Rien, aucune réponse. Cela faisait maintenant la troisième fois que l'homme répétait cette phrase, il décida donc d'employer les grands moyens. Il donna de grands coups d'épaule et la porte s'ouvrit comme par enchantement. Jamais il ne se serait attendu à trouver le corps d'une femme sans vie en plein milieu de l'appartement. Il avait été envoyé suite à l'appel d'un voisin disant qu'un couple se disputait violemment. Le policier demanda à ses collègues de s'en occuper et se mit à explorer le studio. Il regarda dans toutes les pièces sans exception et après quelques temps, il finit par trouver le petit Charles Abbott, cinq ans. Il était caché sous un lavabo dans la salle de bain. L'enfant était extrêmement amaigri et dans un état physique inadmissible. Il ne disait rien, il ne pleurait pas, rien. Il se contentait de regarder le policier dans les yeux, la bouche entrouverte et les yeux légèrement écarquillés.
Charles venait de faire une découverte plus qu'incroyable. Le Dr Seymour-Harris, la personne qui s'était gentiment occupée de lui, qui avait été patiente, qui avait cherché à le rassurer, qui l'avait soigné, qui l'avait aidé à calmer l'horrible faim qui lui tiraillait les entrailles. Cette personne qu'il considérait comme un ange tombé du ciel. Cette personne, cette femme... Elle était sa maman. Il avait toujours pensé ne pas en avoir... C'est ce qu'on lui avait dit. Danny, elle se contentait de s'occuper de lui, bien qu'elle ne le faisait pas convenablement.
Amanda le serra dans ses bras et fondit en larmes. Un homme apparut dans la pièce et ne se fit pas prier pour emboîter le pas à au Dr Seymour-Harris. C'était le duc de Somerset, Alexander Seymour, le père de Charles.
L'annonce passait sur toutes les radios locales. Le petit Charles était assis entre ses deux parents. Ils se trouvaient dans une voiture qui les conduisait dans la propriété de Belgravia de la famille. Il se sentait quelques peu mal à l'aise... Il n'avait pas l'habitude que l'on parle de lui à la radio... Il n'avait pas non plus l'habitude que l'on soit si affectueux avec lui. Il ne s'était jamais vraiment senti aimé...
« Charles, à l'aide ! » Il courut aussi vite qu'il pouvait. Jamais, il n'aurait pensé qu'il pouvait être aussi rapide. Sa sœur avait besoin de lui et en tant que grand-frère, il se devait de lui venir en aide. Les cris venaient d'une pièce non loin de là où il se trouvait. Précipitamment et sans même se méfier, ce qui ne lui ressemblait en rien, Charles ouvrit la porte et tomba à pieds joints dans un piège. Il fut noyé. Noyé. Un seau d'eau tomba sur sa chevelure toujours parfaitement coiffée et l'inonda entièrement par la même occasion.
« Vous pouvez me rappeler quel âge vous avez ? » Il jeta le saut à terre et prit son air "je suis extrêmement furieux, mais je ne le montrerai pas" alors que ce n'était pas vraiment le cas... Il comptait aller prendre une douche de toute façon. Charles avait quatorze ans, son frère James en avait treize et sa sœur Elisa en avait douze. Cette dernière accusa son autre frère sans scrupules et s'empressa de s'en aller. Mais, Charles savait pertinemment qu'ils étaient tous les deux les auteurs de cette blague de très mauvais goût.
« Allez, fais pas cette tête ! » Lui dit finalement James en se retenant de rire.
« On pourrait lui donner une leçon ? » Charles haussa les sourcils, pesant le pour et le contre. Il adorait embêter sa sœur, c'était plus que jouissif pour lui. Cependant, James était une véritable énigme pour lui...
« J'ai déjà, une idée ! Viens, on va avoir besoin de colle. » Il aurait certainement James une autre fois.
« Que comptes-tu faire comme métier Charles ? » Le duc de Somerset regardait son fils l'air franchement intéressé. Le jeune homme frappa la balle de son club et elle entra parfaitement dans le trou. Il avait gagné.
« Je voudrais devenir neurochirurgien. » Dit-il sans faire le moindre commentaire sur sa récente victoire. Son père était comme lui, il détestait perdre. Il sentait bien qu'il était sur le point de casser le club qu'il tenait entre ses mains.
« Tu n'as jamais pensé à ... » Alexander n'eut pas le temps de finir de poser sa question. Elisa venait de l'interrompre tout bonnement :
« Tout le monde à table ! » Elle tira vivement son frère par le bras et lui fit un clin d’œil. Quand ils furent éloignés de leur père, Charles lui lança :
« Il n'y a pas à dire, j'ai la meilleure sœur du monde, tu viens de me sauver la vie. » Elle le gratifia d'un sourire qu'il lui rendit. Alexander voulait à tout prix que Charles reprennent son entreprise, une multinationale qui touchait plusieurs secteurs d'activités comme le textile, l'hôtellerie, l'agro-alimentaire... Mais, c'était aussi l'une des firmes les plus riches de Grande-Bretagne. Le jeune homme n'était pas contre cette idée, bien au contraire. Mais, il pensait qu'il avait le devoir de faire un métier qui lui donnerait l'occasion d'aider les autres. Après tout, il avait été très chanceux et il savait ce que cela faisait d'être dans le besoin. Il pensait que pour montrer à la vie à quel point il lui était reconnaissant, il devait devenir médecin, comme sa mère qui était pédiatre.
« Je laisse la place au major de cette promotion de 2007, Charles Seymour-Harris. » Le directeur de la prestigieuse école privée pour garçons nommée Eton se recula. Le futur duc de Somerset se leva et prit place face au pupitre. Il se lança dans un discours dont lui seul avait le secret, évoquant à quel point les années à Eton avait difficiles mais, édifiantes, à quel point la vie des jeunes diplômés s'annonçait belle et à quel point il était fier d'avoir réussi à leurs côtés. Son speech fut ponctué d'applaudissements. S'ensuivit l'interminable défilé durant lequel les élèves recevaient leur diplôme.
« Arrête de pleurer maman... » Dit Charles en frottant affectueusement le dos d'Amanda. Elle était émue de voir son fils aîné diplômé. Elle savait que dans quelques temps, il allait partir étudier la médecine à Oxford comme elle l'avait fait quelques années auparavant.
« Je ne vois aucune réelle évolution. » L'homme face à lui se mit à griffonner quelque chose dans son carnet sans pour autant détacher ses yeux de ceux de son patient.
« Et c'est la première fois que vos insomnies reprennent depuis la dernière fois ? » Charles opina légèrement tandis que le Dr Finley s'intéressa de nouveau à son carnet. "La dernière fois", c'était quand il avait dix ans. Cela avait commencé quand il avait cinq ans, après son arrivée dans sa vraie famille. Le petit Charles faisaient des cauchemars... Mais attention, ce n'était pas de simples mauvais rêves d'enfants où l'on voyait apparaître des monstres et autres créatures imaginaires. Non, Charles voyait Daniella Abbott ou
"la Cinglé", sa ravisseuse, l'homme qui venait de temps en temps dans l'appartement et il se voyait aussi... Il voyait Daniella pleurer, il voyait l'homme la frapper. Il voyait l'homme s'en prendre aussi à lui. Il revoyait Daniella inerte au milieu de tout ce sang...
« Ce sont les mêmes rêves qu'avant ? » De nouveau, Charles acquiesça. Son visage ne laissait rien paraître... Il espérait que le Dr Finley l'aideraient à arrêter de faire ces rêves et qu'il pourrait à nouveau dormir sereinement. Malheureusement, le psychologue qui prenait Charles en charge quand il était enfant avait dû déménager aux États-Unis.
« Lizzie, désolé de ne pas avoir décroché, j'étais... Au cinéma. » Elisa se contenta de raconter ses péripéties à son frère. James avait rejoint Charles à Oxford et Elisa s'apprêtait à faire de même. Le jeune homme avait réussi à cacher ses problèmes à sa famille jusques-là et il priait pour qu'ils ne découvrent jamais son petit secret...
« Je comprends, ne t'inquiètes pas. Je veux juste que tu fasses ce qui te plaît. » Dit Amanda avant de prendre son fils dans ses bras. Charles venait de finir sa troisième année de médecine à Oxford. Il allait devoir continuer ses études dans un hôpital. Tout devenait plus réel. Il allait côtoyer des médecins et des patients. En plus de son titre de Lord, Charles allait maintenant être appelé "Docteur". Il allait pouvoir, après une année, être considéré comme un médecin, pouvoir prescrire des traitements. Cependant, Charles n'avait aucune envie de continuer. Il ne voulait pas être médecin et il devait maintenant voir les choses en face. Charles avait donc décidé d'arrêter ses études de médecine pour commencer un cursus en commerce international, au grand bonheur de son père. « Mais, pourquoi Harvard ? » Alexander aurait voulu que son fils reste à Oxford mais, il n'en avait pas envie. Les nuits de Charles étaient toujours aussi difficiles, aucun des psychologues qu'il avait rencontrés n'avait réussi à l'apaiser. Il devait revoir celui qui l'avait suivi lorsqu'il était enfant, c'était la seule solution qu'il avait trouvée. Heureusement, il savait pertinemment où il se trouvait, il exerçait aux États-Unis et enseignait la psychologie à Harvard. « J'ai longtemps pensé aller aux États-Unis. Elisa a décidé d'y aller et puisqu'elle fait la paire avec James, je parie qu'il la suivra... Je n'ai aucune envie de rester ici... » Les lubies de sa sœur lui permettaient d'avoir le prétexte parfait. Les membres de la famille de Charles n'étaient toujours pas au courant de ses problèmes et il n'avait pas l'intention de leur en parler... « Et puis, nous avons tous les trois la nationalité grâce à maman qui est américaine. Cela facilite les choses... » Alexander se contenta d'opiner. Il savait que son fils ne changerait pas d'avis et il n'avait aucune envie de l'empêcher de faire ce qu'il voulait. Il souhaitait que ses enfants soient les meilleurs dans leurs domaines et pour que son rêve se réalise, il fallait qu'il les laisse voler de leurs propres ailes.