« On dit que la vie est une succession d'événements plus ou moins marquants et que c'est grâce à eux que nous sommes qui nous sommes. Prenons par exemple Adolph Hitler. On sait tous que s'il avait été accepté à l'école des beaux-arts, jamais un sentiment de vengeance contre la race aryenne se serait développé en lui et on aurait, à coup sûr, pu éviter la deuxième guerre mondiale, soit le plus grand génocide commis envers des humains. Du coup, le refus à l'école des beaux-arts fut un évènement très, très marquant dans la vie d'Hitler. Vous comprenez donc mieux, maintenant, lorsqu'on dit que notre vie est sujette à changement puisque ce sont les événements qu'on vit, les personnes qu'on rencontres, les études que l'on fait, les choix que l'on prends qui nous définissent. Et dans mon histoire, il y a eu plusieurs évènements marquants... C'est donc sur ceux-là qu'on va s'attarder principalement. Et c'est ainsi que vous apprendrez à me connaître... »
LA NAISSANCE DE BÉBÉ JAELLE. Comment pourrait-on parler de ma vie sans mentionner le moment le plus important de celle-ci ? Il s'agit donc de ma naissance... Le moment LE plus important. Sans celui-là, je ne serais pas en vie... Et c'est le cas de le dire ! Commençons donc par le début. Ma mère, Jackie Collins était follement amoureuse de Mark Schmidt. Leur amour était, fort heureusement, réciproque. Après quelques mois de fréquentation, Mark posa le genoux par terre et demanda à Jackie si elle voulait l'épouser. Émue, la brunette accepta. Et la suite, on la connait tous. Ma mère était une femme d'affaire bien ordinaire. Elle travaillait dans un bureau pour je-ne-sais-quelle compagnie d'assurance. Tout ce que je sais, c'est qu'elle faisait bien son job puisqu'à tous les ans, elle recevait un gros bonus. Mon père, quant à lui... C'est assez extraordinaire. Il est agent de sécurité à la maison blanche. Vous savez, comme dans le film « Assaut sur la maison blanche » ? Eh bah, mon père c'est ça qu'il fait. Il est donc un homme très, très important pour les États-Unis d'Amérique. Non, mais ! Il protège quand même le Président ! Ce n'est pas rien ! Bref... Mes parents ont toujours eu de bons boulots ce qui fit qu'à ma naissance, je ne manqua de rien. On pense souvent que les gosses de riches manquent d'amour, mais ce n'était pas mon cas. Mon père a toujours été mon héros, mon modèle. Et ma mère a toujours été une source de bonheur, de câlins et d'amour. Vraiment, avec eux deux dans ma vie, ça ne pouvait que bien aller...
L'ENTERREMENT DE JACKIE COLLINS. Vous aviez remarqué que dans le texte plus haut, j'ai parlé de ma mère au passé ? Effectivement... Un autre moment marquant de ma vie; la morte de ma charmante maman. J'avais sept ans lorsqu'elle est décédée d'un cancer. À cet époque, les médecins en savaient bien moins qu'aujourd'hui... Du coup, elle n'a pas pu recevoir les traitements adéquats. Même si j'étais très jeune, je m'en souviens comme si c'était hier. Mon père était dans son habit et bons nombres d'officiers qui travaillaient avec lui sont aussi venus à la cérémonie. La famille Collins-Schmidt était très appréciée, voyez-vous. Du coup, il y avait pas mal de monde à l'enterrement... Je me souviens de ma petite robe noire en dentelle. Je me souviens aussi que je tenais la main de mon père et je le regardais constamment. Il ne souriait pas. Mais il ne pleurait pas non plus. C'est ce jour que j'ai compris que peu importe les tempêtes que nous braverons, il resterait solide en toute circonstance. Il était mon modèle, ce jour là. Et il l'est resté depuis.
LE TEA PARTY À LA MAISON BLANCHE. Mon père, malgré le décès de ma mère, ne prit pas en compte le congé qu'on lui offrait. Il préférait se tenir occuper. Travailler, s'occuper de moi... C'était toute une tâche, mais il le faisait avec brio. Souvent, ça arrivait qu'il m'amenait avec lui à la Maison Blanche. J'avais alors huit ans... Je me souviendrais toujours de cette journée où un Tea Party avait été organisé à la White House. Même le Président Bill Clinton y était. Et devinez qui a pu s'asseoir près de lui ? Oui. C'était moi. Mon père savait que j'avais envie de visiter la « maison du président des États-Unis » et il rendit mon rêve réalité le jour de mon huitième anniversaire. J'étais vraiment aux anges, ce jour-là. Les photos affichés dans le salon familial en témoigne. Et je n'oublierai jamais le pétillement dans les yeux de mon père, lorsqu'il me regardait de loin... Vraiment, mon père, c'est mon héro.
LA DÉCOUVERTE DES ARTS PLASTIQUES. J'ai malheureusement oublié de vous parler de mon cheminement scolaire. À l'école, j'étais déjà un enfant modèle... J'adorais les cours, j'adorais les professeurs, j'adorais les amies que je m'étais fait et... J'adorais par dessus tout les cours d'arts plastiques. Mon père m'avait inscrit à la meilleure école primaire qui soit. À la maison, à cette époque, je parlais très peur. Sans doute à cause de la mort de ma mère qui m'a quand même beaucoup affectée. Du coup, il a fait en sorte de m'inscrire dans un collège qui offrait beaucoup de support aux élèves et beaucoup de cours plus « artistiques ». Il savait que si la parole ne trouvait pas son chemin, peut-être trouverais-je d'autres moyens de m'exprimer. Mon père est brillant, vous l'aies-je dis ? C'est donc grâce à ses bonnes idées que j'ai découvert le fabuleux monde des arts. Mes professeurs étaient déjà très impressionnés de ce que j'arrivais à faire à l'époque. Je n'ose même pas imaginer comment ils seraient heureux de voir où j'en suis maintenant. Enfin bref, cette époque de ma vie fut merveilleuse. J'avais enfin trouver ma vocation. À 10 ans, ce n'est pas donné à tout le monde.
LE PREMIER JOUR DE LYCÉE. Ça, je m'en souviens comme si c'était hier. J'étais tellement nerveuse, tellement stressée. Et pourtant, je ne voulais rien laisser paraître. Mon père m'avait apprise à me montrer forte face à toutes circonstances. C'est pour ça que je ne voulais pas qu'il voit mon tract. Malgré tout, il le voyait quand même... Le premier jour de ma freshman year se passa plutôt bien. J'étais encore dans un collège privé qui offrait de très bon cursus en arts plastiques. Ça avait été un critère pour trouver la bonne école pour moi. Seulement, je me souviens avoir été très étonnée de constater à quel point les étudiants étaient... différents de la petite école. Ça parlait fort, ça riait fort... Ça voulait se faire remarquer... N'empêche qu'en quelque mois, je devins un peu plus comme elles, comme ces filles qui parlent fort et qui rient fort... C'est l'évolution normal, après tout. On devient des adolescentes et... On se doit de s'affirmer, de prendre notre place.
« PAPA, JE SUIS LESBIENNE. » Qui dit lycée dit aussi découverte. Découverte des autres, découverte de ce que l'on aime, de ce que l'on aime pas... Mais surtout : découverte de qui nous sommes réellement. J'avais quinze ans. Je m'en souviendrai toujours. Ce sentiment si fort qui nous prend au coeur. L'amour. J'étais éperdument amoureuse d'une fille. Oui. D'une fille. Et contrairement à certaines autres personnes que je connaissais, je n'ai jamais essayé de fuir qui j'étais réellement. À quoi bon chasser le naturel ? Katherine et moi formions un couple officiel depuis quelques semaines maintenant et j'avais plus qu'envie de le dire à mon père. Il a toujours été là pour moi et il a toujours su me remonter le moral lorsque j'en avais le plus besoin. Je savais qu'il serait d'abord ébranlé par la nouvelle, mais qu'il s'en remettrait. Je lui ai donc dit. Et ça, je m'en souviens encore. Ce n'est pas quelque chose qu'on oublie, en fait. Il m'avait fait une très grande étreinte et m'avait dit dans l'oreille qu'il était fier de moi. Ça, ça vaut de l'or. Encore maintenant...
LA PREMIÈRE PEINE D'AMOUR. Katherine. Celle que je croyais être la femme de ma vie. Eh bien foutaise ! Au bout de trois mois, elle me laissa platement. Elle s'excusait stupidement, mais je voyais bien dans ses yeux qu'elle ne le pensait pas. Elle était juste passé à autre chose et ça, ça m'a fendu le coeur en deux. Après quelques semaines à avoir pleuré toutes les larmes de mon corps - ça je m'en souviens très bien. - j'avais su qu'elle m'avait laissé, en réalité, pour aller avec quelqu'un d'autre. Un homme. C'est ce jour-là que je me suis jurée de ne plus jamais ressortir avec une bi-curieuse. Je ne voulais pas être avec qui on teste, voir si on aime les relations lesbiennes ou pas. Plus jamais je ne voulais me sentir utiliser de la sorte. Plus jamais. Et encore aujourd'hui, c'est la même... Bien que mon discours soit un peu moins ferme que jadis.
« CETTE FOIS, TU ES LA BONNE ». Après Katherine, vint le tour de Jesse. Entre elle et moi, ce fut un réel coup de foudre. Le genre de coup de foudre qui ne nous arrive qu'une fois par vie. Cette blondinette était... Argh. Elle était parfaite ! Elle aimait autant les arts plastiques que moi, en plus d'avoir les mêmes goûts musicaux... On avait sensiblement la même mentalité, la même maturité. On s'accordait tellement bien toutes les deux. Ce fut d'ailleurs la seule de mes copines que je présenta officiellement à mon père. Et pour lui aussi, ce fut comme un coup de foudre. Il la trouvait si gentille, si drôle, si divertissante. Lorsqu'elle était à la maison, ça ajoutait vraiment du dynamisme et de la joie dans la cabane. C'était ma femme. Mon idéal. J'avais dix-sept ans et j'étais convaincue de vouloir passer toute ma vie avec elle.
L'ENTRÉE À HARVARD. Après avoir obtenu mon diplôme d'études, je fis application à la prestigieuse université d'Harvard, à Cambridge. J'avais entendu dire que leur programme d'arts était exceptionnel et qu'en plus, y il avait une confrérie spéciale que pour les artistes du campus. C'est avec joie que j'eus connaissance de mon acceptation. C'était officiel ! En septembre 2011, j'entrerais à l'université la plus réputé des USA ! Ça me faisait quand même de la peine de quitter mon père et ma Jesse... Ça me fait encore de la peine, d'ailleurs... Seulement, c'était pour le mieux. J'avais envie de m'envoler vers de nouveaux horizons, de vivre ma propre vie. D'être aussi forte que mon père avait pu l'être tout le long de mon enfance et de mon adolescence.
« EXCUSE-MOI. TOI ET MOI, ÇA NE FONCTIONNERA PAS. » On s'entend qu'entre Washington DC et Cambridge, il y a pas mal de chemin à faire... Jesse me manquait terriblement, même si tu la voyais à toutes les fêtes et que tu l'appelais tous les soirs. Ce n'était plus suffisant. Vraiment plus. Surtout qu'à Harvard, il y avait tellement de belles femmes... J'avais tellement envie de succomber, de tenter... Mais je ne voulais pas être celle qui trompe. Du coup, j'avais mis un terme à ma relation avec Jesse et ce fut sans doute le moment le plus libérateur. À partir de ce jour, je me sentis renaître. Comme si j'avais été prisonnière... C'est triste à dire, mais c'était ça. Après quoi, je finis par devenir un peu plus moi-même. Je ne me cachais plus aux yeux des gens. J'étais devenue... beaucoup plus affirmée. J'enchaîna donc les coups d'un soir, les relations de couple plutôt houleuses... Le problème c'est que je n'ai jamais aimée être seule... Et ça se voyait beaucoup dans mon humeur...
« Et maintenant, je suis à Harvard depuis deux ans et demi. Je suis toujours aussi satisfaite d'être dans le programme d'arts plastiques. C'est vraiment la meilleure chose qui me soit arrivée. Ça et... peut-être Phoebe. Qui sait. C'est encore ambigüe. Ça marquera peut-être ma vie et qui sait, peut-être que j'en parlerai un jour comme étant un évènement très important... Ça reste à voir. D'ici là, j'ai envie de vivre à fond, de profiter de la vie... Et d'être moi. À tout prix. Parce que ces évènements font de moi qui je suis et que j'ai envie de vivre ma vie. »