première partie.
le divorce.
saint-pierre, québec
Je n’ai jamais su contrôler cette jalousie qui me prenait aux tripes en voyant Septembre et Drake. Elle, elle avait cette chance de pouvoir être heureuse, de pouvoir oublier quelques instants la famille dans les bras d’un homme. Toi tu n’étais pas sans personne bien évidemment, mais c’était de la consommation et non de l’amour.
Nous étions là dans nos chambres quand la dispute éclata, c’était le soir de noël et afin d’être présentable pour l’occasion je soignais mes cheveux, me rosais la bouche, déposais un léger liseré noir le long de mes cils. Le tracé s’arrêta net quand j’entendis des éclats de voix tellement plus forts qu’à l’habitude. Inquiète je rejoignais la chambre de ma sœur avec hâte.
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« Sept ramène toi. » dis-je alors sans plus de détail sur ce que je craignais qu’il puisse arriver à notre famille que je croyais si soudée.
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« Nov’ arrête, je dois bosser pour les cours. » disait-elle penchée vers ses cahiers et son ordi.
Tu craignais ne pouvoir rien faire pour empêcher le drame de se produire, tu savais que votre famille prendrait un sacré coup, mais tu n’imaginais pas à quelle point vous vous retrouveriez séparés. Je la regardais alors d’un air sérieux, je craignais qu’elle s’effondre si mes prédictions soient les bonnes. Nous étions jumelles et pourtant si différentes sur bien des domaines. Pourtant quand des choses comme celle qui était en train de se produire arrivent, il vaut mieux soutenir l’autre afin de ne pas ramasser trop de petits morceaux.
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« Non mais Septembre, c’est papa et maman. » d’un air à nous glacer la moelle.
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« Bah quoi avec papa et maman ? Ils sont en train de se disputer ou quoi ? » -
« Non mais je suis sérieuse, je crois qu’ils vont divorcer. » ça m’arrachait le cœur de dire ça, quand on est gosse on rêve toujours de connaître le même amour que son père et sa mère, et on se rend compte petit à petit que cet amour inébranlable n’existe que dans les films à l’eau de rose.
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« Divorcer ? » elle semblait bien aussi choquée que moi.
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« Oui » me contentai-je de répondre sans rien ajouter de plus.
Je craignais le moment où se lèverais le voile sur nos doutes et que la sentence serait alors prononcée. Nous descendîmes silencieusement afin d’entendre les éclats de voix, de comprendre ce qu’il se passait. Nous restâmes alors dans l’angle, derrière la porte, si bien que du salon nous ne pouvions les distinguer, les deux filles tendaient l’oreille et tout devenait alors plus clair. Le divorce des parents n’était plus seulement une crainte mais bien un futur proche qui ne mettrai que peu de temps à arriver. Il paraît que quand on regarde l’heure tourner le temps passe plus doucement alors, ne voulant pas affronter le moment fatidique de l’annonce je ne cessais de regarder l’aiguille tourner jusqu’à entendre cette voix :
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« Novembre, Septembre venez on a quelque chose à vous dire. »Nulle était la peine de nous le dire, nous savions déjà à quoi nous attendre. Les parents c’est toujours pareil, ils pensent qu’on ne comprend rien, qu’on ne se doute de rien jusqu’à qu’ils nous le disent, mais moi je cherchais déjà une façon de me détacher de tout ça, ainsi que de soutenir Septembre.
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« Les filles, nous savons que ce n’est pas vraiment ce que vous avez envie d’entendre. »Mais les parents ont aussi tendance à faire durer l’instant fatidique, vite maman, abrège nos souffrances.
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« Votre père et moi sommes tous les deux conscients que cela ne peut plus continuer comme cela entre nous. Nous avons donc opté pour le divorce. Nous n'avons pas prise cette décision à la légère. Cependant. c'est pour notre bien ainsi que pour le vôtre. »J’avais eu beau me préparer à l’annonce, le fait de l’entendre de la bouche de ma mère m’arracha le cœur. Mais avec du recul c’est sans aucun doute Septembre qui a le plus souffert de cette déchirante séparation entre nos deux espoirs de vie. Sans savoir quoi faire je l’avais vu s’en aller pour revenir seulement quelques jours après.
deuxième partie.
chacune de notre côté.
saint-pierre, québec
A croire, que tous les noëls une nouvelles vient chambouler vos vies, ma mère avait décidé de se marier avec son nouveau compagnon avec qui j’avais réussi à tisser un lien solide, chose à laquelle je ne m’étais pas attendu, c’est sans doute grâce à cette fabuleuse entente qu’il y avait entre William et moi que maman a accepté de l’épouser. C’est vrai qu’entre-temps il s’était passé un bon nombre de choses, l’annonce du mariage de ma mère avec William notamment, puis Septembre et ce garçon qui avait l’air si bien pour elle que tu le voulais, pourquoi y avait-elle droit et pas toi ?
Cette jalousie ne cessait de croître en toi et le fossé qui s’était creusé dans ta relation avec Septembre n’avait pas arrêté de s’agrandir ; seule cette ressemblance physique permettait d’identifier le lien qui nous unissait. T’avais gardé une vie plutôt normale mise à part ça, tu voyais tes amies, tu soutenais ta mère, t’apprenais à connaître William et tu te rendais compte petit à petit du bien qu’il y avait dans ce divorce et ce mariage.
Un jour à table t’as parlé, peut-être un peu trop mais t’étais bien conscient des répercussions qu’il y aurait sur cette révélation que tu avais faite.
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« Maman, faut que j’te parle d’un truc. alors que Septembre était sans doute partie rejoindre Drake une nouvelle fois.
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« On t’écoute. » avait-elle dit en lançant un regard interrogateur à William.
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« Mais oui qu’est-ce qu’il se passe Novembre ? » avait-il renchéri.
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« Bah en fait c’est Septembre… je crois qu’elle prend de la drogue avec ce garçon-là. » ça avait beau être horrible de balancer ma sœur de la sorte mais je ne supportais plus cette jalousie qui me rongeait au fond de moi.
C’est quelques jours après que Septembre, à table, nous annonça le désir de partir en road trip avec Drake, il n’en fallait pas plus pour que ma mère, se souvenant de la révélation que j’avais faite quelques jours auparavant, refuse sans aucun compromis, il était hors de question que Septembre s’en aille avec le garçon qui faisait d’elle une junkie.
Une dispute éclata entre William, Septembre et ma mère, pendant ce temps moi, jouant avec les petits pois dans mon assiette, me contentait d’écouter sans dire mot. Je me contentais juste de féliciter ma sœur d’avoir gâché un énième repas en famille, le tout plein d’ironie. J’étais détestable, uniquement parce qu’elle, elle avait Drake et que moi, à part ces mecs tournant autour de moi comme des abeilles autour d’un pot de miel, je n’avais personne.
Je savais qu’elle allait m’en vouloir de ne pas l’avoir soutenue, et malgré ça, j’étais entrée dans sa chambre le lendemain, m’inquiétant tout de même pour son moral et ça même si j’avais vendu la mèche.
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« Septembre, j’peux rentrer ? »-
« Laisse-moi »J’entrais quand même non prêtant pas intérêt à son refus de me laisser entrer, j’allais m’asseoir à côté d’elle, sur le lit.
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« Je t’ai dit de me laisser tranquille »J’avançais sans rien dire, c’est vrai que je m’en voulais d’avoir tout balancé aux parents, mais c’était plus fort que moi, ma jalousie me rendait si mauvaise.
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« Septembre… »-
« Novembre, pourquoi n’as-tu rien dit ? Pourquoi tu m’as abandonnée hier ? » disait-elle en se retournant vers moi. Elle avait les yeux rougit, plein de larmes, et je m’en voulais clairement. Alors je détournais le regard et j’allais m’asseoir à nouveau, sur son lit.
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« Réponds-moi s’il te plaît » tu ne pouvais faire autrement que de lui avouer ta trahison.
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« Parce que c’est à cause de moi que tu ne peux plus voir Drake.. » dis-je en baissant les yeux, honteuse.
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« Explique moi, je ne suis pas sûre de comprendre. »Fallait que j’assume maintenant. Pourtant elle ne m’avait pas laissé le temps de m’expliquer qu’elle avait compris ce que j’avais fait. J’avais bien mérité le fait qu’elle me dégagea de sa chambre.
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« Dégage de ma chambre tout de suite. Je ne veux plus jamais te voir. » Alors, sans dire mot, j’ai quitté sa chambre, elle m’en a voulu, longtemps et puis nous ne nous sommes plus parlé. Elle est partie à McGill et moi à Ottawa, la distance était peut-être la meilleure chose pour nous, puisque depuis nous ne nous adressions le moindre mot, même pas un sourire.
troisième partie.
remords.
ottawa, ontario.
Nouvelle vie, nouveaux amours, nouvelles rencontres. C’était peut-être ça la meilleure chose pour moi, bien que l’environ ne me soit pas défavorable je devais prendre de la distance avec tout ça. Septembre m’en voulait d’avoir balancé aux parents pour Drake et depuis que nous étions parties chacune de notre côté je n’avais pas la moindre nouvelle d’elle, les seules que je pouvais avoir me venait de ma mère et elles n’étaient pas fréquentes. Il faisait nuit dans les rues d’Ottawa et avec ma nouvelle bande nous nous dirigions vers un club branché de la ville, c’est là que je l’ai rencontré ce mec qui n’allait pas avec le décor et qui maintenait son regard sur mon depuis que j’avais franchi le seuil de la porte.
Je m’étais approchée de lui, faisant balancer mes cheveux comme si j’avais besoin de le faire succomber à mon charme. J’ai laissé mes potes pour la soirée et pour des jours, des semaines voire même des mois. J’avais la relation que j’avais toujours enviée à Septembre lorsqu’elle fréquentait Drake. Aujourd’hui je savais ce qu’elle avait vécu et j’essayais de m’imaginer à sa place, je ne laissais personne me séparait de lui sauf quand je le décidais ou que je n’avais vraiment pas le choix. Je vivais la passion. Nous vivions l’amour. Nous étions beaux.
Et pourtant des fois, ayant peur de moi-même et du mal que je risquais de lui faire je provoquais des dispute qui n’avais pour ainsi dire.
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« Putain, tu ne veux pas me laisser vivre, tu ne vois pas que je suffoque, tu ne vois pas que j’étouffe. » disais-je avec la plus grande mauvaise foi du monde, j’avais juste besoin qu’il me retienne. Juste besoin qu’il me dise qu’il me laissait vivre la vie que j’entendais mais qu’il était tout de même là alors, il le disait.
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« Fais ce que tu veux Nov, je ne suis pas là pour t’emprisonner, j’veux juste que tu sois bien. » il lisait en moi comme dans un livre ouvert sans aucune faute de compréhension.
Alors je faisais une moue boudeuse, puis il me prenait dans ses bras, sans forcer, il n’avait pas besoin, je me lovais contre lui. Et après des mois et des mois comme ça une énième dispute, beaucoup plus forte que les précédentes, seulement j’espérais que dans quelques jours ça irait mieux comme à l’habitude. Pourtant n’arrivant pas à le joindre je commençais réellement à m’inquiéter, et si pour une fois je l’avais définitivement perdu. Et oui c’était le cas, ce n’est que quelques jours après que j’ai appris la terrible nouvelle, je n’ai jamais pu le serrer dans mes bras une dernières fois, il est parti. Et là j’ai compris ce que j’avais fait subir à ma sœur jumelle. Lui je l’aimais, elle l’aimait aussi. J’avais eu une relation semblable à la leur, du début à la fin, sauf qu’elle aurait peut-être la chance de le retrouver un jour. J’avais la sensation d’avoir été punie par le ciel. On finit toujours par être punie de ce qu’on a pu faire dans le passé, et là je l’avais tellement mérité, je savais ce que ça faisait de perdre l’amour de notre vie, je savais alors à quel point j’avais pu la briser en mille morceaux. J’avais pleuré deux fois plus, pour lui et pour Septembre.
Je suis retournée chez ma mère et c’est là que j’ai appris que Septembre était à Harvard, j’étais heureuse pour elle qu’elle ait réussi à atteindre son but, je savais à quel point ça comptait pour elle.
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« Maman, tu crois que j’devrais la retrouver. » j’avais dit entre deux sanglots après lui avoir raconté ce qu’il avait pu se passé à Ottawa.
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« Fait comme tu le sens mon cœur, mais tu sais ça me fait mal de vous voir déchirer, j’aimerais tellement vous retrouver comme avant. » c’était impossible après tout ce qu’il avait pu se passer pourtant mais je n’avais pas envie de lui dire, parce que je commençais à me rendre compte que c’était peut-être à cause du divorce que tout ça avait eu lieu.
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« Je sais … je vais y aller, je ne sais pas si elle voudra me voir ou pas, je vais essayer. » avais-je dis en me longeant contre elle.
J’ai alors passé les tests d’entrée et j’ai été acceptée. J’allais la retrouver et j’avais peur, tellement peur, mais je me sentais à la fois soulagée.