Ça doit faire trois bonnes heures que je suis assise ici. Les jambes croisées, je tapote mon index contre ma cuisse au rythme du tic-tac de l’horloge. Elle va me rendre dingue avec ses questions plus stupides les unes que les autres. Je ne vois pas pourquoi je suis ici. Je ne vois pas l’intérêt. Si j’ai besoin de parler à quelqu’un, je me tourne vers l’un de mes amis, pas vers une inconnue qui se permet de parler de ma vie comme si elle avait vécu la même chose. Raaah, j’ai envie de me tirer les cheveux. J’ai envie de prendre mes jambes à mon cou et de m’enfuir de cet endroit. Pourquoi je ne le fais pas ? Ah oui, parce qu’il faut vraiment que j’assiste à cette séance si je ne veux pas que mes parents me retirent mon argent de poche. « Est-ce que vous voulez me parler de ce qui s’est passé avec votre beau-père mademoiselle McCarter ? » Est-ce que je veux ? Bien sûr que non. Elle est conne ou quoi ? Pendant près de trois ans j’ai subi les sauts d’humeur de ce salaud. Je peux vous dire qu’il m’en a fait voir de toutes les couleurs. J’étais qu’une gamine, il n’avait aucun droit de me retirer mon innocence. Il rentrait les soirs, bourré comme jamais. Il profitait de moi parce qu’il savait que j’étais incapable de raconter ce qu’il me faisait à ma mère. Il passait ses nerfs sur la pauvre petite Malia. C’était tellement plus simple de s’en prendre à une gamine. Si j’ai fini par cracher le morceau, c’est bien parce que j’avais peur qu’il s’en prenne à ma sœur. Je savais qu’il en était capable. Je ne voulais qu’elle ait à vivre le même cauchemar. Personne n’était au courant, personne n’a voulu me croire jusqu’à ce que mon frère vienne appuyer mes faits. « Absolument pas. » J’admire ma toute nouvelle manucure, soupire pour lui montrer qu’elle m’ennuie. Elle devrait être désespérée face à mon comportement insolent pourtant, elle ne laisse rien paraitre. J’attendais donc la prochaine question avec impatience. Elle griffonne quelques notes sur son cahier et finit par reprendre : « Est-il vrai que vous êtes tombée en dépression après cet accident ? » Acci… Quoi ? Non, non, il était totalement conscient de ses actes, je n’appellerais pas ça un accident. Elle ne comprend vraiment rien à rien. Il m’a traumatisé, il m’a dégoûté des hommes. J’ai voulu mettre fin à mes jours, j’ai arrêté de manger, enchaîné les crises angoisse et les visites à l’hôpital dans le dos de ma mère tout ça parce que j'étais dégoutée de celle que j'étais devenue. Je me suis même surprise à avoir peur de mon propre petit-ami. Il n’avait plus le droit de me toucher, plus le droit de m’approcher, je passais mes journées à pleurer et tomber dans les vapes sous le coup de la fatigue. Il a pourri mon adolescence, personne n’a le droit d’appeler ça un accident. Je lui souris. Pas un sourire sincère, un sourire hypocrite. « Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez. » Je bats des cils, papillonne, rêve que tout cela soit loin derrière moi. Il n’est plus là à présent mais bel et bien derrière les barreaux. Je suis partie à Cambridge avec mon frère et, ma sœur a été prise en charge par mon père. Elle est encore au lycée ma petite sœur, j’espère qu’elle choisira Harvard elle aussi parce que je dois dire qu’elle me manque énormément. « Est-ce que vous pouvez me parler de votre petit-ami de l’époque ? » Chris ? Il était parfait avec moi. Toujours à me demander si tout allait bien, toujours à vouloir aller casser la gueule à ce connard alors que je le suppliais de ne rien dire pour le bonheur de maman. Il a pris sur lui, il a géré mes crises, il m’a conduite à l’hôpital quand j’en avais besoin, je me demande encore comment il a fait pour supporter tout ça. Et puis, je suis partie. Je l’ai laissé et je me sens toujours coupable aujourd’hui. Je n’ai pas seulement gâché ma vie, j’ai également gâché la sienne. J’ai été égoïste. « Blond, un mètre quatre-vingt-dix, yeux bleus, un sourire à tomber par terre ! Qu’est-ce qu’elle espérait ? Que je lui dévoile tout ce que j’avais vécu en pleurant à chaudes larmes ? Elle peut toujours courir, je suis pas du genre à pleurnicher sur mon sort. J’ai été suivi à l’hôpital puis par un psy en Australie, je voulais juste refaire ma vie ici, prendre un nouveau départ. Pour prendre un nouveau départ, il fallait oublier le passé et, c’est pas avec ça que j’allais réussir. « Votre famille alors… Parlez-moi de votre famille. » Je ne pus m’empêcher de sourire. Ma famille était parfaite. Mes parents se sont séparés à la naissance de ma sœur. J’avais huit ans à l’époque, tout comme mon frère. Non, je vous arrête tout de suite, nous ne sommes pas jumeaux, il a été adopté mais, c’est tout comme. On voyait pas beaucoup papa, il faut dire qu’il était très pris par son travail. Un week-end sur deux, nous le rejoignons à Sydney. Le reste du temps, on le passait à la villa à Perth, chez maman autrement dit. C’était bien jusqu’à l’arrivée de son nouveau petit-ami. J’avais dix ans quand ils se sont mariés et c’est à mon quatorzième anniversaire que tout a dérapé. A mes dix-sept ans, j’ai tout avoué à ma mère. Elle ne voulait pas me croire mais, mon frère a réussi à prouver le contraire. Ce fut un soulagement pour tout le monde. Après ça, je suis partie dans une maison de repos pour dépressifs. Le nom fait peur mais la vérité, c’est que ça m’a sauvé. Chris avait le droit de venir me voir et petit à petit, on a fini par devenir un couple à peu près normal. Jusqu’à ce que j’apprenne que mon beau-père était relâché. De là, je suis partie à Cambridge avec mon frère, ma sœur est partie vivre avec mon père en Californie et maman est restée en Australie. J’ai recommencé à faire des crises d’angoisse dès qu’un homme s’approche de moi. J’y peux rien, c’est plus fort que moi. Je peux rester calme comme perdre totalement le contrôle. Je dois dire que depuis mon arrivée ici, j’ai eu quelques aventures à droite et à gauche mais, j’ai jamais réussi à avoir de rapports. C’est psychologique apparemment. Je fais comme si tout allait bien, je joue la fille sûre de moi alors qu’intérieurement, c’est tout le contraire. J’ai peur, peur de tout et je stresse pour rien mais, je garde le sourire. « Ma famille est parfaite madame maintenant, comme ça fait exactement une heure et demi que je suis là, je crois que j’ai le droit de partir. » Je me suis levée sans attendre sa réponse et, je suis partie. Une fois par mois, je suis obligée d’aller la voir pour « faire le point » mais la vérité, c’est que je reste toujours muette comme une tombe –ou que je raconte des conneries. Quelle chieuse je vous jure. Je veux juste être une étudiante comme les autres, pas une étudiante avec un passé douloureux. C’est si dur que ça à comprendre ?
vingt quatre ans + australienne + étudiante en art visuel + a un frère et une petite soeur + ses parents ont divorcé lorsqu'elle avait huit ans, cela ne lui a jamais posé problème + elle voyait son père un week-end sur deux + sa mère s'est remariée lorsqu'elle avait dix ans + a partir de l'âge de quatorze ans jusqu'à ses dix-sept ans, elle a été mal traité et violé par son beau-père + elle garde d'ailleurs quelques cicatrices + elle a été dépressive lorsqu'elle était adolescente + a été admise dans un centre pour dépressifs lorsque son beau-père a fini en prison + est suivie psychologiquement une fois par mois depuis sa sortie du centre + elle n'a eu qu'une seule histoire d'amour + reste sur ses gardes avec les hommes, elle ne se laisse que très rarement touchée + adore les animaux, elle a une chienne Féline + passionnée de voitures et de motos depuis toujours + a toujours rêvé de devenir cheerleader mais n'a toujours eu le courage de passer les sélections + fait de la gymnastique depuis toute petite + a la phobie des ascenseurs + a le vertige + est allergique aux fruits rouges + déteste les insectes + sait faire la fête et aime rencontrer de nouvelles personnes + boit très peu et ne fume pas + fait beaucoup de sport + adore le surf + essaye de montrer qu'elle a confiance en elle alors que ce n'est pas vraiment le cas
autonome + méfiante + souriante + réservée + attachante + mystérieuse + généreuse + parfois timide + intelligente + insomniaque + loyale + fragile + courageuse + impatiente + réfléchie + compliquée + polie + curieuse + déterminée + maniaque + observatrice + studieuse + sportive + très gentille + sociable + ouverte d'esprit