(Konrad) ur an agitator

« J’prends ma pause. » lança-t-elle sèchement à ses collègues avant de poser son calepin et son stylo sur le bar et de sortir subitement de l’établissement. Arrivée dehors, elle soupira. On était en début de soirée et le ciel était orangé. Une légère brise s'était levée, plaquant les cheveux blonds de la jeune femme contre son visage pâle. Judith détestait son travail. Ca l’obligeait à parler, pire même, ça l’obligeait à écrire. Elle tira de son jean noir son paquet de cigarettes et en retira une avant de la porter à ses lèvres roses. Elle l’alluma et tira une taffe avant de soupirer à nouveau. Son seul réconfort était la nicotine. Triste vie, direz-vous. Non. Judith n’était pas malheureuse. A vrai dire, ça faisait longtemps qu’elle avait oublié ce que cela faisait d’être triste. Elle semblait être une poupée de chiffon qui vivait une vie presque malgré elle. Elle fit quelques pas dans la rue, la remontant. Elle porta la cigarette une nouvelle fois à sa bouche et fuma en regardant les gens passer. C’est à cet instant qu’elle le vit, arriver au loin. Elle recracha la fumée blanche en serrant la mâchoire. Elle ignorait pourquoi il s’acharnait à lui pourrir la vie. Konrad venait régulièrement ici, en parti parce que Judith y travaillait et qu’il trouvait drôle de la provoquer. Il se droguait et il avait finir par apprendre qu’elle avait fait parti de ces âmes perdues, déroutées. Elle était piètre menteuse, il fallait l’avouer. Il s’approchait et elle l’ignorait, feintant de ne l’avoir pas vu. Peut-être qu’aujourd’hui il la laisserait tranquille. Elle n’était pas d’humeur à supporter ses provocations. Elle ne l’était jamais d’ailleurs. La cigarette au bec, elle le regarda s’avancer du coin de l’œil, l’air méfiante. Mais il semblerait qu'il n'ait pas envie aujourd'hui de l'épargner. Lorsqu'il fut à quelques mètres, elle se tourna complètement vers lui, affichant une mine agacée. « J’suis en pause. » dit-elle d'un ton agressif, les sourcils légèrement froncés, le dévisageant quelques instants.

« J’remarque t’inquiètes. » Elle soupira. Il était vraiment obligé de venir jusqu’ici pour la gâcher sa pause, son seul répit de la journée ? Il garda le silence quelques instants, s’alluma une cigarette. Judith colla son dos contre le mur et leva les yeux vers le ciel. Elle aimait regarder les fins nuages glisser sur le fond bleu. Elle laissa son esprit vagabonder, s’oublier dans un moment de plénitude rare. Elle finit même par presque oublier la présence de Konrad à ses côtés.  Mais c’était sans compter sur le jeune homme. « Toujours aussi passionnée par ton taff ? Tu tire une tête de joie, ça fait plaisir. » Elle repose son regard noir sur le visage amusé de son interlocuteur. « Fais moi un joli sourire Judith. » Elle fronce les sourcils, agacée. « Va te faire foutre Sheffield. » lança-t-elle d’un ton méprisant avant de porter la nicotine à sa bouche. Elle recrache la fumée et ajoute, dans un léger sourire narquois : « Tes potes toxicos t’ont lâché ou quoi ? T’as rien à faire à part venir me faire chier ? »

« Après t'avoir fais chier promis. » Il avait vraiment réponse à tout. Elle sentait la chaleur de la colère l’envahir. Cette boule de feu qui grandissait au cœur de sa poitrine et qui rendait son corps brûlant, fiévreux. Elle termina sa cigarette et jeta son mégot dans le silence. Elle se mordait la langue pour ne pas lui hurler de dégager. Elle savait que ça lui ferait que trop plaisir de la voir être agacée de la sorte. Judith tentait de se retenir tant bien que mal, mais elle était trop impulsive pour arriver à contrôler ses réactions. « Euh non j'ai rien à faire à part passer du temps avec toi. » Elle leva les yeux au ciel dans une moue traduisant son énervement. Elle croisa les bras et se planta devant le jeune homme. Elle était plus petite d’environ vingt centimètres. Levant la tête, elle le regarda dans les yeux et déclara d’une voix faussement calme, légèrement tremblante de se retenir de l’insulter sans aucun remord : « T’es un vrai boulet, Sheffield. Fous moi la paix, t’es qu’un dépravé, tu m’intéresses pas. Le jour où t’arrêteras tes merdes et que tu seras un peu plus intéressant, j’accepterai de discuter avec toi de choses un peu plus évoluées. Si ton seul but en venant ici était de m’emmerder, t’as gagné. Bravo, t’es content ? » Elle marqua une courte pause, soupirant. Puis elle reprit : « Maintenant dégages, je reprends mon service. » Puis, elle tourna les talons et se dirigea tout droit vers le bar dans lequel elle entra. A ce moment précis, elle pensa être débarrassée pour aujourd’hui de ce petit effronté. Mais c’était son compter sur l’acharnement de Konrad.