Cher William,
Maman m'a dit de t'écrire des lettres quand j'avais la sensation que tu me manquais. Elle dit que c'est différent que de te raconter mes histoires en vrai, mais qu'au moins comme ça nous pourrons communiquer. Ca me fait un peu bizarre, je l'avoue, mais si ce n'est pas à toi, je ne sais pas à qui je pourrais me confier.
Il faut que je sois sincère : je ne suis pas sûr de tenir le coup. J'ai l'impression que toute ma vie tombe en ruine et ce depuis que toi et Papa êtes partis. Je savais que cela n'allait pas très bien entre lui et Maman mais jamais je n'aurais imaginé que ça se serait terminé comme ça. Eux qui s'aimaient si tendrement, comment peuvent-ils se détester autant aujourd'hui ?
Maman ne sort plus. Elle fait l'effort de se lever le matin, me prépare des pancakes et me fait des signes quand je monte dans le bus mais je sais que dès que je ne suis plus là, elle repart dans son lit et pleure comme une enfant. J'aimerais pouvoir faire quelque chose. J'aimerais pouvoir l'aider. Mais je ne sais pas quoi faire. Peut être que c'est toi qui aurait dû rester ici avec elle. Toi au moins tu es assez fort pour t'occuper de son bonheur...
Je suis complètement perdu, Will. Auparavant, quand quelque chose n'allait pas, je me réfugiais dans ta chambre et tu me conseillais. A présent, je dois me contenter de penser :" Qu'est-ce que me dirait William ?". J'ai peur de faire un pas de travers et de faire tomber tout ce que nous avons construit au passage. Du moins, ce qui n'a pas déjà été détruit. J'ai besoin de ton aide. J'ai besoin de mon grand-frère. Ecris-moi vite.
Aidan
William,
Parfois je me demande si tu as oublié que tu avais un petit frère. Je n'ai aucune nouvelle de toi et c'est frustrant parce que tu me manques beaucoup. Il y a tellement de choses que j'aimerais te raconter et pour une fois, ce ne sont pas des histoires de dépressif qui se taille les veines. Il y a cette fille qui est arrivée au lycée. Je réfléchis depuis quinze minutes à comment formuler ma phrase mais mon cerveau est en bouillie à chaque fois que je pense à elle. Elle est tout simplement parfaite. Tu sais, c'est le genre de fille qu'on admire de loin pour éviter de tâcher son innocence. Le genre de fille à qui on se demande toujours si on plait tout simplement parce qu'elle est tellement adorable avec tout le monde que c'est difficile de voir si il y a une différence avec toi, si tu sors du lot. Celle pour qui on irait jusqu'à se mettre la tête dans une friteuse pour éviter que ses larmes coulent. Bon ce n'est pas très fin comme exemple, ça, je l'admet. Mais je suis fou d'elle. Genre vraiment. Je n'y croyais pas au début mais après deux mois passés ensemble, je crois que je dois arrêter de douter : c'est moi qu'elle aime. C'est moi le chanceux enfoiré qui occupe ses pensées. Pourquoi un ange comme elle s'intéresse à un gars banal comme moi ? Je me pose cette question tous les matins quand elle arrive toute souriante dans mes bras. Tu devrais la voir, Will. Elle est tellement magnifique, tu l'adorerais toi aussi.
Aidan
Cher William,
Est-ce que tu reçois mes lettres ? Est-ce que tu prends la peine de les lire ? J'imagine que tu es trop occupé avec ta vie pour me répondre. Mais moi j'ai besoin de toi. Surtout maintenant. Je ne sais pas comment j'en suis arrivé là, je sais juste que plus rien ne va. Depuis trois ans, j'ai changé, j'ai mûri, je me suis amélioré de partout. Je voulais être meilleur pour mériter Summer. Cette fille était presque irréelle pour moi. J'étais tellement heureux. Et j'ai tout fait pour qu'elle le soit aussi. J'ai laissé tomber les conneries de gosses, je me suis concentré sur mes cours, je lui ai écris des chansons, je lui faisais des surprises. Elle est restée toujours aussi parfaite, elle me soutenait, m'encourageait, elle accompagnait même Maman faire du shopping, histoire de la faire sortir un peu. On était vraiment heureux. Je l'aimais comme un fou. Je
l'aime comme un fou. Mais elle était avec Ethan ce matin-là. J'ai vu cet enfoiré sortir de chez elle à l'aurore. J'ai vu le petit sourire de Summer quand je lui ai demandé comment s'était passé le week-end. J'ai vu comment elle était mal-à-l'aise quand je lui donnais des baisers. Je deviens fou, William. Je veux lui arracher la tête. Je veux prendre ce bâtard et le démolir jusqu'à ce que son corps ne soit plus qu'un tas de viande. Je ne peux même plus réfléchir. Ca me tue. Elle me tue. Je suis si faible quand il s'agit d'elle que j'en deviens pathétique. Je ne sais plus quoi faire.
Aidan
William,
Tu dois être au courant que Maman a décidé de m'envoyer vivre chez Papa après mon accident de moto. Elle dit que depuis que ça s'est finit entre moi et Summer, je fais n'importe quoi. Elle ne comprend pas. Si j'ai cassé la figure de ce type au lycée, c'est parce qu'il m'avait prit pour un con. Il a cru qu'il pouvait se taper ma copine sans conséquences, que j'allais rester là comme un petit toutou à leur faire des grands sourires quand je les voyais passer et faire comme si je n'étais au courant de rien. Ce gars est une ordure, il le méritait. Après cette histoire j'ai eu besoin de me vider la tête. J'avais besoin de tourner la page, voilà comment je m'y suis pris. Je suis sorti beaucoup, j'ai fais des conneries, je me suis amusé. Maman dit que je fous ma vie en l'air, moi au contraire je pense que c'est un moyen d'en profiter. Après c'est vrai que j'ai un peu trop forcé cette nuit là et que je n'aurais pas dû prendre la moto pour rentrer mais je suis vivant non ? C'est pas une petite erreur qui fait de moi une mauvaise personne n'est-ce pas ?
Aidan
Cher "grand frère",
Pourquoi est-ce que j'ai cru qu'en arrivant chez Papa, on aurait enfin l'occasion de parler ? Pourquoi est-ce que j'ai cru que pour une fois, tu serais là pour moi ? Tu m'as abandonné le jour où vous êtes partis aux Etats-Unis et depuis, tu ignores mes lettres, mes appels, mon existence toute entière. J'ai l'impression d'être un pauvre type qui court depuis des années après son ancienne petite amie alors qu'elle, n'en a totalement rien à foutre. C'est pathétique. Mais de mon côté ou du tiens ? Qui fait le plus pitié entre celui qui essaye de s'accrocher à ce qui reste de sa famille, qui essaye de recoller les morceaux comme il peut, et celui qui est trop imbu de lui-même pour daigner répondre à une putain de lettre ? Tu n'étais pas juste mon frère, William. Tu étais mon meilleur ami. Aujourd'hui tu n'es qu'une ombre de mon passé. Un fantôme qui s'en est allé. Et je t'en veux. Beaucoup même. Pourtant je continue d'espérer que tu lis mes lettres, que tu t'en soucies un peu au moins. Mais bon, c'est encore un rêve stupide auquel je m'accroche. Je voulais aussi te prévenir que tu peux revenir à la maison. Papa a décidé de m'envoyer à la fac où il a été donc je ne serais plus dans les parages après vendredi. Parce que c'est bien pour ça que tu ne venais jamais, non ? Parce que j'étais là ?
Aidan
William,
Cette fois-ci je ne t'enverrais pas cette lettre. Parce qu'au bout de six ans, il faut bien que je me rende compte que tu n'en as rien à fouttre non ? Mais je l'écris quand même parce que ça me fait du bien de me confier. Même si je parle plus ou moins tout seul.
La fac est moins terrible que je ne l'avais imaginé. En fait je suis plutôt bien ici. Je ne me prend plus la tête avec des réflexions sur la vie et des grandes questions. Ca me fait économiser du temps et de l'énergie et ça ne me plombe pas le moral, au moins. Papa m'a laissé choisir mes matières et je lui en suis assez reconnaissant parce que comme ça, j'ai pu choisir les deux choses qui me rendent le plus heureux : l'écriture et la musique. Ca me plait beaucoup, tu sais. Pour une fois j'ai l'impression de travailler pour quelque chose de concret. Mais ne te fais pas d'idée, je ne suis pas un petit intello qui ne sort jamais la tête de ses bouquins hein ! Tu verrais les fêtes qu'il y a sur le campus, c'est de la folie ! Je sais que tu en serais jaloux. Les filles aussi sont assez bien. Même vraiment bien en fait. Mais je ne m'attacherais pas. J'ai déjà donné dans ce domaine et tu sais comme moi comment ça a finit. A présent, plus de romantisme, fleurs et petits mots doux, je préfère m'éclater vite fait avec une meuf et ne plus jamais la revoir et m'offrir des fleurs à moi-même.
Aidan