Le temps peut paraître long pour les personnes qui souffrent. Comme si les secondes devenaient des minutes, les minutes des heures. Et il n'y a rien de plus atroces que regardait une vieille horloge bloqué pour l'éternité sur un moment que l'on voudrait oublier. Rien de plus dur que se sentir bloqué dans un passé. L'infini est à porté de main, la fin semble loin. Tu t'accroches comme tu peux mais tu as cessé de lutter depuis bien longtemps. Les gens ont tords. L'espoir meurt en même temps que l'innocence. Et ton innocence tu l'as perdu bien trop tôt.
Les yeux fermaient, les genoux relever contre ma poitrine, je fredonnais une comptine d'enfant cachée au fond de mon armoire. Toujours plus haut, toujours plus fort. Les hurlements de ma mère retentissait partout dans la maison et malgré mes efforts, ils venaient couvrir ma voix. Les larmes coulaient sur mes joues encore trop ronde et je me balançait d'avant en arrière tentant tant bien que mal d'oublier ce que je pouvais entendre. Partager entre l'envie de fuir, de disparaître et celle de venir en aide à ma mère. Mais que pouvais-je faire ? Trop petite, trop frêle. Une enfant enfermée dans un placart ne pouvait pas être d'une grande aide. Le coeur brisé, les membres endoloris, les rêves meurtris, je finissais par me taire écoutant le silence qui venait de prendre place. Seul des bruits de pas me confirmèrent que je n'étais pas seule et le crissement de la porte de la chambre me fit sursauter. Enroulée sur moi même, les jambes couvertes d'hématome, le visage fermé, je contenais ma respiration dans l'espoir de passer innaperçu. Dans l'espoir de ne pas être remarquée. Ma mère ne hurlais plus, comme si sa souffrance avait finalement prit fin alors que la mienne débutais. J'avais peur, j'avais froid et du haut de mes quatre ans, je savais déjà ce qui allait se passer. Je plaçais instinctivement mes doigts frêle sur ma bouche comme pour étouffer le moindre bruit mais, la poignée de l'armoire plia laissant une fine lueur pénétrer à l'intérieur me laissant apparaître totalement terrifiée. Un petit cri sortit de ma bouche et la lourde main de mon père aggripa ma jambe de sorte à me sortir de force de ma cachette. Je m'accrochais à tout ce qui passait, les meubles, les tapis mais, je n'étais rien. Rien qu'une petite fille sans force et sans défense. La suite se passa plutôt vite. J'avais quatre ans mais je savais par avance ce qui allait se passer et comme si cela servait à quelque chose, je levais les mains pour protéger mon visage avant que les coups ne commence à tomber. Le corps de ma mère gisait par terre et malgré toute sa volonté, elle ne pouvait me protéger.
Un énième cauchemar me réveilla en sursaut cette nuit là et je plaçais instinctivement mes mains sur ma bouche pour étouffer le cri de terreur qui menaçait d'en sortir. Il ne fallait pas faire de bruit, il ne fallait pas que je le réveille. L'inexistance semblait être la meilleure des solutions. Le silence était ma solution. Pas de bruit, pas de parole. Je ne disais jamais rien dans l'espoir que mon père finisse par oublier ma présence. Mais ça n'arrivait pas, ça n'arrivait jamais. Les larmes coulaient sur mon visage glaciale et je me redressais doucement sortant de ma chambre à pas de loup. Rien ne devait prouver que j'étais debout en plein milieu de la nuit et c'est pourtant à ce moment là que la chambre de mes parents s'ouvraient à la volée laissant apparaître un père en colère. Je baissais la tête honteusement sans dire un mot attendant que sa colère éclate et n'ayant aucun moyen de protester. Le premier coup partit, un peu trop fort, un peu trop violent et je m'écrasais contre l'un des murs pleurant de plus belle. « Ici, on ne pleure pas. On ne se lève pas au milieu de la nuit et on ne se plaint pas ! Tu voulais faire quoi petite conne ? » Sa voix glaciale avait résonné dans le long couloir et du haut de mes six ans, je restais impuissante face à la violence qu'il pouvait dégager. Pourtant, d'une petite voix ressemblant étrangement à un couinement je prononçais quelques mots dans l'espoir que cela suffise. « J'ai faim papa. » La pomme qui avait servit de repas était partis de mon estomac depuis bien longtemps. Un morceau de pain, une tranche de jambon, n'importe quoi aurait fait l'affaire. Juste quelque chose qui aurait pu combler la famine qui creusait un peu plus mes traits chaque jour. Mais rien ne semblait pouvoir l'appitoyer, rien ne lui faisait éprouver un minimum de compassion et un deuxième coup atteris directement sur mon visage me faisant tomber à terre avant que ma mère ne se place devant moi comme pour me protéger. Pour prendre les coups à ma place comme à chaque fois. Les hurlements recommençaient, toujours plus fort, toujours emplis d'une terreur infini et je fermais les yeux chantant à nouveau. Que ça s'arrête. Mon dieu que ça s'arrête. Mais ça ne s'arrêtait pas. Ca ne s'arrêterait jamais. Crie, hurle, pleure. Cours, loin, toujours plus loin. Maman prenait un dernier coup. Le dernier. Beaucoup trop fort, beaucoup trop puissant. Et elle s'étalait au sol, les yeux grands ouverts mais désespérement vide. Une marre de sang prenait place autour d'elle et malgré les supplications, elle ne bougeait plus. Elle échappait enfin à cet enfer me laissant plus seule que jamais face à un monstre qui me terrifiée.
Quelques heures c'était écoulés. Le silence était revenu et le corps de ma mère avait disparu. Traînée par mon père dans un endroit dont je n'avais même pas idée. Et je ne bougeais pas, toujours recroquevillée contre mon mur totalement paralysait. Je ne comprenais rien et tout en même temps et je ne savais pas quoi faire. Puis finalement, j'attrapais le téléphone posait sur le meuble et composais le numéro. Si jeune et si intelligente. Une voix décrochait de l'autre côté et après quelques minutes de silence je parlais. « Il y a du sang. Beaucoup de sang. J'ai peur. Je crois que je vais mourir aussi. Maman est plus là maintenant. » Et j'attendais simplement. J'attendais que quelqu'un me vienne en aide. J'attendais juste.
« Skippy, viens mettre la table s'il te plait. 12 ans. Il y avait bien longtemps que j'avais cessée d'être une enfant. Bien longtemps que je ne croyais plus au bonheur, au conte de fée et au fin heureuse. Ma famille d'acceuil était bien sous tout point. Incroyablement gentil, toujours attentionnés et merveilleusement compréhensif. Comme s'ils tentaient de me faire oublier le calvaire que j'avais pu vivre. Ils savaient tout, ils connaissaient mon histoire alors que je n'en parlais pas. J'en parlais jamais. A vrai dire, le silence était mon quotidien. Mes dernières paroles avaient été pour demander de l'aide et depuis, plus aucun son ne sortait de ma bouche. Seul mon ardoise me servait à m'exprimer et personne ne pouvait expliquer cette réaction. Un simple traumatisme qui passerait avec le temps pour certains, quelque chose de beaucoup plus profond pour les autres. Pour moi, c'était un choix. Ne pas parler, être invisible. Un choix comme un autre. Seul le dessin reflétait mes émotions. Une passion qui prenait de plus en plus de place. Un moyen de s'exprimer différent. A défaut d'utiliser la parole, j'avais mes crayons, mes feutres et mes pastels. Et chaque jour, je dessinais ce que je ressentais. Toujours plus noir, toujours plus angoissant. Jamais rien d'heureux. Je ne souriais pas, je ne riais pas non plus. J'avais pas eu d'enfance. J'avais assistée à la mort de ma mère et seul son regard vide revenait à ma mémoire à chaque fois. Je n'avais rien et je ne voulais rien. Plus d'espoir. L'espoir était mort depuis bien trop longtemps. Partit en même temps que mes rêves. Brisés en même temps que mes illusions. Je déposais soigneusement le feutre sur le rebord du bureau est descendait doucement rejoindre les membres de ma nouvelle famille. Qui essayait tant bien que mal de recevoir quelque chose de moi sans jamais y arriver. Sans jamais faire de progrès. Le silence était mon choix.
Des fleurs, de mots de tendresse et un billet d'avion direction Harvard. Un renouveau ? Peut être. Mais rien qui ne pourrait effacer les vestiges de mon passé. Rien qui ne me ferait oublier. 12 ans sans prononcer la moindre parole. Murée dans un silence infini, je m'envolais pour la fac la plus prestigieuse du monde. Je n'étais pas muette, ce n'était pas un handicap. C'était un choix. Et personne n'arrivait à remédier à ça. Les terreurs étaient toujours là. Les cauchemars aussi. La nuit fatale se répétait en boucle dans ma tête comme un vieux film sans fin. Il n'y avait pas de fin. Et j'arrivais dans cette université impressionante, entourée de gens heureux et souriants. Des élèves pétillants, avide de sensation. Et j'étais au milieu, perdue, terrifiée, sans aucun repère, sans aucun amis. J'avais jamais eu d'amis. Mon silence ne m'aidait pas. Pourtant, je tenais toujours à la main cette ardoise. Celle qui m'aidait à communiquer. Celle qui me permettait de ne pas être totalement effacée.