CTRL+V ❥ parce que nous sommes beaucoup trop curieux.

❝ Un apres-midi avec les gens qu'on aime ❞

Il n'y avait aucun homme plus étrange que celui-ci, à fixer d'un air noir un billet de banque. Sincèrement, qu'est-ce qu'un vulgaire morceau de papier lui avait-il bien fait ? Le simple fait de payer pour lui et sa femme lui arrachait-il à ce point le cœur ? Tandis qu'il le tendait au serveur, qui éprouvait toujours un certain attrait pour les attributs féminins d'Ève, celui-ci n'étant aucunement concentré commit l'irréparable. Le mauvais geste au mauvais moment, la mauvaise distraction au mauvais moment. L'épaule de Minnie n'étant plus très loin du plateau, il suffisait d'un rien pour que la collision ait lieu, et ce rien ne tarda aucunement à se manifester. Un cri, des excuses... Une tâche considérable se trouvait désormais sur l'épaule de sa meilleure amie, sous le regard furieux de Jung. D'autant plus étrange lorsque l'on se rend compte qu'il passe de l'indifférence totale à ce genre de comportement... Après lui avoir demandé si tout allait bien, il dialogua dans une langue inconnue à la rousse, qui tourna la tête à ce moment-ci, se sentant de trop. Un petit soupire marqua sa lassitude lorsque l'employé promit de lui ramener une seconde tasse de chocolat, puisqu'il était tout à fait en tord.

À peine Ève eut-elle le temps de reporter son regard sur le couple qui semblait bien plus proche depuis que Jung posa sa main sur celle de sa femme, que Min se leva, lui demandant de l'accompagner. L'étudiante, heureuse de pouvoir se dégourdir les jambes, se leva d'un bond tout en rajustant sa longue robe bohème et la talonnait. Les œillades insistantes du serveur ne lui firent ni chaud ni froid, même pas une minuscule émotion : celui-ci venait tout de même de se conduire très peu professionnellement ! Songeait malgré son manque évident de neurone la jeune femme, tout en promenant son regard sur les autres clients. Quelques férus de lectures se délectaient de leur passion dans un coin, sirotant un Monaco ou un simple café... Les habitués se plaçaient au bar, carburant déjà au blanc tout en s'échangeant les nouvelles du matin, tandis que les tourtereaux exprimaient leur amour en public, s'embrassant avec toute l'ardeur que l'on possédait à cet âge, leurs mains s'entrelaçant, leurs langues jouant un ballet effréné. Tout en se mordillant la lèvre inférieure avec envie, elle les observait. Qu'elle rêvait que ce soit Shiloh et elle ! Même s'ils venaient de se rencontrer, elle éprouvait pour lui une attirance qu'elle espérait réciproque.

Les deux amies pénétrèrent ensemble dans les toilettes réservées aux femmes, dans le but de faire disparaître la disgracieuse tâche. Visiblement, la somptueuse brune semblait être exténuée par sa journée, si bien qu'elle se passa de l'eau sur le visage au lieu de s'affairer à son dessein. Kennedy profitait de ce moment de répit pour s'apprêter comme il le fallait. Une large dose de fushia rejoignit ses lèvres pulpeuses, qu'elle estompa avec modération tout en s'admirant avec une once de fierté qui retomba bien vite à la vue du visage naturelle de sa meilleure amie. Elle qui avait toujours associé beauté et maquillage, elle tombait de haut, et constatait à son grand dam que les plus belles personnes ne s'enduisent aucunement d'artifices. Avec une pointe d'amertume, qu'elle réfléchissait à la réponse. Mais la remarque de Minnie en appelait-elle une ? Ou n'était-ce qu'une simple remarque ? « Si tu savais le nombre de types qui ont le même regard pour... moi. Enfin, pas vraiment moi, plutôt... » Elle ne put aller au bout de son idée et soupira de plus belle. « J'préfèrerai sincèrement que quelqu'un se rende compte que je suis pas qu'une imbécile qu'on peut mettre dans son lit facilement... Certes, je suis bête, j'sais presque rien faire correctement, mais j'ai des... » Après un bref silence pendant lequel elle se recoiffa légèrement, elle poursuivit. « quand même des sentiments. »

Cependant, sa question lui réchauffait le cœur, lui donnant l'impression que l'on pouvait se soucier d'elle. Beaucoup plus guillerette, et prenant son sourire des beaux jours, l'étudiante se lança dans ses explications avec un entrain que beaucoup appréciaient. À défaut de pouvoir mener une conversation avec brio, elle avait le chic pour faire rire et amener la bonne ambiance. « Oh! À une soirée organisée par mes parents, mon père m'a présenté quelqu'un. Le fils d'un autre grand roi des finances... On a sympathisé et... » Ne pouvant s'empêcher d'émettre un petit rire tant l'excitation qu'elle ressentait ne demandait qu'à exploser. « Je crois que... je ressens un truc. » Ponctua-t-elle tout en conservant une part de mystère. Devait-elle lui dévoiler son nom ? Etait-ce nécessaire ? Après tout, pourquoi pas !