Salomé ♣ Quand un monde s'écroule, partie 3

Janvier 2013. 4 Jours après la fusillade. Toute de noir vêtue, les yeux rouges et bouffis, la demoiselle regardait, derrière sa voilette, le cercueil de sa meilleure amie que l’on mettait en terre alors que la défunte rejoignait sa dernière demeure. Aux côtés des parents de la jeune femme, Elsy se sentait très mal à l’aise. La tête lui tournait. Elle ne se sentait pas bien du tout. C’était un moment difficile, délicat à surmonter. Elle ne savait pas trop comment surmonter la peine qui la dévastait tout à coup. Ce n’est pas facile, quand on n’a pas trente ans, d’enterrer une personne aussi jeune que nous. C’est une chose d’enterrer les anciens. S’en est une autre de rendre un dernier hommage à ceux qui avaient toute la vie devant eux, encore tant de choses à vivre, à connaître. Et qui les verront finalement jamais. La brune se sentait perdue face à ce marbre et restait encore devant lui, quand la plupart des gens commençait à partir à la fin de cette mise en tombe.

Spoiler:

Le cimetière n'avait jamais été un lieu de réjouissance pour elle. C'était triste, morne. Elle marchait souvent longuement, un bouquet à la main. Des médailles du service rendu dans une boite qu'elle tenait de l'autre main. Des escarpins noirs, un chapeau de fleur, des tristes fleurs. C'était la journée du mémorial, ils venaient tous remercier d'un coeur reconnaissant ses combattants de la seconde guerre mondiale. Salomée déposait des fleurs sur les tombes,  une femme de l'ambassade de Danemark déposait des médaillons d'honneurs. Salomée savait pertinemment qu'il était trop tard, ils étaient tous morts, mais le fait de faire cela, permettait de laisser les morts prendre leur envol vers un monde de paix. Ils s’arrêtèrent un instant, firent sonner une trompette, l'ambassadeur récita quelques vers et ils avancèrent vers d'autres places, d'autres tombes. Le regard de la brune se braqua sur celui d'une jeune femme en pleure, ses yeux étaient rouges, tellement...Elle pleurait du fin fond de son coeur. La princesse s'éloigna de son comité en faisant un hochement léger de la tête vers le bas avant de s'approcher de la jeune femme. Elle reconnue en elle une princesse, sa posture ne trahissait pas. Salom avait toujours apprit que toutes les princesses devenaient des soeurs lorsqu'elles se retrouvaient ensemble....Princesse... ? chuchota-t-elle...c'est bien vous, la princesse Hongroise ? ...Elle passa une main réconfortante sur son épaule droite.

Alors que la jeune femme observe le marbre de la croix, la motte de terre encore fraîche sous laquelle repose sa meilleure amie, ces fleurs qui parsèment la verdure... Elle ne se sent que plus dévastée encore. Vingt-six ans. Comme la princesse devant cette tombe, la défunte n'avait pas eut le temps de devenir ni épouse, ni mère. C'est horrible de se dire que plus jamais Daphnée ne rira de quoi que ce soit, que plus jamais elle ne pourra taquiner Elsy, que plus jamais elles ne feront des folies comme elles en avaient l'habitude... Et tout ces actes manqués, toutes ces choses que la demoiselle ne pourra jamais connaître, elle qui avait la tête pleine de rêves.

Une voix, une main, tire la jeune femme de sa rêverie. Princesse ? Hein ? Quoi ? Il lui faut un certain temps pour atterrir, pour comprendre de quoi on lui parle. Et puis tout à coup, c'est comme un déblocage qui se fait dans sa tête instantanément, comme ça, d'un coup. Oui elle est princesse. Mais en cet instant elle voudrait que l'on lui laisse le droit d'avoir de la peine, comme n'importe qu'elle personne normale... Est-ce donc trop demander ?

"- Oui... oui c'est ça je... je suis la princesse Hongroise oui. Esterhazy. Elsy Esterhazy et toi... toi tu es ?"

En fait Elsy sait qui est cette fille, elle a l'impression de l'avoir déjà vu, en photo, pour de grands évènements. Mais là, malgré sa maladie, elle est trop bouleversée pour se souvenir de tout ça avec exactitude.

Elle semblait perdue. Presque hésitante, la voix bégayante. Salomée détacha sa main de son épaule, c'était donc elle, la très chère princesse Hongroise. Elle leva les yeux au ciel, les bras croisés autour de sa taille...Je suis la princesse héritière du trône de Danemark, Salomée Aaron-Merkel...ses yeux ne pétillaient pas, d'habitude elle prenait une certaine fierté à énoncer son titre, mais, le contexte était mal choisi...Je suis désolée, vous semblez confuse, ...je-je n'aurai pas du vous déranger...Elle voulu faire demi-tour mais elle s'arrêta avant de dire...je voyais dans vos yeux, une si grande tristesse, je sais que cette personne est chère...je voulais essayer de vous consoler, mais je ne sais pas...Elle recula légèrement. Elle ne savait pas qu'elle réaction pourrait avoir la jeune femme. Salomée fit un signe de tête à quelques invités qui la reconnurent, elle salua de manière polie la famille de la défunte...mes condoléances...murmura-t-elle en français, elle n'arrivait pas à le dire en anglais. Elle sentait la tristesse, elle sentait la perte. Salomée ne savait quoi dire. Elle n'avait pas les mots exactes pour réconforter quelqu'un qu'elle ne connaissait pas réellement.

La fille qui lui fait face lève les yeux au ciel avant d'énoncer son titre, ce qui fait comprendre à Elsy qu'elle aurait dût le savoir. Oui, elle le sait. Mais elle est tellement stone, tellement à côté de ses pompes en cet instant. Elle était désolée toutefois de vexer potentiellement cette jeune femme mais au vu de son état... cette dernière devait pouvoir comprendre aisément que cet oubli n'avait pas été volontaire, loin de là. Elsy lui adresse un bref coup d’œil alors que cette dernière semble assez mal à l'aise. Autour d'eux la populace continue de quitter les lieux pour bientôt les laisser seule. C'est là que la jeune femme prend ma parole d'un petit air navré.

"- Je suis vraiment... désolée, si je vous ai vexé. Je... je sais qui vous êtes seulement... Seulement vous voyez c'est... c'est ma meilleure amie que... qui est là-dessous... La fusillade vous... vous savez ?" questionne la demoiselle les larmes aux yeux sans attendre de réelle réponse de la part de son interlocutrice. Et cette dernière, qu'est-ce qui l'amène dans un lieux aussi triste et aussi morne ? La hongroise n'ose pas le demander.

Elle baissa son regard en dessous de son chapeau. Salomée scrutait le sol. La princesse Hongroise allait mal. Ça se voyait, Lomée le sentait, c'est pour cela qu'elle avait posé une main douce sur son épaule avant de s'excuser...Elle sentait que le mal qui rongeait la princesse était trop grand, tellement, ce n'était pas un mal qui pouvait s'effacer en quelques jours, mais hélas, plusieurs années...Mon titre n'est pas important dit-elle,...ici, rien n'est plus important que l'âme...Elles étaient dans un cimetière et Salomée fit signe à l'un des personnels qui accompagnait l'honorariat des soldats de lui ramener une fleur.

Ne vous méprenez pas chuchotait-elle, ...je n'étais pas là ce jour-là...mais, Dieu seul sait, qu'il fut le pire pour certains de mes amis. Elle soupira...je suis certaines qu'elle repose en lieu sûr, elle se mordillait la lèvre inférieure. Une jeune demoiselle du personnel ramena la fleur qu'elle avait demandé. Salomée l'a prit et la tendit à la princesse...Je devais vous rencontrer dans de meilleures conditions, mais c'est le destin...prenez une amarante...cette fleur dit-elle prenant ses mains... représente l'immortalité...votre amie vit en vous, très chère, pour toujours. Elle lâcha ses mains et laissa cette fleur entre ses doigts.

La brune est bien de ce même avis ici, dans ce cimetière les titres n'ont aucune importance et tout ce qui compte c'est l'âme et les défunts, la mémoire de ces derniers. Elsy songe que dans un lieu pareil plus que dans n'importe quel autre il n'y a ni titre ni dorure. Seulement des gens et leur peine qu'il est important de respecter. La jeune femme rive de nouveau son regard sur la motte de terre encore fraîche qui recouvre maintenant le cercueil entièrement. Elle ne se rend pas compte de ce que fait la princesse non-loin d'elle. Et quand cette dernière lui offre une fleur la demoiselle la prend comme un automate sans vraiment s'en rendre compte. Néanmoins les propos de la jeune femme attire son attention et c'est d'une oreille attentive qu'elle l'écoute, son regard se rivant non plus sur la tombe mais sur la fleur. Et quand Salomée finit de parler la jeune femme se baisse pour poser délicatement l'immortelle au pied de la croix avant de se redresser pour regarder le tableau les larmes aux yeux.

"- Merci.." dit elle à l'attention de la princesse à ses cotés.

Salomée ne trouve aucun mot, lorsque celle-ci pose la fleur au pied de la croix. Elle fait un style de tête léger, se laissant presque bercé par l'émotion. Quelques secondes comme ça, elles restèrent. Deux mondes les séparant...La mort/La vie. Deux mondes bien différents...voulez-vous que je vous invites à prendre quelque chose ? ...elle voulait tant que celle-ci accepte. Salomée devait sortir d'ici, mais sans doute, celle qui se trouvait à ses côtés avait vraiment besoin de se rafraîchir les pensées...du thé, un café...ce qui vous plaira...Je pense que vous devez sans doute avoir faim ou soif, je me trompe ? Elle l'a regarde inquiète.

Comme Elsy est occupée à fixer l'immortelle qu'elle vient de placer sur la tombe de sa défunte meilleure amie, la jeune femme à ses côtés commence à lui demander si elle accepterait une invitation à aller boire quelque chose. Du thé ou du café. Dans l'immédiat la brunette se dit qu'en vérité elle aurait bien besoin de prendre quelque chose de plus fort. Mais soit. Elle accepte la proposition de cette inconnue, se disant qu'il est largement temps pour elle de s'arracher à la morne contemplation de la terre fraîchement retournée. Alors elle commence à quitter les lieux, emboitant le pas à son interlocutrice pour se tirer au plus vite de ce cimetière qui tout à coup lui apparait comme étant le dernier des endroits où elle veux être. Elle a besoin de se changer les idées pour ne pas devenir folle.

Salomée se souvient d'un café pas très loin, deux pâtés de maisons...un quartier charmant. Pas besoin d'une voiture pour les conduire, marcher permet de prendre un peu d'air. Elle passe une main en-dessous du bras de la princesse, elle l'aide à avancer. Elles regardent le ciel bleu, elles avancent...On y est...après une bonne vingtaine de minutes...Elle pousse la porte de la jolie boutique. Les sièges sont confortables, elle désigne une table où elles peuvent s'asseoir. L'espace est clair, quelques personnes sont là, elles mangent des gâteries en tout genre et les deux princesses attendent l'arrivée d'un serveur...et bien, vous devez être affamée avec toute la marche que nous avons effectués, non ?...elle l'interroge du regard, alors qu'elle tient la carte du menu.