Avant que je ne me lance dans de grands discours sur moi-même (ma vie est des plus intéressantes, et je pense pouvoir dire sans fausse-modestie que… je suis parfaite !), je voudrais vous dresser rapidement un portrait de moi, juste pour que vous vous fassiez une idée sur ma personne. Evanna Cheyenne Xander, pour vous serv… pourrir la vie ! Qui pourrait rêver mieux comme amie ? Physiquement, j’ai été gâtée par mère nature, ma plastique est naturelle. Des cheveux blonds et doux comme la soie, un regard qui saurait vous charmer, une marche de déesse avec le léger déhanché qui fait toute la différence. Osez dire que je ne suis pas digne des plus beaux défilés de mode, et vous tâterez de mes talons aiguille ! Eh oui, j’ai le caractère qui va avec. Je ne suis pas colérique, non, il en faut beaucoup pour me pousser au-delà des bornes que je me suis fixée, mais je ne vous inviterai pas à jouer à ce petit jeu. Disons pour faire simple que voici ma recette : un brin de folie, une once d’excentrisme tout en élégance et un zeste de jovialité. Je vais rarement vers les autres (que voulez-vous, je n’ai jamais été habituée à courir après les autres), ce sont plus souvent les autres qui viennent à moi. Le premier abord me fixe sur qui vous êtes : si je ne peux pas (ou ne veux pas) supporter quelqu’un, je le lui fais rapidement sentir. Mais libre à vous de venir tenter votre chance. Qui sait ? Peut-être qu’en rencontrant de vrais amis, qui sauront m’accepter et surtout pardonner mes maladresses, je devrais arriver à m’intégrer !
Maintenant que vous pensez m’avoir à peu près cernée, je vais vous conter une histoire. Mais pas n’importe laquelle : la mienne. Et ça peut vous sembler étrange, mais tout n’a pas toujours été rose. Surtout avant ma naissance à vrai dire. Ma mère, Carolina-sans-nom à cette époque, puisqu’elle était orpheline, avait commencé dans la rue. Elle accumulait de petits boulots rémunérés à coups de lance pierre et peu gratifiant. Elle n’était pas fière, mais elle était comme la plupart des jeunes : fauchée. Elle était vraiment jolie (pour avoir vu des photos d’elle à cette époque), et elle attirait les regards dans le petits café dans lequel elle servait de bonne à tout faire. Elle m’avait soutenu en riant qu’elle en profitait parfois pour améliorer ses techniques de dragues, qu’elle allait ensuite essayer sur des gens… de son âge (c’était un point vraiment très… embarrassant je dirais). Sauf qu’il n’y avait pas que de vieux croutons dans ce café. Ce fut là-bas qu’elle connut mon père.
Ils avaient tous deux une vingtaine d’années à l’époque, et il était déjà gérant d’une grosse entreprise. Stephen Xander de son nom. A vrai dire, ma mère avait été d’avantage attirée par l’argent qu’il pouvait lui donner que par autre chose. Elle ne l’aimait pas vraiment, mais il devint son petit ami. Elle ne l’aimait pas plus, mais il devint son amant. Il la couvrait de cadeaux (comme une maison avec piscine, des bijoux, des livres dont ma mère raffolait,…) et il était d’une douceur sans pareille d’après les poèmes écrits de sa main pour ma mère que j’avais lus. Mais ma mère avait trouvé quelqu’un pour l’entretenir, et elle le grignotait peu à peu. C’est dans cette ambiance à la fois naïve et dangereusement calculatrice que mes parents apprirent ma naissance prochaine. Mon père était ravi, ma mère un peu moi. Il paraissait qu’elle n’arrêtait pas de se plaindre dès qu’elle prenait quelques grammes, ce qui arrivait assez souvent. Mon père haussait les épaules en lui disant qu’elle embellissait à chaque nouvelle journée passée.
Huit plus tard, je montrais le bout de mon nez. J’étais un bébé relativement menu (eh non, je ne vous donnerai ni mon poids ni ma taille, qu’en auriez-vous à faire ?). Mon père, dans un moment de bonheur suprême, la demanda en mariage, ce que ma mère accepta de bonne grâce. Il lui annonça à ce moment-là qu’il avait un poste de direction d’entreprise qui se libérait, et il lui proposa d’en prendre la tête. La paresse de ma mère ne pouvait être supplantée que par son ambition : être projetée ainsi dans les hautes sphères sans avoir jamais travaillé de sa vie ! Elle s’imaginait ce travail facile, elle devrait juste répondre à deux trois coups de fils et signer un peu de paperasse. Mon père était inconscient : elle faillit couler sa boîte. Cependant, ensemble, ils trouvèrent des idées, et ma mère apprit tout sur le tas. Les employés avaient presque été retenus de force par mon père qui doubla, voire tripla les salaires. Et ma mère commença à faire ses preuves. Il n’y avait plus de paresse : elle adorait son nouveau travail, elle avait lié beaucoup de liens sociaux, et tout le monde la respectait. Je pense toujours qu’ils étaient trop bons avec elle. Elle était véritablement ingénieuse quand elle se donnait la peine, et l’entreprise gagna rapidement en taille. Les investisseurs se faisaient nombreux, de moins en moins rebutés à l’idée qu’une femme soit aux commande puisqu’elle gérait mieux les soucis que les hommes. Et advint ce qui devait advenir : l’entreprise de fabrique de pièces détachées d’avions de mon père se retrouva supplantée. Il avait déjà une entreprise énorme, mais l’autre devint gigantesque.
J’avais sept ans lorsque ma mère partit, trainant une valise derrière elle et m’emmenant loin de mon père. Elle l’avait quitté. Pourquoi ? Eh bien simplement parce qu’il ne gagnait plus assez à son goût. Elle m’avait laissé seule avec lui, j’étais un fardeau pour elle. Mon père prit soin de moi pendant trois ans. Trois longues années pendant lesquelles tout ce que je voyais de ma mère, c’était l’image de son succès à la télé, trois ans pendant lesquels je fus vide. Elle ne m’aimait peut-être pas beaucoup, mais elle restait ma mère !
Je n’allais pas à l’école, je ne me faisais pas d’amis : à quoi ça servirait ? De toute façon, ils feraient tous comme elle : ils s’en iraient un beau jour ! J’étais amer, et j’étais devenue rebelles et récalcitrante avec mes professeurs particuliers et les quelques domestiques de la maison. J’étais hautaine et froide avec tout le monde sauf avec mon père. Il n’était plus comme avant, il était distant, taciturne,… Les gens se plaignaient tous de moi, mais lui ne me grondait pas comme un parent normal. Alors mon comportement dégénéra, et je devins une vraie princesse. Le monde était à mes pieds ! A commencé par l’environnement proche, c’est-à-dire la maison. Mais c’était un bon début, non ?
Un jour de printemps, on sonna à la porte. En ouvrant, je reconnus immédiatement ma mère, un large sourire aux lèvres. Elle m’annonçait qu’elle n’était plus orpheline, et qu’elle avait reçu le titre de Lady, ainsi que moi-même. Elle me montra en plus une liasse de billets. Elle entra sans être invitée, et couru jusque dans ma chambre. Elle prépara une valise, comme trois ans en arrière, mais cette fois c’était pour moi qu’elle le faisait. J’eus à peine le temps de dire au revoir à mon père. Je n’avais pas mon mot à dire, ma mère ne m’écoutait pas. Elle m’entraîna dehors, puis sur la banquette arrière d’une grosse voiture noire aux vitres exagérément sur teintées.
Pendant les dix années qui suivirent, tout mon univers ne tourna qu’autour de la notion de Lady. J’avais même des cours pour les bonnes manières à tables (et son dressing avec plein de couteaux et fourchettes qui ne servent à rien). Je ne voyais plus mon père qu’un week-end sur deux, pendant lequel je me sentais vivante : il m’accordait toujours toute son attention, et jusqu’à mes 20 ans, je pus parler de tout avec lui. Pourtant, mes parents n’étaient pas divorcés (ma mère trouvait que cela entacherait son titre, alors elle préférait supporter un boulet de plus).
Puis mon père tomba en dépression : il avait mal vieilli, prenait moins soin de lui. Ca me faisait tant de peine de le voir comme ça, et je ne pouvais rien faire. Alors, à 18, ma mère trouvant qu’il était la cause de son esprit rebelle avec sa mauvaise influence, décida de me mettre en pensionnat : à Harvard, loin de tout. Cette décision me brisa le cœur, mais que pouvais-je y faire ? Absolument rien. Je me mis à haïr cette école, et au moment d’y faire mon entrée, je détestais tout le monde.
Pourtant, il y avait quelqu’un comme moi. Je ne connaissais rien de lui, ni même son nom, lorsque je commençais à l’aguicher. Tout ce que je savais, c’était son rang social. Un bon petit bourge bien établi dans la noblesse, voilà qui plairait à ma mère sans aucun doute ! Cependant, je ne le lui dit jamais. Elle aurait sans doute contacté sa famille pour organiser tout un mariage, la connaissant. Au début, je ne l’ai approché que par jeu, par bravade. Des liens assez volatiles se créèrent entre nous, nous « sortions ensemble » en cachette. Ce n’étaient que des jeux, et rien de plus. Il n’y avait aucun sentiment, juste du physique. Nous ne nous aimions pas, mais nous faisions comme tout le monde : on passait d’un(e) copain(e) à l’autre, puis on se retrouvait. Notre relation n’était pas tellement stable, elle était même très houleuse. Il y avait des hauts, mais surtout des bas. On se testait sans arrêt, on expérimentait, on s’engueulait, on se blessait, on se barrait, on revenait.
Le pire jour de ma vie à cependant été celui où je sus que j’étais enceinte. Et pas de soucis, je savais de qui. Il n’y avait qu’avec une personne que je me permettais un peu de liberté : mon amant secret. Je pouvais avorter en secret, mais c’était « honteux pour la famille » (dixit ma tendre mère). Dès que mon ventre devint trop proéminent même caché sous des T-shirts amples, j’en informai mes parents qui me firent quitter l’établissement pour cause de maladie. Seule l’infirmière était au courant de mon état. Mon père était venu me chercher, et il m’avait emmené chez lui : ma mère n’ayant pas le temps de s’occuper de deux boulets, j’étais sous la charge de mon père. Je lui causais de plus en plus de problèmes, et il lâcha délibérément son entreprise pour prendre d’avantage soin de moi.
Quelques mois plus tard, j’accouchai enfin d’une petite fille (une chieuse à la naissance, ça promettait pour l’avenir !). Mais je ne pouvais pas retourner sur le campus avec une petite dans les bras, surtout que je devais travailler. Il fut décidé qu’encore une fois ce serait à mon père de s’en charger. Je voyais qu’il ne tiendrait pas le coup, aussi lui donnais-je un numéro de portable que je réservais aux cas d’urgence. S’il avait le moindre problème, il devait m’appeler, et je me débrouillerai pour monter dans le premier avion et rentrer chez moi à Londres.
Revenir sur le campus fut plus dur que ce à quoi je m’attendais : une bombe avait explosé. C’était passé aux informations un soir, mais comme je n’avais pas que ça à penser à ce moment, ça s’était tout simplement envolé de mon esprit. Des bâtiments étaient détruits, en ruine. Je pensais que ma fille aurait pu se trouver ici, dans ce carnage, et pas dans son berceau aux draps blancs entourée de ses peluches. Les premiers jours, je n’osais plus rentrer dans les salles de cours tellement j’angoissais. Être loin de ma petite n’arrangeait pas les choses. Je n’avais pas de nouvelles… Et dire que son père ne savait même pas qu’elle existait. Comment allais-je le lui apprendre ? Lui avais-je manqué ? S’était-il ne serait-ce que rendu compte de mon absence ? Je n’avais pas rallumé mon portable (celui que je réservais aux amis et à la famille) depuis au moins deux mois, et j’avais déjà reçu une quinzaine de messages que j’avais tous supprimés avant d’ouvrir. Sera-t-il en colère ?
Pour avancer, il faut regarder vers l’avant, et plus vers le passé.