rester campée sur ses positions malgré de nombreux arguments. Et si je trouvais ça attendrissant en temps normal, aujourd’hui, ça me donnait presqu’envie de lui hurler dessus. L’argent, c’est factice. Et puis, il y a plus important dans une vie. Ca aussi, je l’avais compris avec mon voyage. Mon regard se planta dans celui de la jeune femme avec un brin de sévérité.

- Accepte déjà cet argent. Et ensuite je te dirais. Deal ?

Je lui tendais la main pour la lui serrer si elle venait à accepter le marcher.

Spoiler:

BY .TITANIUMWAY

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Tous les arguments d’Aaron faisaient l’effet d’une massue sur Thaïs, il fallait bien admettre. Pour la première fois de son existence, elle ne pensait pas uniquement à l’altruisme la caractérisant si bien mais plutôt à l’éventualité de retrouver la vue et ainsi de pouvoir gérer au quotidien une fois que les jumeaux seraient nés. Autant dire que l’irlandaise se trouvait plongée en pleine perplexité, comme l’attestait l’expression actuelle de son visage et fatalement, sans plus réfléchir, elle se surprit à prendre la main du professeur dans la sienne. « Je crois que nous sommes deux personnes très bornées… pas vrai ? » s’amusa-t-elle à répondre sans oser prononcer ce fameux « oui » à voix haute même si le geste qu’elle venait de faire en disait bien long. Si Aaron savait lire entre les lignes, sûrement comprendrait-il qu’elle acceptait mais qu’elle avait peur. Comme n’importe quel individu s’étant trouvé privé d’un sens très important et ayant une chance de le retrouver… la suite de la journée ? Thaïs n’eut de cesse de vouloir le remercier, bien évidemment…

TOPIC FINI.

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