On m’a toujours répété que la famille c’était sacré. Chacun d’entre nous devait la privilégier avant quoi que ce soit, c’est censé être la chose la plus importante à mes yeux. Mes parents ont toujours rêvé d’une grande famille unie, et c’est ce qu’ils ont réussi à obtenir après la naissance de leurs trois enfants. Dont moi. J’étais arrivée trois années après mon frère et sept ans avant ma sœur, tous les trois à Londres. C’est là que nous avons toujours vécu, et c’est ici que devait s’étendre notre famille. Les professions de mes parents mettaient tout de même un peu de tension dans notre famille. Ma mère était un médecin-chirurgien réputé de la ville, elle était tout le temps à l’hôpital et elle devait souvent partir à l’étranger pour des conférences, ou bien des interventions d’urgence. Quant à mon père, c’était un agent de sécurité pour de grandes célébrités. Il travaillait toujours la nuit, et ma mère toute la journée. Les réunions familiales étaient donc rares, mais lorsqu’elles avaient lieu, mes parents s’arrangeaient pour qu’elles soient mémorables et qu’elles fassent plaisir à tout le monde. Même si il fallait avouer que ce n’était pas toujours le cas. J’ai donc grandi en passant la plupart de mon temps avec Owen, mon frère. Il était le seul à être le plus présent dans ma vie. L’absence continuelle de mes parents provoquait un vide dans ma vie, mais la présence de mon frère et l’arrivée de ma petite sœur, Norah, ne firent que combler ce vide. D’ailleurs, on ne manquait jamais de rien. Les salaires toujours plus élevés les uns que les autres de mes parents nous suffisaient à être comblés. On vivait dans le luxe. Nos proches subvenaient toujours à nos besoins. Tout était parfait dans nos vies, la seule chose manquante était de loin, nos parents. Lorsqu’on était réunis, on avait tellement de choses à se dire qu’il était rare qu’on parle de nos amis à l’école ou de nos sorties. Chacun menait sa petite vie de son côté. Ce n’était pas vraiment ce qu’on appelait une famille unie, bien que ce soit important pour chacun d’entre nous. En grandissant, j’ai appris à faire confiance à des personnes autres que ma famille. Mon frère était beaucoup trop occupé avec ses examens finaux pour passer du temps avec moi. J’ai donc du apprendre à m’attacher à d’autres personnes, des gens comme Phoebe et Dan. C’est très certainement les rencontres les plus importantes que j’ai faites jusqu’ici. Et il faut clairement dire, qu’ils ont tous les deux changé ma vie. Phoebe a été la première personne que j’ai rencontrée au lycée. Elle était mon coup de cœur et elle est tout de suite devenue une confidente, une sœur : ma meilleure amie. Norah était beaucoup trop jeune pour que je lui bourre le crâne avec tout ce qui me passait par la tête. En revanche Phoebe me comprenait, et très rapidement, notre duo se transforma en trio. En effet, Dan nous avait rejoints. Il était vite devenu mon meilleur ami, et nous étions tous les trois inséparables. Je sentais tout de même qu’une attirance naissait entre nous, et c’est finalement après quelques semaines que nous avons décidé de nous mettre en couple. L’amitié de Phoebe et l’amour de Dan ne faisait qu’ajouter du bonheur dans ma vie, qui devenait de plus en plus parfaite. Je n’avais même plus besoin de mon frère ou de mes parents pour être comblée, je les avais eux. Mais tout a changé alors que nous étions tous les trois chez moi. Une journée où j’avais eu l’occasion d’avoir toute la maison rien que pour moi. Il faisait beau et j’avais donc invité Phoebe et Dan chez moi. On était censés travailler mais nous n’avions pas pu succomber à la piscine qui était juste sous notre nez. Notre journée de travail s’était transformée en journée de plaisir, ou plutôt d’horreur en ce qui me concernait. J’avais déjà remarqué plusieurs rapprochements entre ma meilleure amie et mon petit-ami mais je n’y faisais pas attention. Nous étions tous les trois très proches et ça ne signifiait rien. Mais alors que je nettoyais et rangeais le bordel que nous avions causé dans le jardin, j’avais laissé Phoebe et Dan aller se changer dans les chambres à l’étage. J’avais fini depuis longtemps et aucun des deux n’était descendu. Je décidai alors de monter pour rejoindre Dan dans sa chambre et remarquai avec étonnement une chambre vide. J’ouvris alors toutes les autres portes avant de me rendre dans ma propre chambre pour demander si Phoebe n’avait pas vu Dan. Je me figeai à la porte en voyant tout mon monde parfait se briser en mille morceaux. J’aurais dû m’en douter. J’avais été si naïve pour ignorer tous ces rapprochements. Je venais de perdre les deux personnes les plus importantes de ma vie en l’espace d’une seconde. Cet évènement m’aura tout de même rendu plus forte. J’ai appris à ne pas me fier à tout le monde, même si ces personnes pouvaient être importantes. Je terminai donc mes études sans Phoebe et Dan à mes côtés. Ces deux personnes faisaient maintenant parti de mon passé, et heureusement, je n’avais pas eu du mal à tourner la page. C’est en parti grâce à mon caractère. A l’approche de ses examens, Owen perdit le total contrôle de lui-même et se mit à prendre de la drogue et à avoir des mauvaises fréquentations. Malgré mes conseils qui tentaient de l’en éloigner, celui-ci persistait et après plusieurs accidents, mes parents ont préféré l’envoyer dans un centre de désintoxication. Ses soi-disant amis, qui pendant plusieurs mois l’ont fait sombrer, ont soudainement disparus lors de son entrée en cure. Cet éloignement m’a plus particulièrement touché, j’avais toujours été près de lui. Ma colère envers ce genre de personnes ne fit que s’aggraver alors que je les tenais responsable de l’état de mon frère. J’avais tout fait pour l’empêcher de tomber dans ce cercle de personnes inférieures à nous, mais il n’avait pas réussi. Quand à moi, j’avais terminé mes études, il fallait que je me trouve une profession ou plutôt, une nouvelle école pour m’y former. J’avais oublié que mon avenir était tout tracé aux yeux de mes parents. Mais je refusais de devenir médecin comme ma mère et mon frère. Il était hors de question que je passe ma vie à exercer un métier qui ne me plaisait pas. Mes parents acceptaient petit à petit que je me tourne vers la psychologie, mais le plus dur avait été de me laisser partir m’installer à Cambridge pour étudier à Harvard.