Lorsqu'ivresse rime avec maladresse (+ Leonor)

Rien de tel qu'une soirée entre potes afin de retrouver la joie et ça, Mélodie le savait bien. Deux/trois anecdotes amusantes, quelques verres, voici le secret d'une amnésie passagère. Qui plus est, elle ne voyait pas souvent ces fameuses personnes qui habitaient dans son pays natal: la Serbie.  Elle n'avait pas à s'en plaindre, elle avait quitté son pays de son propre gré, pour des raisons personnelles, certes dramatiques. Lorsque son entourage lui demandait le pourquoi du comment, elle trouvait toujours un faux prétexte. « J'aime pas les universités qu'il y a là bas » ou  « Nan mais c'est pour voir d'autres cultures », ils la croyaient tout naturellement. Ca lui allait à la perfection, jusqu'à ce qu'elle n'en puise plus et  qu'elle ait besoin d'aide, ce qui selon elle n'était pas d'actualité.

La fête une fois terminée, il était temps pour chacun de retourner vaquer à ses occupations. Et donc, pour Mel, de retourner sur le campus. Encore en état d'ébriété, la jeune femme avait du mal à tenir sur ses jambes et voyait flou. Elle marchait en plein milieu de la route et ne remarquait pas la voiture qui déboulait à toute vitesse ni les coups de klaxon affolés.  
 

Mélodie écarquillait les yeux lorsqu'elle vit une décapotable la frôler de justesse. Elle observait avec quiétude le chauffeur sortir de la voiture tandis qu'une jeune femme s'approchait d'elle. Son visage lui était familié mais elle était bien trop sonnée pour se rappeler de son identité. « Mademoiselle, vous m'entendez ? Restez avec moi, les secours sont en route, ils ne vont pas tarder à arriver, parlez moi de vous et je vous parle de moi ensuite. Il faut vous accrocher. » Les secours?! Mélodie ne voulait pas être confrontée à eux, elle avait une sainte horreur de tout ce qui touchait à la médecine. Aussi, ses jambes flanchaient aussi bien à cause de l'alcool que du stress, qu'elle s'assit sur le sol, le dos maintenu contre la portière de la voiture qui avait bien failli la renverser. « C'était pas la peine d'appeler les secours, j'vais bien. » soupira la jeune femme tout en ravalant sa salive. Dans quelle galère s'était-elle mise encore?

« J'm'appelle Mélodie, j'ai dix-neuf ans et j'suis étudiante à Harvard, et toi? » Elle se permettait de tutoyer la jeune femme face à elle, de toute manière elle avait l'air d'être dans sa tranche d'âge.        

Tout le monde s'était approché des deux jeunes femmes afin de voir ce qu'il se passait mais aussi pour savoir si Mélodie était en vie. Le conducteur ne cessait de lui répéter qu'il était désolé mais la blonde n'en avait que faire. Ce qu'il venait de lui arriver n'était franchement pas dramatique.  « Enchantée Melodie, je m'appelle Leonor mais appelle moi Leo. J'ai 19 ans aussi. Tu fais quels études ? Je suis en 2e année d'Anthropologie. Tu es sure que tout va bien ?  » Un peu trop de questions, ma foie. Le fait qu'on lui demande si elle allait bien la dérangeait quelque peu. La réponse n'était jamais celle escompté. De toute manière, son interlocutrice ne l'écoutera guère.« J'suis en deuxième année de Théâtre et de Philo. » Elle lui sourit poliment. « Oui, oui ça va. » Prions que la mexicaine avale le mensonge de Mel et prions pour que les ambulanciers n'arrivent jamais. Autrement, ils verraient son taux d'alcoolémie et les hématomes qui recouvrent sa peau.         

Leonor regardait Mélo de manière soucieuse, ce qui la mettait quelque peu mal à l'aise. Cette soirée mémorable était-elle en train de se métamorphoser en cauchemar? Toujours assise sur le sol avec son dos calé contre la portière de la voiture, elle observait ces gens qui la dévisageaient avec pitié avant de clore ses paupières et d'inspirer profondément. « Putain .. » Elle murmurait cette vulgarité, agacée, avant de rouvrir ses iris. Elle avait envie de leur dire d'arrêter de la regarder mais ce n'était pas son genre, ce n'était pas elle. « Oh deux matières littéraires, je suis plus scientifique pour ma part d'où mon choix d'études n'est ce pas ? Je suis ravie de savoir que tu vas bien mais je serai toutefois plus rassurée quand les secours arriveront car on est jamais à l'abri d'une blessure qu'on ne sent pas et qui peut être fatal parfois. Sinon tu allais où avant l'accident ? Je rentrais sur le campus pour ma part. » Ah ouais? Bah au moins elle sera à l'abris de tous ces regards. « J'y retournais aussi .. » Avant que cette caisse ne déboule de nul part, évidemment. Si les pompiers venaient à l'embarquer, elle serait foutue. Si ça s'trouve, elle serait même obligée de retourner en Serbie. Tout mais pas ça, tout sauf revoir l'autre con.  Rien qu'à envisager cela, sa respiration se saccadait et ses muscles se contractaient. Elle résistait tant bien que mal à la possible arrivée d'une crise de spasmophilie mais l'agitation autour d'elle l'en empêchait. Alors, elle souffla avec lenteur.                   

Mélodie entendait de loin les pompiers arriver et si elle avait pu, elle se serait levée. Or en cet instant, elle n'en avait pas le courage. Elle voulait juste retourner dans sa chambre en compagnie de sa meilleure amie, était-ce trop demandé?  « Ah d'accord, heureusement que je suis passée par là alors. Et de quoi tu as peur ? Tu sais, j'ai vécu un lourd traumatisme dans ma vie qui me fait sursauter à chaque bruit encore aujourd'hui, peut-être que toi aussi ? Je veux seulement t'aider, ne t'en fais pas.  » Personne ne pouvait l'aider et puis, elle n'en voudrait même pas de toute façon. Elle considèrerait cela comme de la pitié.   « J'ai la phobie des hôpitaux c'est tout ! » Et naturellement, un énième mensonge sorti de la bouche de la jeune femme. Jamais elle ne révèlerait son secret, jamais.

Soudain, la Serbe se redressa et regarda son interlocutrice. Les personnes autour d'elle étaient perplexes. « Tu vois; j'vais bien. »  Elle tourna les talons en ignorant les passants qui tentaient de la retenir.