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absence de mot, envol des mauxfiche par ©century sexIl n’y avait franchement rien de plus effrayant que la nouveauté. Pour un homme qui avait vécut toute sa vie en vase clos, en famille et puis en solitude, ici, il y avait un nombre abusif de nouvelles têtes. Tous semblaient faire partie d’un mécanisme bien huilé, allant de gauche à droite sans jamais lever le regard de leurs appareils électroniques. Il faudrait que je pense à m’en acheter un, d’ailleurs. Pour la première fois de ma vie, j’allais habité hors de mon Canada natale et l’idée seule suffisait à convaincre mon coeur que j’avais sans doute fait une erreur en assumant que je pouvais le faire, que le changement n’avait rien d’effrayant. La xénophobie me resserrait chaque seconde un peu plus l’étau autour de ma gorge. Ah, je voulais retourner chez moi. Le football américain m’avait offert une bourse sportive pour étudier où je le souhaitais et mon coeur c’était arrêté sur Harvard, pour des raisons académiques et puis pour des raisons de naïveté amoureuse. Elle était sans doute ici quelque part, mais je ne l’avais jamais sentie si éloigner. Je secouai la tête, il me fallait trouver un logement d’abord, ma maison, celle des Winthrops. Mes lourds sacs encombraient mes épaules et arquaient mon dos de manière douloureuse. Je grimaçais en chaque nouveau pas. «Bonjour pouvez-vous...» J’interrogeai la première venue, mais elle ne s’arrêta pas à ma demande. La seconde suivante je me faisais heurter par l’épaule d’un autre. L’étau se resserra. Il y avait trop de monde. Je me précipitai dans la marge, à droite, ne voulant plus faire partie de la circulation rapide. Je trouvai un banc libre et m’y assis pour réfléchir, pour calmer mes nerfs à vives. Je plongeai ma tête dans mes paumes et clos les yeux un instant trop court pour être revivifiant. Un mouvement sur le banc et je me redresse. Une femme vient de s’assoir à mes côtés, dans l’espace presque trop étroit pour accueillir plus d’une personne. Son audace me fit sourire. Et puis c’était le seul banc visible à des kilomètres, il fallait bien le partager. Elle était peut-être le guide que j’attendais. «Je vous en supplie, dites moi que vous n’êtes pas nouvelle et que vous pouvez m’aider à retrouver mon chemin.» Je plongeai mes yeux dans les siens. Son regard était noir et magnifique, intriguant dans sa simplicité et profondeur. «Franchement personne ne m’avait dit que ce serait si...» Je glissai ma main à mon collet, le tirant vers l’extérieur pour libérer mon cou. «C’est moi où l’air est vraiment sec actuellement, j’ai du mal à...» La chaleur encombrait mon corps entier, rendant mes muscles sensibles à tout mouvement. «Vous arrivez à respirer vous?»
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