Invité
est en ligne
Invité
Il est tard. Je me balade encore dans les rues de Cambridge. La fatigue est présente, elle me prend aux tripes et je baille plus d'une fois alors que ma cadence est mollassonne. Je regarde ma montre, minuit passé. Je dois rentrer sur le campus, d'urgence. Je resserre ma bandoulière contre moi et avance, le pas un peu plus rapide. J'avais passé la journée à dessiner, assis au coin d'une rue, les gens qui passent. Une de mes activités préférées le week-end quand je n'avais rien de mieux à faire. M'asseoir et regarder le monde d'en bas, regarder le look des gens, écouter leurs conversations d'une oreille indiscrète. La curiosité a toujours été un vilain défaut, c'est bien connu. Je les ai tous détaillés dans mon calepin, griffonné à la va-vite pour certains alors que pour d'autres, leur portrait était proprement détaillé. Je devais passé pour un fou, à regarder les personnes dans la rue et à les dessiner ensuite. Rien à faire, en cas de nécessiter je ressortirais ma langue d'origine, l'italien, et prétendrais ne pas être d'ici. C'était faux. J'étais bien d'ici. J'étais étudiant à Harvard après tout. Loin de mon Italie natale, de ce pays qui m'a vu grandir, de cette langue qui a bercé mon enfance. Mon père est un enfoiré. Il n'a pas pus se retenir de m'envoyer loin, bien loin d'eux, de leur bonheur. Je suis l'imperfection incarnée, un raté pour lui. L'art me plait, lui il préférerait que je sois dans la médecine. Heureusement que ma mère a été là pour lui faire comprendre que je me fichais pas mal de sauver les malades. Le sang me donnant envie de vomir et de m'évanouir, ce n'était pas franchement une bonne idée. Moi, je suis un artiste, né avec un pinceau et un crayon entre les mains. Je regarde autour de moi. La nuit est tombée, depuis un moment déjà et je marche le long du trottoir, longeant les nombreux bars remplis à gaver. Les rires des clients raisonnent même dans la rue et je souris. La seule lumière qui éclaire la ruelle est celle du lampadaire sous lequel je passe et où je m'arrête. Le paysage est magnifique. Une légère lumière et le parc en face de moi. Je ne peux m'empêcher de m'asseoir au sol, les yeux en étoiles et de sortir mon calepin pour immortaliser la beauté du moment. Je ne peux pas vivre sans dessiner. C'est mon échappatoire, le seul moyen que j'ai trouvé pour oublier que le monde dans lequel je vis est un monde de brute. Je la sens encore, sa main contre ma joue. Je sens encore ma joue rougir sous le coup et je sens encore la rage m'envahir. Je dessine, en souriant gaiement. J'ai l'air d'un gosse devant son cadeau de noël. C'est alors que quelqu'un me percute et s'étale au sol. Je me relève vivement, je pose mon cahier à dessins près de mon sac. « Pardon mec... Je... Je t'avais pas vu, j'suis désolé... » Je tend la main alors que le jeune homme se tourne vers moi. Je souris. Je découvre son visage aux traits franchement attirants. Je rougis légèrement et me mords la lèvre sans reprendre ma main. Je le regarde alors en silence. Je ne m'attendais pas vraiment à tomber sur quelqu'un, enfin à faire tomber quelqu'un.
(Invité)