(+ Luke) what is wrong with you ?!

Bien que Bambi soit davantage illusionniste que hackeuse, c’était une activité dans laquelle elle excellait quoi qu’il en soit et qui en prime payait. Mieux, c’était particulièrement rémunérateur lorsqu’on ne lui tirait pas dans les pattes… à plusieurs reprises, des contrats lui étaient passés sous le nez à cause d’un hacker n’étant pas moins doué qu’elle mais cela prenait fin ici et maintenant. La preuve, elle avait fait en sorte que le salon principal de la Mather House soit vide, qu’il s’y trouve à heure dite et qu’elle puisse ainsi lui parler en toute sécurité, sans craindre d’oreille indiscrète. « Je pensais que tu en avais peut-être ras la babouche qu’on se tire dans les pattes… » commença-t-elle sans prendre de gant ni enrober ses propos sous une tonne de sucre. Bambi n’était pas connue pour prononcer dix mots lorsque quatre seulement pouvaient suffire. « Mais il faudrait pour ça que tu sois prêt à entendre mon offre… on est bien calés, il n’y a pas un chat, on va dire que tu as tout le temps du monde devant toi alors un clignement d’œil et je l’ouvre. Sinon je retourne d’où je viens, basta rideaux et on continue à se piquer mutuellement des contrats… crétin hein ? »

Après quelques mois d'absence, j'ai enfin retrouver mon chez moi, la Mather House. La plupart de mes amis en font parti, et je me sens bien qu'ici au fond. J'ai bien essayer de changer, d'aller chez les Dunster, mais leur façon de toujours penser uniquement qu'au boulot, ça a le don de me donner la nausée. Assit sur un des canapés de la salle commune des Mather, je commence un petit boulot qu'un gars m'a demandé. Je suis un hacker, en plus de ma bourse, c'est ça qui me permet de pouvoir vivre dans ce monde bien trop cher. C'est relativement simple aujourd'hui, il veut juste que je pirate la messagerie de son ex pour récupérer des mails qui vient par erreur d'envoyer à cette dernière alors qu'ils étaient destinées à sa nouvelle copine. Pathétique. Mais bon, je crache jamais sur 200$, surtout quand ils viennent d'un fils de riche qui a jamais eu rien à faire pour réussir. Une jeune femme s'avance alors vers moi et commence à m'accoster. Je la connais, enfin, de réputation. Depuis que je suis hospitalisé, la plupart de mes anciens clients font appel à elle. Alors quand elle me parle d'une offre, je lève les yeux vers elle et réplique sans attendre. "Qu'est ce qui te ferait penser que je pourrai accepter ? J'suis l'un des meilleurs ici, les gens ont confiance en mon travail."

L’arrogance était monnaie courante mais Bambi ne s’en offusqua en aucune manière : n’était-elle pas exactement pareille ? Sauf que là, sa fierté était en jeu et qu’elle avait décidé une bonne fois pour toute que le jeu s’arrêtait ici et maintenant. Soit elle obtenait sa coopération, soit elle allait s’arranger pour transformer sa vie tranquille en véritable enfer et si Luke possédait une bonne clientèle de son côté, Bambi avait sa double vie pour elle… ne jamais croire que le monde de l’illusion et la quantité impressionnante de spectateurs qu’elle possédait à chaque représentation ne soit pas liée. Tout était toujours lié avec la belle blonde… de façon secrète, voilà tout. Il fallait bien protéger ses arrières ! « Disons que si tu refuses, ce que tu es certes en droit de faire, je vais tellement m’arranger pour rendre ton petit commerce pénible que tu auras beaucoup de mal à subsister… et je ne parle pas uniquement de te piquer tes clients, non ce serait trop gentillet » reprit-elle énigmatiquement, consciente qu’elle le menaçait mais après tout il l’avait bien voulu, à force de lui chercher des poux… ceci étant, Bambi s’était bien rattrapée pendant « l’absence » inattendue de Luke. « Je trouverais plus intelligent de s’associer. Cela diminuerait les risques, augmenterait les cachets… tu as tout à gagner et moi aussi. Sens-toi libre de refuser, mais si j’étais toi, j’opterais pour l’intelligence, pas le fait d’être suicidaire… » fit-elle en s’asseyant confortablement sur un fauteuil juste en face de lui, sans le lâcher une seconde du regard.

Elle avait du cran, cette jeune femme, et j'dois dire que ça me plaisait assez. Il en fallait, du cran, pour pouvoir faire des choses comme le hack. Il fallait oublier ses principes, et faire ce que demande le client, même si ça va à l'encontre de tout ce qu'on croit. L'an dernier, avec Feldt, nous avions réussi à entrer dans le site de l'université pour changer mes notes et me permettre de rester ici. Feldt était très douée aussi, dans ce domaine. Je souris légèrement quand elle sorti 'pas le fait d'être suicidaire', je pense que si elle savait à qui elle s'adressait, elle aurait revu ses termes. Le suicide. Je revenais de l'hôpital entre autre parce que j'avais tenté de mettre fin à mes jours, à la mi décembre, après avoir envoyé les papiers de mon divorce à Lassa, dont j'étais encore éperdument amoureux. Amoureux de son souvenir, surtout. J'allumais une cigarette en posant mon ordinateur sur la table basse, ne lâchant pas des yeux la jeune femme. "On m'a dit que tu avais récupéré la plupart de mes clients, quand j'étais … Ailleurs. Ça doit vouloir signifier que tu n'es pas trop mauvaise."

Que Bambi sache à qui elle avait affaire ou pas, peu importait. La belle blonde n’était jamais du genre à pleurer sur le malheur des autres ou à pleurer tout court dans les chaumières, pas alors qu’elle avait dû se relever de la mort de son âme sœur. S’en était-elle relevée, seulement ? La question restait posée et là encore, l’illusionniste préférait mettre en avant son cœur de glace, aussi insensible qu’une pierre, demeurant bien plus utile qu’une quelconque sentimentalité à faire saigner les yeux et les oreilles. Là, il parlait hack. Cela nécessitait un grand laisser aller dans le non sentimentalisme, et à ce petit jeu, c’est fou comme Bambi pouvait être forte désormais. « Bah, tu connais la clientèle. Ils vont au plus offrant et au meilleur mais surtout au disponible… » répliqua-t-elle sans trop avancer bien que son ton de voix ait gardé une pointe d’arrogance, histoire de dire. « Je n’ai pas l’habitude de supplier ni de me répéter. Un simple oui ou non me suffira pour l’instant » conclut-elle en conservant un visage résolument impassible et une position… fermée. Impossible de savoir ce qu’elle pouvait bien avoir en tête. Restait à savoir si la curiosité le pousserait à vouloir en savoir plus… ou pas.

Dans tous les cas, si je refusais, je perdais la moitiés de mes clients, et si j'acceptais, je devais partager mes clients. C'était du pareil au même au fond. Certes, si j'acceptais, j'aurai pas cette pseudo épée de Damocles sur le crâne, elle ne serait plus la pour me tirer dans les pattes. Et sans ce job, sans cet argent, j'pouvais pas vivre. Enfin, si je pouvais vivre, mais j'pouvais pas vivre comme Luke Lewis. La plupart de l'argent du hack me servait à payer la drogue. J'avais reprit, depuis quelques jours. Au fond, la rehab, ça m'avait servit juste à me reposer. J'suis pas prêt à arrêter, pas encore, j'ai encore trop de trucs à régler. "Bon, c'est d'accord." Je ne dis rien d'autre, me contentant de tirer sur la cigarette qui glissait entre mes doigts. J'allais pas faire péter le champagne à cette nouvelle collaboration non plus. Et puis je la connaissais même pas. Je connaissais même pas son prénom.

Fondamentalement, ils ne se connaissaient ni l’un ni l’autre, c’était bien ça l’intérêt. En tout cas Bambi voyait les choses sous cet angle, car elle se félicitait d’être profondément méconnue du commun des mortels. Après, qu’il fasse partie de sa maison ou pas, qu’il soit drogué, alcoolique ou quoi que ce soit d’autre… la belle blonde ne considérait pas ce genre de détails comme potentiellement intéressants pour une future collaboration. « Voilà qui est sage » avoua-t-elle non sans esquisser un petit sourire ne laissant guère entendre son véritable état d’esprit. Pour Bambi, il s’agissait tout de même d’une victoire : finies, les soirées à se prendre la tête parce qu’un certain hacker de sa connaissance lui avait piqué plusieurs contrats d’un coup. Désormais, ils étaient dans le même panier… pour le meilleur et pour le pire, d’une certaine façon. « Tu es prêt à retourner dans le bain ou bien tu as d’autres obligations ? » Dans le premier cas, elle avait pléthore de contrats à lui proposer. Dans le second… il n’aurait qu’à la joindre au moment opportun.

J'avais choisi la facilité en décidant de m'allier à elle et de ne pas l'affronter. J'étais bien trop faible en ce moment pour mener une sorte de petite gueguère à la con. "T'avais à perdre, toi aussi, sache le." J'écrasais ma cigarette dans le cendrier bien rempli et reprit mon ordinateur sur les genoux pour finir de pirater la messagerie de cette fameuse prettycindy@gmail.com . Mails de pubs, encore pubs, commande de soutiens-gorge … Mecs à poils … Intéressant. J'eu un léger sourire en parcourant son courrier et finalement, je tombais sur le mail que je cherchais à faire disparaitre. Voilà, à moi 200$. Je fermais mon PC et regardais la jeune femme avec un sourire. "J'suis OP, là, si t'as quelque chose."

« On avait autant à perdre l’un que l’autre » avoua-t-elle sans chercher à se cacher. Bambi dissimulait beaucoup de choses sur sa personne mais lorsqu’elle estimait que la franchise était une meilleure arme, elle n’hésitait pas une seconde à s’en servir, bien au contraire. C’était même avec plaisir. « J’ai plusieurs contrats potentiels. Plusieurs où on peut se partager les tâches et un tout particulier où il faudra que l’on bosse ensemble. Cela implique que l’on se fasse mutuellement confiance car les risques ne sont pas moindres… mais le pécule derrière non plus, vu qu’il se compte en millier de dollars. Je te laisse le choix, je suis bon prince » reprit-elle sans bouger d’un pouce et surtout, sans le quitter des yeux. L’observer s’avérait très instructif au bout du compte.

L'avantage que j'avais c'était que les gens me connaissaient, ils connaissaient ma discrétion et ma rapidité à effectuer ce qu'ils me demandaient. Je pouvais à peu près tout hacker. J'avais jamais bossé avec quelqu'un sur ce genre de sujet, enfin, mis à part Feldt, mais c'était un truc qu'on avait fait pour moi l'an dernier, changer mes notes sur le réseau de l'université pour pouvoir me faire passer en classe supérieur. C'était immoral, et ça avait marché. J'essayais de me faire discret, depuis en cours, et mes notes étaient remontées. Je la fixais lui portant un intérêt assez fort quand elle me parlait du gain intéressant qu'on pourrait récolté. "Si t'es pas relou, j'veux bien qu'on commence à bosser sur le gros truc. J'ai ma journée dans tous les cas."